Voitures thermiques : en 2035, les constructeurs européens ne sont pas unanimes.
Munich accueille cette semaine le plus grand salon automobile d’Europe, où les marques allemandes présenteront plusieurs nouveaux modèles électriques, dont le SUV iX3 « Neue Klasse » de BMW et l’Id Polo de Volkswagen. Malgré une augmentation des ventes de voitures électriques de +39,1% en juillet 2024 par rapport à juillet 2023 en Europe, plusieurs constructeurs européens, dont Antonio Filosa de Stellantis, expriment des inquiétudes concernant les objectifs climatiques de l’Union européenne, jugés « pas réalistes ».
Toute cette semaine, Munich accueille le plus grand salon automobile d’Europe, où l’ambiance est marquée par des sentiments mitigés d’espoir et d’inquiétude. Les fabricants européens se heurtent à des ventes faibles, des coûts énergétiques élevés, des taxes américaines et une concurrence croissante des véhicules chinois. Toutefois, ils souhaitent démontrer leur engagement dans la course mondiale à l’électrique.
Les marques allemandes en particulier prévoient des présentations majeures lors de cet événement. BMW dévoilera son SUV iX3 « Neue Klasse », un modèle électrique haut de gamme offrant une autonomie de plus de 800 kilomètres. Mercedes-Benz présentera aussi une version électrique de son SUV GLC. Des petites voitures électriques, comme l’Id Polo de Volkswagen, seront également mises en avant.
Ces nouveaux modèles pourraient contribuer à l’augmentation des ventes de véhicules électriques en Europe, qui ont bondi de 39,1 % en juillet par rapport à juillet 2024. Les variations entre les pays sont significatives : +17,1 % en Espagne, +11,1 % en Allemagne, mais –7,7 % en France et –5,1 % en Italie. En Belgique, la hausse s’établit à 4,3 % pour le premier semestre, bien que les voitures à motorisation essence demeurent le choix prédominant chez les acheteurs de véhicules neufs.
Dans le top 15 des ventes, neuf constructeurs européens figurent. Volkswagen se classe en tête avec presque 150 000 véhicules électriques écoulés sur le continent au cours des six derniers mois, suivi de Tesla, qui connaît une chute de plus de 40 %. Viennent ensuite BMW, Renault, Audi, Skoda et Mercedes-Benz, ainsi que Peugeot, Citroën et Cupra.
Malgré ces chiffres encourageants, plusieurs constructeurs européens expriment des inquiétudes. Ils critiquent les ambitions climatiques de l’Union européenne. Antonio Filosa, le directeur de Stellantis, le quatrième constructeur mondial, a déclaré : « Les objectifs de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et l’interdiction des ventes de voitures thermiques en 2035 ne sont pas réalistes tels que définis. » Il a alerté sur le déclin rapide de l’industrie automobile européenne, demandant à l’UE plus de flexibilité et des incitations pour « enrayer le cercle vicieux qui entraîne la baisse des ventes et retarde le renouvellement d’un parc automobile vieillissant ».
Pour soutenir sa position, il a notamment cité la chute du marché des véhicules utilitaires électriques en Europe, affirmant que « cette baisse équivaut à la production de deux usines et met en danger 50 000 emplois ».
La sortie médiatique de Filosa n’est pas un cas isolé. Fin août, Ola Källenius, le directeur de Mercedes-Benz et président de l’association des constructeurs européens (ACEA), a qualifié les objectifs de l’Union européenne d’ »inatteignables ». Dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, il a fait valoir que l’on demandait à l’industrie automobile de se transformer « les mains liées dans le dos ».
Selon Källenius, bien que les ventes de voitures électriques soient en hausse, elles restent insuffisantes pour garantir la compétitivité du secteur. En pointant du doigt les 15 % de taxes sur les véhicules européens exportés aux États-Unis, il a appelé l’Union européenne à dépasser « l’idéalisme » et à adopter des mesures pour stimuler les ventes, telles que « des subventions à l’achat, des réductions d’impôts ou un accès privilégié à l’espace urbain ».
Il a également plaidé pour la « neutralité technologique », demandant l’autorisation d’autres technologies que les voitures à batterie électrique, telles que les voitures hybrides, qui représentent près de 35 % des ventes en Europe cette année. En ce sens, Renault présentera sa nouvelle Clio hybride au salon de Munich.
Cependant, tous ne partagent pas cet appel à relâcher les ambitions climatiques de l’Union européenne. Une lettre, envoyée ce lundi à Ursula von der Leyen, exhorte la présidente de la Commission à ne pas reculer sur l’interdiction des voitures essence et diesel en 2035. Parmi les 150 signataires figurent des constructeurs automobiles (Volvo, Polestar), des fabricants de batteries, des opérateurs de recharge et des gestionnaires de réseaux.
Cette lettre souligne les investissements réalisés et les emplois créés, déclarant que « retarder l’objectif de 2035 éroderait la confiance des investisseurs et donnerait un avantage à des concurrents mondiaux dans un monde où une voiture sur quatre vendue cette année sera électrique ».
L’ONG Transport et Environnement partage ce point de vue, affirmant dans un rapport publié aujourd’hui que les constructeurs européens seraient sur la bonne voie. Elle prévoit que la part de marché des voitures électriques atteindra 25 % des ventes en 2027 et dépassera 55 % en 2030. Cette croissance serait facilitée par un déploiement massif des bornes de recharge en Europe et par la baisse du coût des batteries, qui devrait réduire de 46 % d’ici 2030, permettant aux voitures électriques de devenir plus abordables. Au moins 19 modèles entre 17 000 et 25 000 euros seront disponibles sur le marché d’ici deux ans.
Une dernière argumentation de Transport et Environnement met en avant l’évolution stratégique du marché automobile mondial. Les ventes de véhicules électriques connaissent une croissance dans plusieurs pays, notamment au Mexique, en Indonésie, en Chine et au Vietnam.
L’Europe se trouve à un carrefour : elle peut soit prendre les devants dans la course mondiale aux véhicules électriques, soit rester en arrière avec les combustibles fossiles. « L’affaiblissement des objectifs de réduction des émissions de CO2 pour 2030-2035 annulerait tous les investissements et efforts consacrés aux véhicules électriques, tandis que la Chine renforcerait son avance dans ce domaine », conclut l’ONG.
Ainsi, deux visions s’opposent concernant l’avenir de l’industrie automobile européenne. L’Union européenne, soumise à cette pression de part et d’autre, a prévu d’organiser le 12 septembre le troisième et dernier volet de son Dialogue stratégique sur le futur de l’industrie automobile. Plusieurs initiatives ont d’ores et déjà été mises en place pour soutenir la production de batteries électriques en Europe, un secteur largement dominé par la Chine.
Ursula von der Leyen devra choisir entre maintenir son cap climatique ou opter pour le pragmatisme économique défendu par l’industrie automobile. Quelle que soit sa décision, elle risque de rencontrer des difficultés pour rassembler tout le monde.

