Belgique

Un rapport spectaculaire montre que des centaines d’enseignants sont mis en difficulté par le nouveau calendrier scolaire

Le travail est spectaculaire. Sur près de 450 pages, les témoignages, récoltés entre le 8 mars et le 15 mai 2023, se succèdent. Il faut noter que cet appel à témoins n’a pas été structuré autour de questions précises qui auraient pu orienter les réponses. Ces dernières étaient complètement libres.

”Une double appartenance naturelle… jusqu’ici”

Premier constat : plus de la moitié des réponses (240 sur 450 témoignages) proviennent d’enseignants d’écoles francophones en Fédération Wallonie-Bruxelles. “Pas seulement des enseignants en immersion ou de langues modernes, non, précise Amélie Meulder, la porte-parole de l’Upin. Des enseignants, toutes filières et orientations confondues, dont la plupart ont choisi de mettre leurs enfants dans l’enseignement flamand… Avec, souvent, une justification qui tient du souhait de rendre les enfants bilingues, mais aussi d’une inquiétude face à la baisse de niveau de l’enseignement francophone.”

Le dénominateur commun de toutes ces histoires tient dans la situation des personnes, des familles et des secteurs concernés : tous ont “un pied de part et d’autre” de la frontière linguistique. “Pour certains, cette double appartenance au Nord et au Sud du pays a d’ailleurs toujours été vécue de manière naturelle, constate encore Amélie Meulder. Elle ne leur a été rendue visible et palpable que par l’effet de la scission opérée par la réforme.” Et par les problèmes d’organisation qu’elle pose.

D’autres témoignages viennent de familles dans lesquelles les enfants ne sont pas dans des écoles du même régime linguistique. Certains évoquent plus particulièrement l’impact affectif en cas de garde alternée ou de monoparentalité.

Un sur deux déclare avoir démissionné ou l’envisager

Le deuxième enseignement est une confirmation. Vu les difficultés rencontrées, bon nombre d’enseignants choisissent de quitter l’enseignement francophone pour suivre le même calendrier que leur famille. Parmi les enseignants qui témoignent, 147 (plus de la moitié) déclarent avoir démissionné ou envisager sérieusement de le faire. “Cette décision, ils la prennent à contrecœur, c’est un déchirement exprimé, et parfois aussi une angoisse pour l’avenir, au niveau personnel et du pays.”

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D’autres options possibles sont évoquées, comme prendre des congés sans solde ou se mettre sous certificat médical (mais avec réticence, frustration, même, de se sentir mis au pied du mur et acculés à des solutions qui feront “payer le prix” à leurs élèves et à leurs collègues).

“Les perspectives que ces départs montrent pour l’enseignement en immersion, l’enseignement des langues, le néerlandais en particulier, et donc pour le bilinguisme des élèves, sont catastrophiques”, souligne la porte-parole de l’Upin.

Familles fragilisées et entreprises

Les impacts ne se limitent pas à l’enseignement. “À cet égard, poursuit-elle, deux éléments sont particulièrement frappants : l’impact sur les familles plus fragilisées qui ont fait le choix du bilinguisme et l’impact sur le milieu du travail, les entreprises et les indépendants.” Plusieurs témoins relaient un ralentissement de l’activité lié notamment à l’augmentation du nombre de périodes où il est devenu compliqué d’avoir ses équipes au complet. Plusieurs témoignages sont également issus du monde associatif, sportif, etc. Ils concrétisent les difficultés liées au décalage entre les différents calendriers. En outre, une grande partie des témoignages dénoncent des problèmes financiers et l’augmentation de la charge mentale.

En outre, une partie significative des témoignages évoquent le fond de la réforme. Enseignantes et enseignants mentionnent les bienfaits du nouveau rythme pour les enseignants. “IIs ont pu rattraper du retard, avancer dans leur travail et se reposer. Il faut d’ailleurs saluer l’honnêteté intellectuelle de celles et ceux qui témoignent car tout en dénonçant les impacts négatifs et délétères sur leur vie familiale, ils en reconnaissent également les bienfaits sur leur métier et leurs collègues, et parfois sur certains élèves.”

En revanche, beaucoup d’enseignants critiquent l’impact négatif du nouveau rythme sur leurs élèves, en particulier ceux en difficultés (sans parler de ceux en décrochage). En ajoutant deux périodes de deux semaines de vacances, on ajoute deux périodes après lesquelles les élèves doivent se remettre, souvent difficilement, dans le rythme. Ce constat émane d’enseignants d’écoles de tous horizons géographiques et de tous les indices socio-économiques. Plusieurs avouent enfin n’avoir jamais été aussi en retard sur leur programme…