Belgique

Wilson Fache : « Célébrer la chute de Bachar Al-Assad, c’est nier le sang syrien ? »

Une salle de concert a été transformée grâce à une armée de volontaires qui ont nettoyé les lieux et placé des chaises blanches en plastique. La chorale a pris place pour la répétition générale et, bien que je sois encore le seul spectateur, des dizaines de familles de Daraya vont bientôt me rejoindre.


Je vous écris depuis une salle de concert où l’on peut apercevoir le ciel à travers des trous dans le plafond.

Une véritable armée de bénévoles a été mobilisée pour nettoyer l’endroit et disposer des chaises blanches en plastique, transformant ainsi ce bâtiment bombardé en un espace culturel. La chorale est maintenant installée pour sa répétition générale.

Pour l’instant, je suis le seul spectateur, mais des dizaines de familles de Daraya s’apprêtent à me rejoindre.

Assis sur ma chaise en plastique, un shawarma à la main, je réalise qu’un événement incroyable est en train de se dérouler. Pour saisir l’ampleur de cette situation, il est essentiel de se souvenir que Daraya, cette banlieue de Damas, a été durement frappée par le régime de Bachar Al-Assad. Utiliser le terme « écrasée » est trop vague ; il vaut mieux parler d’ »assiégée », d’ »affamée » ou de « bombardée ».

Ici, la révolution avait commencé pacifiquement. Les habitants avaient offert des roses, mais avaient reçu des balles en retour. Ensuite, un siège de quatre ans a eu lieu. Pour survivre sans nourriture, certains habitants ont dû manger de l’herbe.

Finalement, un événement inimaginable s’est produit : une offensive rapide d’une coalition de forces rebelles a réussi à renverser le régime, contraignant Bachar Al-Assad à fuir vers Moscou. Cela s’est passé il y a exactement un an.

En attendant le début du concert, je sors faire un tour et croise des choristes en pause. Tous très jeunes, entre 18 et 20 ans, ils sont fiers de me dire que parmi eux, toutes les régions et toutes les confessions du pays sont représentées.

Je demande : toutes les régions ? Même la côte, même Soueïda ? Leurs sourires se tordent, exprimant à la fois gêne et tristesse. Ils parlent de « la situation » et des « événements », des euphémismes pour désigner les attaques et les massacres commis contre les minorités alaouites et druzes par des groupes associés au nouveau pouvoir.

Comment célébrer la chute de Bachar Al-Assad alors que le sang des Syriens continue à nourrir la terre ? Comment ne pas célébrer la chute de l’un des pires régimes de la planète ?

Daraya a connu la famine et les bombardements, et sa population a été entièrement évacuée, mais ils sont de retour. La salle est maintenant pleine, avec autant d’adultes que d’enfants. Le concert peut commencer.