« Une usine de guerre à Forest n’aurait aucun sens, c’est stupide, c’est de la provocation de la part de Theo Francken »
Les responsables politiques forestois, entre « drame » et « flou artistique », semblent au pied du mur. Alors que l’usine Audi qui fait 10 % de la superficie de la commune de Forest et représente des millions d’euros de recettes fiscales ferme ses portes. Et laissera un gros problème à régler : celui de la dépollution.
- Publié le 26-02-2025 à 13h28
- Mis à jour le 26-02-2025 à 13h35

« On flippe d’avoir un Caterpillar géant au milieu de la commune« , entend-on du côté politique forestois, à propos d’Audi Brussels dont la production s’arrêtera définitivement ce 28 février. Une fermeture qui rappelle celle de Caterpillar à Gosselies (Charleroi) en 2013, après un demi-siècle de présence, et avec une question sensible : celle de la dépollution du site.
Car l’usine de Forest est encore plus ancienne que sa défunte cousine carolo. Elle a vu le jour bien avant l’arrivée d’Audi en 2007. C’est avec D’Ieteren que la première pierre fut posée en 1948. Plusieurs constructeurs ont bénéficié de l’outil mais c’est bien Volkswagen, de 1970 à 2007, et Audi de 2007 à 2025, qui en seront les principaux acteurs.
Mais, depuis, le site n’a jamais été dépollué ou seulement partiellement. Une garantie de huit millions d’euros a été constituée par Audi qui « étudie les pollutions du sol et des eaux souterraines sur son site depuis au moins l’an 2000, en a déjà traité plusieurs, et est toujours occupée aujourd’hui à en traiter d’autres« , explique Bruxelles Environnement. Mais cette garantie « pourrait être revue dans le cadre d’une vente du terrain ou du transfert des activités à un autre exploitant avant la fin du traitement. Dans tous les cas, un nouvel état des lieux devra être réalisé« , précise l’organisme.
guillement « C’est une méconnaissance totale de Bruxelles de la part de Theo Francken »
Pour Cédric Pierre-De Permentier, élu MR de l’opposition forestoise, « c’est le flou artistique. La majorité au pouvoir dit avoir étudié sauf qu’il n’y a aucune information qui circule. »
« Il y a consensus pour maintenir l’activité économique mais trouver un repreneur pour l’ensemble du site est utopique; même si c’est l’idéal. Pour le moment, c’est de l’ordre du vœu pieux. À ce niveau-là, il n’y a aucun axe qui a été privilégié et la majorité communale fait le mort. Pourtant, il faudra régler cette question« , précise le libéral. « Il y a des grosses inquiétudes par rapport aux pertes fiscales; il y aurait un trou béant. Car ce sont des millions d’euros de rentrées annuelles alors que la commune de Forest est à la recherche d’argent justement« , prévient-il.
guillement « Il n’est pas tenable que ce soit les Forestois qui paient la facture »
« Il n’est pas tenable que ce soit les Forestois qui paient la facture si un chancre s’installe. Car le risque est qu’Audi parte progressivement sans payer la note globale. Et, là, ce sera réglé par une probable hausse des taxes… », glisse-t-il.
« Il faut un pilote régional également », reconnaît-il, face à l’absence d’accord pour un gouvernement bruxellois. « Mais, même au niveau fédéral, on verra ce que fait l’Arizona. Sous la Vivaldi, Pierre-Yves Dermagne (ex-ministre de l’Économie, PS) était aux abonnés absents. Dans tous les cas, il faut un capitaine au niveau régional pour faire le lien entre le fédéral et le communal. Ce problème est d’envergure nationale« , glisse-t-il encore.


« Un vrai cataclysme »
Du côté de la majorité à Forest, qui regroupe PS, PTB et Ecolo, le bourgmestre socialiste Charles Spapens est également amer. « C’est un vrai cataclysme pour une commune comme Forest. C’est un triple drame. Pour les familles qui perdent leur emploi, pour les sous-traitants et intérimaires et pour les commerces aux alentours qui voient leurs recettes diminuer de 20 à 30 %« , explique-t-il. Rappelons que l’usine Audi fait 10 % de la superficie de l’ensemble de la commune de Forest et comptait 3 000 travailleurs Audi et 1 500 sous-traitants.
guillement « C’est aussi un drame de politique européenne, qui veut maintenir l’industrie mais n’y arrive pas. »
« Et alors qu’Audi fait des bénéfices ! C’est aussi un drame de politique européenne qui veut maintenir l’industrie mais n’y arrive pas. On verra quels sont les plans d’Audi qui est toujours propriétaire de 95 % du site. Il y a des réflexions sur le futur. Plusieurs administrations bruxelloises travaillent main dans la main« , affirme-t-il.
« On veut garder le caractère industriel du site », suggère-t-il. De là à envisager une industrie de défense, comme l’évoquait le ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) chez nos confrères de la DH ? « Une usine de guerre n’aurait aucun sens; c’est stupide; c’est une méconnaissance totale de Bruxelles; ça ne s’installe pas comme ça; c’est une vision arriérée d’une Bruxelles utilitaire. Ne serait-ce qu’au niveau sécurité. Sur un ancien site Otan d’accord mais pas ici, en plein Bruxelles. C’est de la provocation de la part de Francken« , répond le bourgmestre, bien qu’il reconnaisse par la suite qu’une usine pour du matériel utilisé dans la Défense (électronique, matériaux, etc.) mais pas forcément pour des produits sensibles (poudres, munitions, armes…) pourrait tout de même être une option sans mettre à mal la sécurité de Bruxelles.
guillement « L’administration régionale et Audi devront faire des analyses précises. C’est complexe car le site est immense »
Et pour la dépollution ? « Il y aura une dépollution à faire, il faut être clair. C’est en discussion avec Audi pour, qui fait quoi. L’administration régionale et Audi devront faire des analyses précises. C’est complexe car le site est immense; ce sont 55 hectares. Et dans ces questions de dépollution, il faut voir l’entièreté du terrain de la commune, pas uniquement le site industriel. Tout ne se fera pas d’un coup; certaines parties plus récentes sont vraisemblablement moins polluées« , explique-t-il. Mais, devant cette problématique, la piste des logements n’est donc pas une priorité.
« Il y a des discussions avec Citydev (administration pour le développement économique qui gère également des logements, NdlR) », admet Charles Spapens. « Rappelons que ce site est ultra-connecté, à l’autoroute, à la voie ferrée et même au réseau fluvial. C’est un fleuron qui peut fournir des emplois. Il ne faudrait pas que cela reste vide pendant dix ans« , lance-t-il. Comme Caterpillar ? « Oui… Je préfère voir le cas de Ford Genk, qui, malgré quelques difficultés, a réussi à se réinventer« , ajoute-t-il, alors que l’usine limbourgeoise avait fermé en 2014. Ford avait alors cédé le site à un euro symbolique à la commune, en échange d’une aide à la dépollution. Le site est désormais occupé par plusieurs acteurs différents.
« Toutes les portes doivent être ouvertes pour assurer la pérennité du site », termine le bourgmestre.