Belgique

Un œil sur demain : découvrez la bioélectricité végétale, énergie naturelle.

Dans le jardin botanique de Belmonte Arboretum à Wageningen, les promeneurs constatent que les petites lampes ne sont pas raccordées à des câbles. Marjolein Helder, fondatrice de « Plant-e », a réalisé un doctorat sur la production d’électricité à partir de plantes vivantes au sein du sous-département de Technologie Environnementale de l’Université de Wageningen.


De petites installations, presque invisibles pendant la journée, génèrent de la lumière la nuit, grâce aux plantes. Au jardin botanique de Belmonte Arboretum, à Wageningen, en province de Gueldre, les promeneurs côtoient ces petites lampes étonnantes pour leur absence de câbles, comme l’a constaté Hans.

« Si ce genre de technologie est vraiment en développement, c’est formidable. Parce que tout contient de l’énergie, et les plantes aussi. Donc si on peut utiliser l’énergie des plantes pour produire de la lumière ici, dans le parc, c’est une idée brillante. Après, je ne sais pas si c’est vrai », exprime-t-il avec un doute.

Malgré ce scepticisme, cela est réalisable. Ce phénomène est qualifié de « bioélectricité végétale ». Pour l’explicer, il faut observer ce qui se passe sous les racines des plantes. Grâce à la photosynthèse, la plante fabrique de la matière organique, dont une partie est rejetée dans le sol autour des racines. Cela permet à des bactéries de décomposer cette matière, libérant des électrons.

« Ces électrons, qui sont des déchets pour les bactéries, sont captés par cette électrode. Ils circulent dans un fil jusqu’à une contre-électrode, puis de l’électricité est produite sur place. Donc, juste en utilisant les électrons produits par les bactéries, on génère de l’électricité directement à partir du sol, sans interférer avec la nature », explique Marjolein Helder, fondatrice de « Plant-e », l’entreprise qui développe ces lampes pour le jardin botanique.

### Produire de l’électricité et générer des données

L’électricité ainsi générée ne sert pas seulement à produire de la lumière. Grâce à un capteur intégré à la lampe, il est possible de collecter des données.

« On produit de l’énergie avec laquelle nous récoltons des données que nous envoyons vers un satellite. Vous n’avez pas besoin d’une batterie. L’appareil a assez d’énergie pour être autonome. On peut l’utiliser pour connaître le niveau d’eau d’un marais par exemple. On peut aussi l’ajuster, simplement le surveiller ou encore restaurer l’écosystème si on constate des dégradations », précise Thomas Wijnen, ingénieur produit chez « Plant-e ».

### L’énergie électrique des plantes pour connecter des zones très reculées du monde

Ces capteurs autonomes pourraient réduire considérablement les déchets chimiques annuels. Cette technologie pourrait être particulièrement utile dans des environnements riches en eau, en plantes et en matière organique, comme les forêts tropicales ou les rizières.

« Nous pouvons apprendre beaucoup de la nature. Nous avons une source d’énergie qui n’était pas exploitée. Aujourd’hui, elle nous aide à produire de l’électricité dans des endroits où il n’y en avait pas. Nous voulons un dispositif qui fonctionne longtemps, mais qui n’extrait pas plus que ce que la nature peut lui donner. Il faut suivre le rythme de la nature, accepter ce qu’elle nous offre. C’est peut-être une bonne leçon pour la société », conclut Marjolein Helder, qui a également réalisé un doctorat sur la production d’électricité à partir de plantes vivantes à l’Université de Wageningen.

### La bioélectricité est-elle une réponse suffisante aux enjeux énergétiques futurs ?

Pour répondre à cette question, nous avons interrogé des spécialistes. Francisco Contino, professeur à l’École Polytechnique de l’UCLouvain, est réservé. « La puissance qu’on peut produire avec cette énergie est compatible avec des petits capteurs qui permettent de mesurer les taux d’humidité, un incendie ou diverses autres informations sur l’environnement. Seulement, il faut se poser la question du besoin réel de ces capteurs à l’avenir. Existe-t-il des alternatives plus efficaces ? J’ai l’impression que d’autres énergies comme le solaire sont plus efficaces. Elles demandent très peu d’énergie et de plus, on peut les stocker. Je ne suis pas sûr que l’énergie générée par des plantes ait un avenir présenté de cette façon », commente ce spécialiste en énergie.

Frédéric Debaste, chargé de cours en technologie de l’environnement à l’École interfacultaire de bio-ingénieurs de l’ULB, soulève une autre question : « Cela dépend par quoi on remplace les batteries des capteurs ? Quels types de métaux précieux ou rares ont-ils utilisés ? Si l’entreprise réussit à faire cela avec des matériaux très communs, alors peut-être que c’est une piste intéressante à l’avenir. »

« Plant-e » espère que la prochaine étape sera l’adoption de cette énergie par le grand public. Toutefois, les produits développés restent coûteux, ce qui constitue un frein. Pour l’instant, la bioélectricité répond surtout à des besoins locaux et alimente de petits appareils. De nombreux chercheurs s’efforcent encore de trouver une solution pour produire de l’énergie à grande échelle sans nuire à la nature, un défi important.