Une nouvelle activité est-elle possible après avoir été déclaré en faillite ?
Telles sont les réponses à la question très fréquente de la possibilité d’un nouveau départ après avoir fait faillite. La prégnance de cette question tient à l’héritage de notre histoire.
Le droit romain considérait l’insolvabilité comme à ce point grave qu’il la sanctionnait, au départ, de la peine de mort. Il a ensuite évolué vers des sanctions moins sévères telles que la « prise de corps » (l’enfermement du débiteur jusqu’au remboursement de ses dettes) et la « venditio bonorum » (la vente collective des biens du débiteur), le débiteur perdant en outre le droit de vote et d’éligibilité.
Au Moyen Age, nombreuses furent les sanctions civiles et pénales contre l’insolvabilité, comme la prise de corps héritée du droit romain, l’excommunication ou le bannissement.
Au XVème siècle est apparue, en Italie, l’expression bancarotta, issue du latin médiéval banca rupta, la banca désignant à l’époque médiévale une planche de bois garnie de cases et permettant de changer les monnaies avant d’entrer dans une ville. Lorsque la personne exerçant un commerce faisait faillite, elle devait publiquement rompre sa planche. L’infraction de banqueroute existe encore aujourd’hui dans de nombreux systèmes juridiques et désigne plus spécifiquement l’organisation frauduleuse d’insolvabilité, notamment sanctionnée par certaines peines d’interdiction professionnelle.
Importante réforme en 2018
Jusqu’au 1er janvier 2018, un débiteur déclaré en faillite devait remettre au curateur de faillite la partie saisissable de ses revenus (tout ce qui dépassait un montant de l’ordre de 1 400,00 € nets) jusqu’à ce que le tribunal lui accorde son « excusabilité », c’est-à-dire qu’il décide que ses créanciers ne pourraient plus lui réclamer le remboursement de ses dettes. Il fallait, à cette époque, que le tribunal constate que le débiteur était « malheureux et de bonne foi » pour, en quelque sorte, l’absoudre de son pêché en l’ »excusant » de sa déconfiture. Par contre, un principe était déjà établi : la faillite n’interdit pas, en tant que telle, l’entrepreneur déclaré en faillite de recommencer une activité.
À la faveur d’une importante réforme intervenue en 2018, le gouvernement a décidé de renforcer le droit au nouveau départ en consacrant les deux grands principes suivants : (1) les nouveaux revenus perçus par le débiteur après sa faillite lui reviennent à 100 % ; (2) le débiteur déclaré en faillite ne doit plus « s’excuser » pour pouvoir repartir à zéro, il a un droit à l’effacement de ses dettes.
L’entrepreneur déclaré en faillite peut redémarrer son activité, sans devoir demander, pour ce faire, l’autorisation à qui que ce soit (tribunal, curateur de faillite,…). Il s’agit d’un droit fondamental qui relève de la liberté d’entreprendre et qui ne peut être entravé qu’à titre exceptionnel, lorsqu’un tribunal (civil ou correctionnel) sanctionne d’une peine d’interdiction l’entrepreneur qui a commis des fautes graves ayant contribué à sa faillite ou qu’il a commis des infractions liées à l’état de faillite (faillite frauduleuse, détournement d’actif…).
Malgré ces principes fondamentaux, pourtant incontestables parce que consacrés par la loi, nombreux sont encore les établissements bancaires ou les autorités administratives qui demandent que l’entrepreneur déclaré en faillite présente une attestation de réhabilitation ou un acte d’autorisation de son curateur pour accepter de lui ouvrir un compte bancaire ou de le laisser relancer paisiblement son activité.
Il demeure, par ailleurs, d’autres entraves regrettables au droit au nouveau départ de l’entrepreneur. Ainsi, son numéro d’entreprise et de TVA resteront identifiés comme sous statut de faillite jusqu’à la clôture de celle-ci. Ceci n’encourage évidemment pas au redémarrage paisible et efficace de ses activités.
Une autre entrave au nouveau départ est celle de la suspension de l’intervention dans les soins de santé de l’indépendant accusant des dettes de cotisations sociales, tant que le tribunal n’a pas tranché définitivement la question de l’effacement de ses dettes.
Nous avons fait du chemin depuis l’Antiquité pour concevoir et admettre l’idée du nouveau départ. Sous réserve de quelques réglages encore nécessaires, ce droit garantit aujourd’hui à l’entrepreneur victime de circonstances de la vie de redémarrer une activité en repartant d’une page blanche.
Qui est Nicholas Ouchinsky, l’auteur de ce texte ?
Nicholas Ouchinsky est avocat au barreau de Bruxelles, assistant à l’Université Libre de Bruxelles et juge suppléant au tribunal de l’entreprise de Liège, division Namur. Il est spécialisé en droit des procédures collectives et en droit des sûretés et est l’auteur d’articles de référence en la matière. Il est régulièrement désigné par les tribunaux pour assumer des mandats de justice au sein d’entreprises en difficultés.