France

1er mai : Pourquoi le socialiste Jérôme Guedj est personnellement pris à partie dans les manifestations ?

«Nous n’accepterons jamais la violence de fanatiques qui ne servent aucune cause et détruisent les combats collectifs ». Le patron du PS Olivier Faure a dénoncé jeudi soir sur X les insultes et agressions physiques dont ont été victimes plusieurs socialistes lors de la manifestation du 1er mai à Paris. Parmi eux, Jérôme Guedj, déjà ciblé lors d’un autre rassemblement dimanche dernier. Pourquoi le député de l’Essonne est-il particulièrement attaqué ? On fait le point.

Que s’est-il passé jeudi ?

Des incidents se sont produits en milieu d’après-midi sur le stand installé par le Parti socialiste sur le parcours de la manifestation parisienne pour la journée internationale des travailleurs. Des personnes habillées de noir, certains portant des drapeaux antifas, ont vivement bousculé des élus et des militants. « Un premier groupe virulent nous a fait des doigts d’honneur, nous a insultés de  »traîtres » en chantant  »tout le monde déteste le PS » », a raconté Jérôme Guedj. « Puis ont débarqué 20-30 personnes habillées en noir, comme des black blocs, qui sont allées au contact. Elles ont frappé des gens et ont mené une charge en jetant plusieurs bombes agricoles », a poursuivi l’élu PS, qui a dû être écarté du cortège.

Les accusations en « traîtrise » contre le PS au sein de la gauche radicale et de l’extrême gauche ne sont pas nouvelles. Elles ont ressurgi lors des manifestations contre la loi Travail sous le quinquennat Hollande, et plus récemment, lorsque le groupe socialiste à l’Assemblée n’a pas voté les motions de censure contre François Bayrou. Olivier Faure a promis des plaintes en justice. « Le PS continuera de manifester et ne cédera rien à ces gens cagoulés, qui viennent frapper des hommes et des femmes dans des cortèges », souligne auprès de 20 minutes, Rachid Temal, sénateur PS.

Pourquoi Jérôme Guedj est-il ciblé ?

Ce n’est pas la première fois que l’élu de l’Essonne est ciblé de la sorte. Jérôme Guedj avait déjà été qualifié de « sale sioniste » lors de la marche pour les droits des femmes le 8 mars dernier. Il a également dû quitter un rassemblement en hommage à Aboubakar Cissé dimanche après avoir essuyé des invectives antisémites. « Dégage », « sioniste », « on n’a pas besoin des juifs avec nous », dit-il avoir entendu. La patronne de la fédération socialiste de Paris, Lamia El Aaraje, a estimé dans un communiqué que l’élu socialiste avait « de nouveau été la cible d’insultes antisémites » ce jeudi, même si l’intéressé précise ne pas les avoir entendues. D’autres responsables ont indiqué avoir été insultés de « sales sionistes » et de « génocidaires » par des manifestants, en écho aux bombardements à Gaza et à la guerre entre Israël et le Hamas, qui fracture la gauche depuis le 7 octobre 2023.

« On a été agressés hier parce que nous sommes le PS, et certains l’ont été parce qu’ils sont juifs ou supposés juifs », dénonce auprès de 20 minutes Nicolas Mayer-Rossignol, numéro 2 du parti. « Pourquoi est-ce Jérôme Guedj qui est toujours ciblé ? Ces insultes antisémites sont scandaleuses, elles l’essentialisent alors qu’il combat le gouvernement de Benyamin Netanyahou et défend de longue date, comme le PS, une solution à deux Etats », poursuit le maire de Rouen.

Pourquoi les insoumis sont-ils critiqués ?

Jérôme Guedj a précisé sur BFMTV « ne pas avoir vu des militants LFI l’insulter ce jeudi », contrairement à dimanche dernier. Mais il a dénoncé les « pompiers pyromanes » et a accusé La France insoumise de « brutaliser » le débat public : « Quand ça pue l’antisémitisme on le sent, et ça me fend le cœur que des gens à gauche puissent banaliser ou être complaisants » avec ce sujet. L’élu PS, qui a rompu avec LFI dans la foulée du 7 octobre, est régulièrement ciblé par des insoumis qui lui reprochent notamment de ne pas utiliser le terme de « génocide » à Gaza. Ils l’accusent aussi d’avoir été à l’origine de la double annulation d’une conférence sur le Proche-Orient que Jean-Luc Mélenchon devait donner à Lille en avril 2024.

A l’époque, le tribun insoumis avait qualifié son ancien ami de « délateur », de « ceux qui aiment aller susurrer à l’oreille du maître ». Jean-Luc Mélenchon évoquait dans cette violente note de blog ses « couinements » et « son milieu de fanatisme ». « L’intéressant est de le voir s’agiter autour du piquet où le retient la laisse de ses adhésions », écrivait-il. Des propos alors jugés antisémites par l’intéressé. « Il y a un naufrage moral d’une certaine gauche qui pousse à l’essentialisation », soupire Rachid Temal, fervent opposant à l’alliance avec LFI. De nombreux responsables politiques, notamment à gauche, ont apporté leur soutien à Jérôme Guedj et aux socialistes agressés. Après avoir semblé relativisé les attaques contre l’élu PS, Marine Tondelier (EELV) a finalement corrigé le tir, dans un tweet ce vendredi.

Du côté des insoumis, Manuel Bompard s’est contenté d’un sobre message demandant « aux médias d’arrêter de nous imputer n’importe quelle action contre un tel ou une telle dans les manifestations parisiennes ». Concernant les violences, le coordinateur national LFI précise que « nous ne sommes pas d’accord avec le fait que l’on règle des désaccords politiques comme cela ».