Belgique

Vente possible des activités de Carrefour en Belgique : difficultés et scénarios.

Carrefour compte aujourd’hui 40 grands hypermarchés, 440 supermarchés Carrefour Market et 300 magasins de proximité Carrefour Express en Belgique. Selon les informations des journaux L’Echo et De Tijd, le groupe français étudierait la vente de ses activités présentes dans notre pays.


Carrefour va-t-il quitter la Belgique ? Cette question soulève des inquiétudes ce mercredi dans le secteur de la grande distribution. Le groupe français envisagerait la vente de ses activités dans notre pays, d’après les informations des journaux L’Echo et De Tijd.

Actuellement, Carrefour dispose de 40 grands hypermarchés, 440 supermarchés Carrefour Market et 300 magasins Carrefour Express. À l’exception des hypermarchés et de 43 supermarchés, presque tous les établissements sont gérés par des exploitants indépendants.

Si ce retrait se concrétise, l’avenir des 10.000 employés directs du groupe serait en péril, portant ce chiffre à près de 20.000 si l’on inclut les emplois indirects.

Ce départ éventuel constituerait un véritable séisme pour le secteur, Carrefour étant l’une des trois plus grandes chaînes de supermarchés en Belgique, avec Colruyt et Delhaize.

### Comment expliquer les difficultés de Carrefour en Belgique ?

Cette crainte de voir Carrefour quitter le pays s’inscrit dans un contexte global difficile pour la grande distribution.

Pourtant, comme le souligne Pierre-Alexandre Billiet, « Carrefour Belgique va aujourd’hui moins mal qu’il y a quelques années ». Selon lui, « la Belgique redevient petit à petit rentable. Mais la rentabilité n’est pas du tout assez importante pour dire que Carrefour est un succès. Et surtout, les handicaps structurels historiques continuent à peser sur les résultats du groupe en Belgique. »

Plusieurs éléments expliquent les difficultés rencontrées par Carrefour dans ce pays :

#### Le blues du modèle des hypermarchés

Le secteur de la grande distribution subit actuellement de profondes mutations, et le modèle des hypermarchés montre des signes de faiblesse.

« La force de Carrefour était d’avoir des formats différents », explique Billiet. Cependant, « certains formats ont vraiment des difficultés depuis des années, dont les hypermarchés, que Carrefour arrive à bien réinventer et gérer avec succès, mais peut-être pas assez rapidement pour l’actionnaire principal ». Les 40 grands hypermarchés de Carrefour affichent des performances médiocres, représentant la moitié du chiffre d’affaires, selon De Tijd. Lors d’une vague de licenciements en 2018, la moitié d’entre eux était déficitaire.

#### Une concurrence féroce

Carrefour fait face à une forte concurrence d’autres enseignes de grande distribution. Le groupe est particulièrement impacté par les commissions paritaires correspondant à la majorité de ses employés : « Un des handicaps structurels les plus importants, c’est le handicap au niveau des commissions paritaires. Carrefour paie son personnel jusqu’à presque 50% de plus que ses concurrents », explique le directeur du magazine Gondola.

Delhaize a réussi à réaliser des économies d’échelle en franchisant l’ensemble de ses magasins en 2023, permettant ainsi d’employer de nouveaux salariés sous une commission paritaire moins avantageuse pour eux, mais plus profitable pour la marque.

Billiet précise : « Le coût horaire que paie Carrefour est de 30 euros de l’heure. Pour un franchisé, cela revient à 18 euros de l’heure. C’est aussi pour cela que Delhaize a franchisé ses magasins. »

Bien que cela ait fonctionné pour les finances de Delhaize, Carrefour semble réticent à restructurer son modèle de fonctionnement : « De son côté, le CEO du groupe Carrefour ne va pas payer un euro pour une transformation, alors qu’elle serait nécessaire », souligne Billiet.

#### Un manque d’efficacité ?

La logistique constitue un autre facteur de la difficulté de Carrefour par rapport à des groupes comme Colruyt ou Delhaize. « Carrefour n’a pas sa propre logistique en Belgique, donc elle fait appel à une logistique ‘out-sourcée’ et l’efficacité en grande distribution en dépend. C’est un système qui est certes plus agile, mais moins efficace », révèle Billiet.

### Que représente Carrefour en Belgique ?

Présent en Belgique depuis le début des années 2000 grâce au rachat des magasins GB, le logo bleu-blanc-rouge de Carrefour a progressivement remplacé l’enseigne « Grand Bazar ». En plus de vingt ans, le groupe a souffert de nombreuses restructurations, dont la plus marquante fut en 2010 avec la suppression de 1700 emplois, suivie par un plan de transformation en 2018 occasionnant près de 1000 départs.

Pierre-Alexandre Billiet souligne que si Carrefour décidait de quitter le pays, ce serait « catastrophique » pour le marché belge, entraînant des conséquences sur la disponibilité alimentaire et la concurrence.

### Quels scénarii possibles ?

Bien que Carrefour tente de rassurer, affirmant dans un communiqué qu’il « est et reste incontournable en Belgique », les syndicats demeurent aux aguets. Myriam Delmée estime qu’ »avec la franchisation complète des magasins Delhaize, tout est envisageable ».

Pour Billiet, il n’y a pas de risque immédiat. « Les employés de Carrefour ne doivent pas s’inquiéter, ils ne vont pas perdre leur job demain. Mais, la situation pourrait devenir insupportable économiquement si Carrefour ne parvient pas à résoudre son handicap salarial. »

Experts et syndicats s’accordent sur la nécessité d’harmoniser les commissions paritaires pour rétablir l’équité, notamment en matière de salaires et de travail dominical.

Si les négociations échouent, Carrefour pourrait envisager un modèle de franchisage similaire à Delhaize, mais Billiet le considère comme « la toute dernière option ». « Carrefour n’a clairement pas l’intention de quitter le sol belge, mais un retard dans la transition pourrait augmenter le risque de départ », indique-t-il.

En cas de départ, il pourrait y avoir une revente à un grand acteur, ce qui poserait des problèmes étriqués de concurrence ou des pertes d’emplois.