Belgique

“Visiblement, il y a des choses qui ne doivent pas être sues par la population”

Ce texte, qui sera examiné ce mercredi en commission de la Chambre, est censé répondre à une série de recommandations du Greco (le Groupe d’États contre la corruption) en matière de publicité de l’administration fédérale. Sont particulièrement visés : les cabinets ministériels (ou “organes stratégiques”, selon l’appellation juridique), qui seront soumis aux mêmes règles de transparence que l’ensemble des administrations.

En théorie, les documents de travail des cabinets pourront à l’avenir être rendus publics. Dans la pratique, on est en train de mettre en place de nouveaux verrous, déplore Christophe Van Gheluwe.

Un nouveau motif pour refuser la transparence

Lorsqu’une demande d’accès à des documents est adressée (par des citoyens, des journalistes, des associations, etc.), les administrations peuvent refuser d’y souscrire dans certains cas. Par exemple, pour des raisons de sécurité.

Il existe aussi des circonstances dans lesquelles les autorités sont obligées de refuser la transmission de documents. Par exemple, en cas d’atteinte à la vie privée.

Ce que le gouvernement propose, avec son projet de loi, c’est d’ajouter un nouveau motif d’exception aux règles de transparence. En l’occurrence, lorsque les documents portent “sur l’exécution d’une stratégie politique”.

Une telle limitation n’est pas en vigueur dans les entités fédérées.

”Afin de respecter la confidentialité nécessaire de certains documents des organes stratégiques, un nouveau motif d’exception spécifique est […] ajouté […], en ce qui concerne le secret des documents administratifs qui portent sur l’exécution d’une stratégie politique, échangés [entre membres du gouvernement, leurs cabinets et administrations], ainsi qu’avec un parti politique ou groupe parlementaire”, expose le projet de loi.

”Ils ratissent large, commente M. Van Gheluwe. Dès que le document concernera l’élaboration d’une politique, tout ministre pourra dire : ‘Moi, je veux bien vous le transmettre, mais la loi me l’interdit’. Mais c’est quoi une stratégie politique ? Ce n’est pas défini. Tout ce que les ministres font relève d’une stratégie politique. Ce texte verrouille la quasi-totalité des documents des cabinets ministériels.”

Le Conseil d’État s’interroge aussi

Le Conseil d’État s’étonne également de cette limitation. “Même si, dans certains cas, il est vrai que les motifs d’exception déjà existants pourront suffire à rejeter une demande de documents qui n’ont pas vocation à être rendus publics, justifie le projet de loi, il ne faut pas perdre de vue que les motifs d’exception doivent être interprétés de manière restrictive […]. Afin d’éviter de se retrouver dans des situations où […] aucun des motifs d’exception n’est applicable, il est nécessaire de maintenir ce nouveau motif, spécifique à la situation des organes stratégiques.”

Christophe Van Gheluwe fait remarquer qu’une telle limitation n’existe pas dans les entités fédérées (Régions et Communauté). De même, les Commissions d’accès aux documents administratifs (Cada) des entités ont un pouvoir décisionnel et peuvent dès lors obliger les administrations et gouvernements à communiquer certains documents. Ce n’est pas le cas au fédéral, où la Cada restera consultative.

Les partis de la majorité Vivaldi (PS, Vooruit, MR, Open VLD, Écolo, Groen, CD&V) ont tous soutenu les Cada décisionnelles dans les Régions et Communautés. “Pourquoi est-ce qu’on ne veut pas la même transparence au niveau fédéral ? C’est très incohérent. Visiblement, il y a des choses qui ne doivent pas être sues par la population. Sinon, on avancerait.”

Les positions de Cumuleo et de son partenaire Transparencia seront défendues ce mercredi au travers d’amendements des partis d’opposition PTB, Les Engagés et Défi.