Une phrase « cruciale » prononcée par Bart De Wever au nord du pays (et pas au sud) interpelle la presse
Tous les journaux belges consacrent leur édito, ce lundi 3 février, à notre gouvernement fédéral et aux grandes lignes de son programme qui divise. Mais certains éditorialistes s’attardent surtout sur les propos « surprenants » de notre nouveau Premier ministre, Bart De Wever, et à son changement de ton lors de son interview à la RTBF.
- Publié le 03-02-2025 à 11h37
- Mis à jour le 03-02-2025 à 11h54
Le 16 rue de la Loi a finalement ouvert ses portes à Bart De Wever. Le nationaliste flamand, longtemps considéré comme le « dynamiteur du pays », a prêté serment ce lundi 3 février au palais royal. Ce moment, qualifié par de nombreux observateurs d' »historique », a fait l’objet de nombreux commentaires dans les journaux. Certains enthousiastes, d’autres plus inquiets. Revue de presse.
Dans nos colonnes, Dorian de Meeûs appelle à regarder la vérité en face: la politique du gouvernement De Wever ne sera pas une promenade de santé. « Dans ses premières déclarations, et comme à son habitude, le ton du nouveau Premier ministre belge laisse peu de place à l’exaltation », a écrit le rédacteur en chef de La Libre. Les réformes sont toutefois nécessaires vu « l’état de notre pays, de notre économie et de sa compétitivité », peut-on lire dans notre édito.
Nos confrères de L’Echo abondent dans ce sens: « Les chantiers sont aussi nombreux que majeurs », écrivent-ils, appelant l’équipage à « rester soudé ». « (…) Car on sait ce que cela donne, un gouvernement en ordre dispersé. On l’a très bien vu avec l’exécutif sortant, lequel n’a fait corps que le temps de gérer la crise sanitaire. Pour le reste, la Vivaldi ne fut qu’une longue foire d’empoigne, très peu productive, très peu efficace. » Pour le quotidien économique, les membres de l’Arizona doivent regarder dans la même direction, afin d' »assainir, réformer et relancer ce pays qui en a grand besoin ».
« Feel-good movie » ou « catalogue des horreurs »
Du côté de la Dernière Heure, on est conscient que le contenu de l’accord de gouvernement peut passer pour un « feel-good movie » pour les uns, mais aussi comme « un catalogue des horreurs » pour les autres. « S’il risque de ne pas plaire à tout le monde, ce n’est qu’à la fin qu’on juge si un film est bon. Espérons seulement que les spectateurs ne sortent pas déçus de la séance », concluent nos confrères.
L’Avenir se penche dans son édito sur une analyse sémantique de l’accord de gouvernement. « 174, c’est le nombre de fois qu’apparaît le mot réforme (ou l’un de ses dérivés) », calcule le quotidien régional. « En revanche, 0: pas une seule fois n’apparaît le terme « confédéralisme« , pourtant si cher aux nationalistes de la N-VA. Un oubli? Pas vraiment… Plutôt un tour de passe-passe: le document préfère parler de » fédéralisme de réforme renforcé « , sans doute plus audible aux oreilles des militants belgicains des partenaires arizoniens. Mais tout autant annonciateur d’une nouvelle étape dans le démantèlement de l’ex-Belgique unitaire. »
Dans Le Soir, l’on s’intéresse également à l’aspect communautaire, que l’on sait si important aux yeux de notre nouveau Premier ministre. Le journal compare donc l’Arizona à « une fusée à deux étages ». « L’Arizona 1, lancé pour quatre ans (normalement) est la phase de la remise en ordre qui prépare une phase 2 : la redéfinition complète de la Belgique par une grande réforme de l’Etat. Comme si ce gouvernement De Wever n’était que le tremplin pour atteindre le véritable objectif », constate Le Soir, qui regrette que l’institutionnel soit « en fait quasi à chaque page de l’accord de gouvernement ».
La déclaration « surprenante » de Bart De Wever
Au nord du pays, une phrase prononcée par le Premier ministre a retenu tout particulièrement l’attention des éditorialistes. « La réforme la plus communautaire que vous puissiez faire est de limiter le chômage dans le temps », a affirmé le nationaliste flamand, sur la VRT, samedi soir. De Standaard souligne qu’il n’a pas tenu les mêmes propos auprès de la RTBF. « De Wever est aujourd’hui plus diplomate envers les francophones. Mais il n’a pas modéré son ambition politique (…) », écrit le quotidien flamand, qui qualifie la phrase du Premier ministre de « cruciale ». « Au sens strict du terme, De Wever a sacrifié l’aspect communautaire pour accéder au 16 rue de la Loi. Mais il a mis en œuvre une transformation flamando-wallonne d’un tout autre ordre. (…) Avec l’Arizona, De Wever veut donc assurer la prospérité flamande en utilisant un fouet et un bâton, qui doivent avant tout forcer un sursaut économique en Wallonie et à Bruxelles. »
Du côté du Morgen, ce sont des propos tenus par le Premier ministre sur la RTBF qui sont décortiqués. Comme l’explique le média, De Wever a « de façon surprenante » annoncé vouloir gouverner durant dix ans. « Évidemment, il serait étonnant de voir un chef de gouvernement douter de ses chances dès le départ. Cette déclaration prouve au moins que son ambition reste intacte, et que son attachement à la Belgique semble sincère, malgré son passé de nationaliste flamand », écrit De Morgen. « Mais que penseront les électeurs dans quatre ans et demi ? Difficile à dire. Sur le fond, De Wever n’a pas tort : une réforme qui remettrait réellement le pays sur la voie d’une stabilité durable ne peut pas être bouclée en cinq ans seulement. Cela se voit déjà dans la plus grande faiblesse du gouvernement naissant : les chiffres. On sait d’ores et déjà qu’ils ne tiendront pas la route. »
Enfin, Het Laatste Nieuws s’attarde sur la répartition des compétences entre les partis de l’Arizona et souligne l’importance d’avoir « les bonnes personnes aux bons endroits ». « La N-VA garde pour elle les réformes les plus importantes », évoque-t-on dans les colonnes de HLN, soulignant que les nationalistes flamands ont retenu la leçon après leur passage au sein du gouvernement Michel. Tout comme ses confrères du nord du pays, l’éditorialiste appelle à ne pas sous-estimer l’ambition communautaire de Bart De Wever, même si le plan du nationaliste flamand semble vague à l’heure actuelle.