Belgique

« Vous n’aurez pas ma haine »: le père d’une victime s’adresse aux accusés du procès des attentats de Bruxelles

”Je ne peux qu’exprimer ma colère à l’égard des responsables et des politiciens qui ont incité au retour d’un certain Oussama Atar et qui sont toujours en place”, a dit jeudi Eric Bastin qui, se demande toujours “comment il est possible d’être aussi bête” pour l’avoir laissé rentrer en Belgique. Et de parler, sans citer de nom, de responsables socialistes et écologistes.

Oussama Atar, qui avait été incarcéré en Irak après avoir rejoint les rangs d’Al-Qaïda en 2004, a été rapatrié en Belgique en 2012 après une forte mobilisation, soutenue par des politiques. Il était convenu qu’il devait faire l’objet d’une surveillance et qu’il ne pourrait quitter la Belgique. Après avoir radicalisé ses cousins Ibrahim et Khalid El Bakraoui lors de visites en prison, il a obtenu un passeport et a rejoint l’État islamique en 2014. Il est considéré comme le commanditaire, au départ de la Syrie, des attentats de Paris et Bruxelles. Présumé mort, il est jugé par défaut à Bruxelles.

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Honte de la Belgique

M. Bastin, qui a 40 ans, vit depuis une vingtaine d’années à l’étranger. Il s’est installé en France il y a huit ans. Il a suivi de près le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui s’est tenu à Paris, au cours duquel les services de renseignement belges ont été critiqués. “J’ai ressenti une profonde honte de me dire que mon pays, qui accueille l’OTAN, n’est pas capable de protéger sa population”.

Tout comme ses parents, il s’est beaucoup intéressé au contexte des attentats et aux réponses que la Belgique a apportées. Il a rencontré un agent des services de renseignement. “Celui que j’ai vu avait un ordinateur de 10 ans, qui a mis dix minutes à s’allumer. Et on lui demande d’être à la pointe en matière de renseignements. Comment cela serait-il possible avec de tels moyens ?”, s’interroge-t-il.

Eric Bastin se dit aussi “profondément honteux”, de voir comment les autorités belges ont laissé les victimes “sans assistance face aux assureurs. Je vous invite à regarder ce qui s’est fait en France”. Et de déplorer qu’avec le temps qui passe, les politiques ont rapidement mis ces questions de sécurité et d’aide aux victimes sur le côté.

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Une intuition maternelle

Pierre Bastin, le père d’Aline, a témoigné de ce funeste 22 mars 2016. À 09 h 11, son épouse a entendu à la radio qu’il y avait eu un attentat à Maelbeek. Immédiatement, elle a pressenti qu’Aline était dans cette rame de métro. “Les mères sentent quand leur enfant est en danger”, dit-il. Aline ne répondait pas sur son portable. Ils ont craint le pire. Pierre Bastin, médecin généraliste, n’a pas interrompu ses consultations le 22 mars. “Il y avait beaucoup de refroidissements. Ma salle d’attente se remplissait”, dit-il.

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Je suis comme un oiseau qui a perdu ses ailes

Ce n’est que le samedi 26 mars que la famille aura la confirmation officielle de la mort d’Aline. Tuée par le blast, soit l’onde de choc de l’explosion, elle était pourtant tout à fait reconnaissable. Sa maman n’a pas voulu voir son corps. “Je lui ai donné la vie. Je ne veux pas la voir morte”, a-t-elle écrit. Elle est inconsolable : “Je suis comme un oiseau qui a perdu ses ailes”, a-t-elle encore couché dans un texte lu par son mari devant la cour d’assises.

Pierre Bastin a tenu à s’adresser aux accusés. “Vous n’aurez pas ma haine”, a-t-il dit. Et d’expliciter. “La haine, c’est vouloir la mort de l’autre et je ne veux la mort de personne, je veux seulement la justice”. Mais il n’est pas prêt non plus à leur donner son pardon, qui est une “rencontre entre deux volontés” et car “le pardon c’est l’offensé qui le donne à l’offenseur” et M. Bastin ne se sent pas la légitimité de le donner au nom de sa fille.

”La meilleure chose à vous souhaiter, c’est que vous preniez conscience de ce que vous avez fait et par quel mécanisme vous en êtes arrivé là. C’est cela et cela seulement qui vous rendra libres”, a-t-il conclu.