Belgique

YouTube a-t-il vraiment mis fin à la télévision ?

Le youtubeur français Squeezie a sorti « Stop the Train », une vidéo qualifiée de la plus chère du YouTube français avec un budget de 700.000€. Le documentaire « Kaizen » a battu tous les records en termes d’entrées en salles avec près de 400.000 entrées dans les cinémas en France, en Belgique et dans tous les pays francophones.


Le youtubeur français Squeezie a récemment publié « Stop the Train », une production qui a rapidement été qualifiée de vidéo la plus coûteuse du YouTube français, avec un budget de 700.000€. Ce nouveau format marque un éloignement des petites vidéos filmées depuis la chambre des streamers. Les codes, les budgets et les intentions ont évolué. Le temps des soirées passées devant le petit écran semble révolu. La question se pose alors : le petit écran est-il vraiment dépassé face à des plateformes comme YouTube et Twitch ? Selon nos invités, il s’agit davantage d’une cohabitation que d’un vrai remplacement de la télévision. Romain Leroux affirme : « Je ne pense pas qu’un média enterre nécessairement l’autre. Il s’agit plutôt de la cohabitation entre deux types de médias différents. »

En tant que réalisateur à la RTBF, Romain Leroux admet que la montée en popularité des formats YouTube représente un défi pour son métier. Il est nécessaire de s’en inspirer pour penser les nouvelles productions télévisées. « La télé regarde YouTube et apprend. On a été amené, avec l’explosion de YouTube, à être confronté à un public plus adepte des montages rapides. Dans la continuité, on a donc fait évoluer la vitesse de nos montages, le rythme, nos accroches. Aujourd’hui, on n’installe plus une émission de télévision comme on le faisait auparavant. »

Inversement, Romain Leroux souligne que YouTube puise aussi de l’inspiration dans le petit écran. En 20 ans, la plateforme a beaucoup évolué, tout comme ses codes. Au-delà du simple contenu amateur, on y trouve désormais des superproductions qui rappellent de grands formats télévisuels, tant au niveau de la structure narrative que des éléments techniques, comme l’éclairage ou la bande-son. « On se rend compte aujourd’hui que certains contenus sur YouTube sont des contenus qui pourraient être tout à fait diffusés en télévision. » Par exemple, le GP Explorer, produit par Squeezie, sera diffusé sur France 2.

Concernant les budgets, la récente vidéo de Squeezie a engendré des coûts de 700.000 euros, un montant exceptionnel pour YouTube. En Belgique, avec un marché plus restreint, aucun programme télévisé n’atteint de tels budgets, mais plusieurs superproductions françaises, telles que Koh-Lanta, Danse avec les stars ou La France a un incroyable talent, s’en rapprochent. Romain Leroux rappelle : « Ça reste des émissions très prestigieuses. De la même manière que sur YouTube, ça reste une exception des formats qui coûtent aussi cher. Ce n’est pas la règle. »

Le documentaire « Kaizen », qui retrace l’ascension de l’Everest par le youtubeur Inoxtag, illustre bien la complémentarité des formats. Initialement conçu pour YouTube, le programme a été pensé pour capter l’attention de la communauté d’Inoxtag. Selon Gregg Bywalski, directeur de Webedia Creators, l’équipe a finalement cherché à élargir son audience. « Ça pouvait toucher les parents. […] Au final, on a choisi de le diffuser au cinéma. Ça a été un gros challenge de diffuser, la veille de sa sortie YouTube, un film au cinéma, alors que le lendemain, à 14 heures, le même programme est disponible gratuitement sur YouTube. Finalement, on a battu tous les records d’entrées sur une seule soirée, avec près de 400.000 entrées en France, en Belgique et dans tous les pays francophones. »

Dans les jours qui ont suivi, « Kaizen » a également été diffusé sur YouTube, atteignant 12 millions de vues en 24 heures, puis à la télévision, notamment sur la RTBF, où l’audience a également répondu présent. « Et je boucle la boucle en allant jusqu’à une plateforme comme Disney +, qui a repris le programme également au mois de mai dernier. Là aussi, un succès d’audience, alors que le film est toujours disponible sur YouTube et approche aujourd’hui des 50 millions de vues. Donc, en fait, la télévision peut faire partie de l’écosystème de diffusion des contenus YouTube, comme YouTube peut devenir aussi la caisse de résonance de programmes historiquement linéaires. »

Cette évolution impacte également la formation des futurs professionnels. Romain Leroux conclut : « Je pense que la doctrine d’hier était d’apprendre aux étudiants à réaliser des formats de télévision classiques. Aujourd’hui, le défi dans le corps professoral est plutôt de leur apprendre avant tout à raconter, et mettre en place des moyens techniques qui permettent de raconter leurs histoires, peu importe le médium, vu qu’aujourd’hui les médiums s’hybrident et se mélangent. »

Découvrez également les coulisses économiques des productions YouTube en écoutant l’intégralité du podcast des Clés dans le player ci-dessus ou sur Auvio.