Un policier sur deux à Bruxelles ne maîtrise pas le néerlandais: « C’est symptomatique d’un mal plus profond qui touche la police »
Même si le bilinguisme est une exigence légale pour les agents de police à Bruxelles, le nombre de policiers effectivement bilingues est en chute libre depuis 2012. À noter que les policiers flamands maîtrisant la langue française sont, aussi, en diminution. En 2021, leur nombre était de 86,4 %, il dépassait les 93 % en 2023 et est retombé aujourd’hui à 85,5 %.
Annelies Verlinden était interpellée sur le sujet par une députée Vlaams Belang qui pointait la qualité de l’enseignement à Bruxelles. Pour Vincent Gilles, président du SLFP Police (le plus grand syndicat policier du pays), ces chiffres démontrent surtout qu’il est difficile d’attirer des echte brusseleirs dans les rangs de la police.
”Avec les natifs de Bruxelles, on n’y arrivera pas”
”Ce manque de connaissances du néerlandais, c’est quelque chose d’important. Mais c’est malheureusement symptomatique d’un mal plus profond qui touche la police en général, et Bruxelles en particulier. Ce mal, c’est le manque total d’attractivité de la fonction de police, explique Vincent Gilles. S’agissant de la capitale, il faut se rendre compte qu’un Bruxello-bruxellois fraîchement diplômé et qui parle tant le français que le néerlandais aura beaucoup plus d’intérêt à travailler dans le privé. Et s’il a un intérêt pour la fonction publique, ce n’est pas à un job à la police qu’on pense en premier. Dès qu’une personne a des compétences linguistiques, mêmes minimes, les autres SPF deviennent, pour la police bruxelloise, une concurrence féroce. En plus, tout le monde sait qu’un job à la police n’est pas évident, encore moins en ce moment à Bruxelles…”
« Cela fait douze ans que le budget de la police est en diminution constante »
Selon Vincent Gilles, il aurait fallu améliorer l’attractivité du métier de policier pour éviter une telle situation. Le syndicaliste pointe le politique. “Au moment de la réforme des polices fin des années nonante, début 2000, on s’est rendu compte que chaque commune bruxelloise vivait avec un déficit structurel de policiers. Et là, le bilinguisme n’avait rien à voir, c’était un simple paravent, poursuit-il. En fait, c’était voulu politiquement : on ne recrutait pas le nombre de policiers véritablement nécessaire à chaque commune. Pour pallier ces manques, des primes et autres allocations de bilinguisme ont été instaurées pour essayer d’attirer des policiers de l’extérieur de Bruxelles. Parce qu’on savait que si on devait compter sur les natifs de Bruxelles pour remplir les rangs, on n’y arriverait pas.”
Cinq ans et puis s’en va
La plupart de ces policiers parfaitement néerlandophones actifs à Bruxelles viennent des communes flamandes proches de la capitale. Manifestement, cela fonctionne puisque le bourgmestre de Vilvorde, Hans Bonte (Vooruit), s’en était plaint dans un entretien accordé à La Libre, fin 2022. Confronté, lui aussi, à un manque d’effectif policier, il estimait que la situation devenait critique à cause de l’exode de ces policiers vers la capitale. “[…] Les policiers de Vilvorde, je sais où ils sont : à Bruxelles. En travaillant dans la capitale, ils touchent 700 euros net, par mois, en plus. Grâce aux primes de bilinguisme et d’autres mécanismes. Donc non seulement, je n’ai pas assez de policiers pour ma propre commune, mais en plus, ceux disponibles quittent la zone”, déplorait le bourgmestre.
Vincent Gilles confirme. “C’est clair que le Brabant flamand et toutes les zones de police flamandes autour en souffrent. Et c’est effectivement grâce à ces allocations que nous les faisons venir. Cela dit, ce type d’avantages permet de les garder dans la capitale cinq ans, pas plus. Et au bout de ces cinq années, ils s’en vont. Ces policiers ne viennent donc pas à Bruxelles pour y faire carrière.”
« Quand j’entends le MR dire qu’il faut des moyens pour la police et la justice, cela me laisse perplexe »
Cette méconnaissance du néerlandais est-elle problématique pour le travail de terrain des policiers ? “Sur le terrain, ce n’est pas un frein majeur, expose Vincent Gilles. Parce que le contact avec des personnes d’origine néerlandophone est presque plus rare qu’avec des anglophones. C’est notamment lié à la présence d’une importante communauté européenne. Par ailleurs, la plupart des Flamands de Bruxelles parlent aussi français. Cette situation ne poussera d’ailleurs pas les policiers à Bruxelles à apprendre le néerlandais ou, du moins, à faire l’effort”.