500 ex-journalistes de médias de la sphère Bolloré seraient tenus par des « clauses de silence », accuse RSF

Ils ont été muselés… Quelque 500 journalistes ont signé des clauses de confidentialité qui leur « imposent le silence » lorsqu’ils ont quitté des médias passant dans le giron du milliardaire Vincent Bolloré, assure RSF dans une enquête publiée mardi 18 mars 2025.
Une atteinte à la liberté d’expression ?
L’ONG de défense de la presse réclame « une limitation » de ces « clauses de confidentialité, de loyauté ou de non-dénigrement », qu’elle juge « disproportionnées ».
Elles « restreignent (la) liberté d’expression » des journalistes qui les ont signées, « et potentiellement leur activité professionnelle en les empêchant de critiquer ou d’enquêter librement sur des sujets liés à leur ancien employeur », accuse RSF.
Indemnités contre silence
Selon l’ONG, ces clauses ont été mises en place à partir de 2016, après la prise de contrôle par Vincent Bolloré du groupe Canal + et de sa chaîne info iTélé (devenue CNEWS), puis de la radio Europe 1, du magazine Paris Match (revendu depuis) ou encore du Journal du dimanche (JDD).
Les journalistes qui souhaitaient quitter ces médias pouvaient le faire via une rupture conventionnelle, permettant le versement d’indemnités… mais ce dispositif était assorti de clauses de confidentialité, avaient raconté plusieurs d’entre eux à l’AFP en 2023.
Prisma Media dément
Sollicités par l’AFP, les groupes Canal + et Lagardère News (dont dépend le JDD) n’ont, pour l’heure, pas souhaité faire de commentaire.
« Il n’y a aucune corrélation entre l’évolution des clauses et le rachat de Prisma Media par Vivendi (le groupe de Vincent Bolloré) en 2021 », a pour sa part assuré à l’AFP la direction de Prisma Media (Capital, Voici etc.). « Aucune demande de ce type n’a été formulée par le groupe Vivendi envers Prisma Media », a-t-on ajouté de même source.
RSF concède que ces clauses sont classiques en droit du travail. Mais « leur caractère illimité » est « hautement contestable » dans le journalisme, où elles « constituent une menace pour le droit à l’information », argumente le directeur général de RSF, Thibaut Bruttin.
Le « cas Rivoire »
Fin février 2024, le journaliste d’investigation Jean-Baptiste Rivoire avait été condamné aux prud’hommes à verser plus de 150.000 euros à son ancien employeur Canal + pour avoir rompu une telle clause.
Cette décision sanctionnait des propos qu’il avait tenus fin 2021 dans un documentaire de RSF sur « le système Bolloré ». Après sa condamnation, Jean-Baptiste Rivoire avait fustigé des « clauses de silence ».
Notre dossier « Vincent Bolloré »
« Il a souhaité toucher une indemnité qui allait au-delà du plan de départ » et « était liée à ce qu’on appelle du non-dénigrement », avait rétorqué le président du groupe Canal +, Maxime Saada, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les fréquences TNT. « Quand vous dénigrez, ce qu’il a fait, immédiatement on va au procès », avait-il ajouté.