« 2.000 euros par mois »… La revente de billets de concert, un business qui rapporte gros

Les 15 et 16 juillet, Kendrick Lamar s’est produit à guichets fermés à l’Accor Arena de Paris. Sacré artiste hip-hop de l’année aux BET Awards 2025 aux côtés de SZA, le rappeur californien attire aussi… une armée de revendeurs. En parallèle de l’effervescence des fans, un autre spectacle se joue dans l’ombre : celui d’un business parallèle, hyperstructuré et aidé par la technologie.
Victor*, 24 ans, étudiant lyonnais, en est un exemple. Il écoule chaque mois jusqu’à 200 billets de concerts, matchs ou spectacles. Sur un serveur Discord fermé, réunissant 762 membres, Victor accède à des fichiers d’anticipation, des calendriers d’événements et des analyses de revente pour une centaine d’euros par mois. « Entre revendeurs, on partage toutes nos informations : prix, taux de revente de l’année passée, conseils légaux, astuces pour doubler les files », précise-t-il. Et ajoute « ce sont des informations auxquelles les clients ont difficilement accès ».
Business juteux vs « 15.000 euros d’amende »
Pour que son business fonctionne, Victor a appris à utiliser des bots. « Ces robots sont programmés pour acheter plus vite que n’importe quel humain », explique-t-il. Pour 400 euros par mois il passe les files d’attente, rafle les billets dès leur mise en vente pour les revendre avec une marge. Sa stratégie ? « Acheter les places en grand nombre puis les revendre directement après la vente officielle ou en last minute, détaille-t-il. C’est un pari risqué, si le concert n’est pas sold-out, ça va être compliqué d’écouler les places. »
Un investissement rentable, qui « coûte du temps, de l’argent, de l’énergie. Mais une fois que tu maîtrises, tu peux rapidement faire 2.000 euros par mois. » Les acheteurs viennent à lui « par bouche à oreille ». « Pour les concerts de Jul, j’ai eu 200 messages », raconte celui qui ne dépasse pourtant pas les 1.500 abonnés.
Les concerts comme la tournée d’Oasis de cet été deviennent une opportunité d’investissement, au même titre qu’une paire de sneakers rares ou des actions boursières. Victor l’assure, cette pratique n’est pas illégale mais concède « selon les conditions générales d’utilisation des événements, on ne sait pas toujours ce qui est autorisé ou pas ».
En réalité, la loi française est sans ambiguïté. Si la revente ponctuelle par un particulier est tolérée, par exemple en cas d’empêchement personnel, la revente habituelle, sans autorisation de l’organisateur, est interdite, selon l’article 313-6-2 du Code pénal, qui précise que cet acte est « puni de 15.000 euros d’amende ».
Trois écrans mais pas de place pour Bad Bunny
Les plateformes tentent de lutter tant bien que mal contre ces abus. Iris Herscovici, de Ticketmaster, avertit : « Nous investissons plus de 100 millions de dollars par an pour contrer les bots. En France, on subit jusqu’à 200 millions d’attaques par semaine. » La plateforme de vente de billets multiplie les stratégies : inscription préalable, codes sécurisés, QR codes diffusés la veille du concert, billetterie numérique via l’application Fan Wallet. Et en cas de revente autorisée, « chaque billet est vérifié, les codes-barres annulés et réémis ».
Malgré ces garde-fous, le marché noir prospère. Pour Billie Eilish, Victor a vendu une place à 600 euros. Pour la finale de Ligue des champions du PSG, un autre revendeur a cédé deux billets pour 11.000 euros. « Les gens sont prêts à payer beaucoup pour une expérience qu’ils estiment unique », analyse-t-il.
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C’est ce que confirme Manon, une férue de concerts de 28 ans. Elle reconnaît être parfois prête à payer plus que le prix initial : « Pour le concert d’Harry Styles, j’ai payé presque 200 euros. » Mais ce n’est pas toujours suffisant. « Pour Bad Bunny, j’étais à trois écrans au moment de la vente. C’est un sport d’avoir une place », constate cette chargée de ressources humaines.
Alors elle s’adapte : alertes sur les plateformes, inscriptions aux préventes, optimisation de la file d’attente. « J’ai compris que les gens abandonnent quand ils sont trop loin dans la queue virtuelle. Alors moi, même si je suis 500.000e, je refresh, je persiste. » Une technique payante : elle était bien présente au concert de Kendrick Lamar mercredi soir.
*Le prénom a été modifié.

