Willy Demeyer (PS), bourgmestre de Liège : “Pour les métropoles, la régionalisation de l’État était une erreur”
Liège se trouve à l’étroit dans les limites administratives de la commune. Depuis plusieurs mois, notamment alimentée par l’abandon des extensions du tracé du nouveau tram, la réflexion mûrit : un des scénarios pour l’avenir repose sur la fusion de plusieurs communes de l’agglomération. Lesquelles ? On n’en est pas là. Il existe des résistances. Mais le bourgmestre de la Cité ardente, le socialiste Willy Demeyer, estime que la question se posera inévitablement en raison de la pression sur les finances publiques locales et le besoin de réaliser des économies d’échelle.
- Publié le 18-01-2025 à 07h04
En décembre, vous aviez évoqué l’intérêt qu’auraient les communes liégeoises à fusionner. Avant les élections locales d’octobre, Frédéric Daerden (PS), bourgmestre de Herstal, avait délivré le même message. Mais, au sein de l’agglomération, d’autres mayeurs ont rejeté l’idée. Le projet de métropole va-t-il faire « pschitt », comme aurait dit Jacques Chirac ?
La raréfaction des moyens publics, à tous les niveaux de pouvoir, force à la réflexion et à la réorganisation institutionnelle pour une rationalisation des coûts et des raisons d’efficacité. Mon raisonnement vient des discussions que nous avons avec la Région wallonne. On nous dit que nos services coûtent trop cher. À cela, la ville répond qu’elle subit les coûts de sa centralité en matière de culture, d’enseignement ou de mobilité : nous avons 200 000 habitants – et même un peu plus car certains ne sont pas recensés et ne paient d’ailleurs pas d’impôt – et nous assurons des services pour 500 000 à 600 000 personnes tous les jours. Il faut organiser une adéquation entre la réalité des bassins de vie et les institutions publiques.
Comment fait-on alors ?
Dans la déclaration de politique régionale (du gouvernement Dolimont, NdlR), il est question du rôle que peuvent jouer les provinces dans la supracommunalité. Pourquoi pas ? Une autre méthode : les fusions entre les communes. Ce serait plus compact. Si nous étions français, le problème serait réglé : on aurait une métropole comme Lille.
En tout cas, Frédéric Daerden semblait ouvert. En attendant davantage, on pourrait avoir une fusion entre Liège et Herstal, qui compte tout de même 41 000 habitants ?
Il y a un grand continuum urbain entre Liège et Herstal. Vous passez d’une commune à l’autre sans vous en rendre compte. Herstal est l’une des communes qui fait le plus corps avec Liège. Nous avons eu avec Frédéric Daerden des discussions sur ce modèle, comme avec d’autres bourgmestres. Mais la création d’une métropole ne suffira pas à régler les problèmes de Liège, qui est désargentée. La première des choses à faire, c’est d’équilibrer nos budgets et nos comptes. Il faut diminuer la voilure d’une manière importante. Cela rendra Liège plus désirable pour les communes susceptibles de la rejoindre.
Quelle est l’attitude du gouvernement wallon dans tout cela ?
Le fond de l’affaire, c’est que la Wallonie a un problème avec la centralité (des villes), elle ne la finance pas bien. Contrairement à la Flandre. En Flandre, les structures ont été beaucoup simplifiées à de nombreux échelons. La ville d’Anvers s’est désendettée, c’est vrai. Mais Anvers est aussi très bien dotée par le Fonds des communes flamand. Liège et Charleroi ont à elles deux 24 % du Fonds wallon des communes alors qu’Anvers et Gand ont 40 % du Fonds flamand des communes. En Wallonie, il existe une incompréhension entre les territoires : les villes ne se mettent pas à la place des campagnes et les campagnes ne se mettent pas à la place des villes.
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Comment voyez-vous l’avenir financier de la ville ? La Région a dû prêter de l’argent à Liège, Mons et Charleroi dans le cadre de son plan Oxygène car les banques avaient refusé de prêter de l’argent aux grandes villes wallonnes…
Nous collaborons avec la Région pour construire ensemble les solutions. Nous allons faire des efforts substantiels à l’avenir et nous en avons déjà réalisé beaucoup. À une certaine époque, la ville avait 8 000 ou 9 000 agents. Aujourd’hui, nous sommes à 2 800. Dans l’histoire communale, nous avons intercommunalisé certains services, nous avons vendu des bâtiments… Équilibrer les comptes de la ville en un an, ce n’est pas possible. Mais nous pourrons nous inscrire dans une trajectoire qui nous amènera à l’équilibre.
Pour en revenir à l’idée de création d’une métropole, les interrogations actuelles démontrent que le système institutionnel belge n’est pas idéal. Non ?
Pour les métropoles, la régionalisation de l’État, telle qu’elle a été opérée, était une erreur. Un modèle basé sur les provinces aurait été meilleur. Les provinces correspondent dans chaque cas à un bassin de vie. De ce point de vue, le territoire des provinces est articulé autour des villes importantes. La régionalisation n’a pas permis de rencontrer cette réalité. Et nous en sommes toujours là, aujourd’hui… Par ailleurs, il subsiste dans le Code de la démocratie locale une référence à la loi qui remonte aux années 70 qui prévoit la possibilité de créer des fédérations de communes et des agglomérations de communes autour des cinq grandes villes belges. Cela constitue une base légale pour les métropoles.
On aurait dû organiser le fédéralisme autour des dix provinces comme entités fédérées plutôt que les Régions et les Communautés ?
On aurait pu organiser le système autour de cinq provinces wallonnes et cinq provinces flamandes, avec une institution régionale light, par exemple. Je ne propose rien, on ne va pas revenir en arrière… Mais si on veut bien réfléchir, comme je le disais, les provinces correspondent aux bassins de vie. Le débat s’imposera à nous : nous allons être obligés de simplifier les structures, de faire des économies d’échelle à l’avenir.