Belgique

Un enfant sur sept souffre psychiquement, alerte le Délégué général aux droits de l’enfant.

Les jeunes membres du nouveau « Conseil des jeunes » ont rédigé une lettre ouverte dans laquelle ils expriment avoir voulu parler de « santé mentale » et formulent « dix espoirs contre le désespoir ». Selon le Délégué général aux droits de l’enfant, « tous les indicateurs sont en pleine explosion » concernant la dégradation de la santé mentale des jeunes, avec un enfant sur sept en très grande souffrance psychique.

« On nous répète qu’on doit être parfait », expliquent les jeunes pour décrire la pression vécue

Les jeunes qui participent au nouveau « Conseil des jeunes », instauré par le Délégué général aux droits de l’enfant, expriment également leur souffrance. Dans une lettre ouverte jointe au rapport, les membres de ce Conseil évoquent la question de la « santé mentale » et énoncent « dix espoirs contre le désespoir« . « Parce que la souffrance mentale existe, parce qu’on en parle trop peu, et parce que beaucoup d’entre nous connaissent quelqu’un qui s’est déjà senti perdu, isolé, harcelé, ou même tenté par le suicide« , écrivent-ils.

Quelles réalités vivent les jeunes qui pourraient expliquer cette situation ? Le Conseil des jeunes propose des pistes. « On nous répète qu’on doit être parfaits : réussir à l’école, avoir des amis, être beaux, sportifs, drôles, populaires… Cette pression devient une montagne impossible à gravir« , disent-ils. « Certains fuient alors dans les écrans, le tabac, la puff, l’alcool et autres substances illicites. D’autres s’enferment, se mutilent, ou croient qu’il n’existe plus de sortie« , ajoutent-ils. Toutefois, « nous voulons réaffirmer aujourd’hui qu’il y a toujours une issue« , conclut le Conseil des jeunes, dans un élan d’optimisme.

Des statistiques inquiétantes

Le Délégué général aux droits de l’enfant souligne que la santé mentale des jeunes continue de se détériorer. « Aujourd’hui, tous les indicateurs sont en pleine explosion. On a des enfants qui ont des pensées suicidaires. C’est la première cause de mortalité chez les enfants. Il y a une hausse des antidépresseurs chez les 12-18 ans. Un enfant sur sept souffre énormément sur le plan psychique. Il est crucial d’avertir les autorités politiques sur ce mal-être, car nous ne sommes pas loin d’une épidémie de santé mentale« , déclare Solayman Laqdim, Délégué général aux droits de l’enfant.

La Belgique fait face à une tendance mondiale inquiétante :

  • Près de 16,3 % des jeunes de 10 à 19 ans présentent un trouble psychique avéré.
  • Parmi ces jeunes, « 10 % d’entre eux tenteront un suicide ou se feront du mal« .
  • 37 % des jeunes de 12 à 18 ans signalent des difficultés psychologiques.
  • À l’école, plus d’un tiers des élèves rapporte un risque de dépression ou un faible bien-être.

Une série de recommandations

Face à cette réalité, le Délégué général aux droits de l’enfant souligne l’importance de la prévention, en particulier à l’école, qui devrait jouer « un rôle crucial » pour « repérer précocement les signes de mal-être (isolement, anxiété, harcèlement, conduites suicidaires) et offrir aux jeunes « un environnement bienveillant et sécurisant » afin qu’ils se sentent « respectés et entendus« . Soleyman Laqdim insiste sur la nécessité de doter les établissements scolaires de ressources humaines (infirmiers scolaires, psychologues, travailleurs sociaux, médiateurs) pour renforcer la prévention dans les écoles.

Certains groupes d’enfants et de jeunes sont particulièrement vulnérables au mal-être psychique, notamment les mineurs non accompagnés, les jeunes suivis par le secteur de l’aide à la jeunesse, les enfants vivant dans la pauvreté, les jeunes LGBTQIA+, les enfants en situation de handicap et ceux dont les parents souffrent de troubles psychiques.

Pour ces groupes fragiles, le Délégué préconise également un « accompagnement adapté » à leurs situations. « L’accompagnement psychologique doit être conçu comme un droit fondamental, et non comme un privilège réservé à ceux qui en ont les moyens« , affirme le Délégué.

Soleyman Laqdim recommande aussi d’améliorer la coordination entre l’école, le secteur de la santé, l’aide à la jeunesse et les associations. Il précise qu’il est « urgent de réduire les délais d’attente en augmentant le nombre de professionnels disponibles« .

La santé mentale des jeunes devrait faire l’objet d’une stratégie à long terme et être considérée comme « un enjeu central et transversal des politiques publiques« . « Nous plaidons pour que ce soit une cause nationale, comme c’est le cas aujourd’hui en France« , insiste Soleyman Laqdim, qui souhaite « établir une vision à long terme qui transcende plusieurs législatures, s’assurer que les politiques s’emparent pleinement de cette thématique car tout concerne le bien-être, car finalement c’est de cela dont il s’agit« . Par exemple, il souligne que pauvreté et bien-être étant liés, « si vous voulez lutter contre la pauvreté, il y a deux leviers importants. Le premier, c’est de diminuer les coûts. Et le deuxième, c’est de garantir un revenu décent à chacun », ajoute-t-il. Cependant, « aujourd’hui, au niveau fédéral, nous réduisons les revenus en supprimant une série d’allocations sociales et augmentons les coûts, notamment pour l’accès à la culture, au sport, et aux loisirs« , déclare le Délégué général aux droits de l’enfant.

« Dix espoirs contre le désespoir »

Les 18 membres du Conseil des jeunes proposent dans leur lettre, jointe au rapport du Délégué, une dizaine de solutions.

Ils demandent à être entendus sans jugement, par exemple lorsqu’un jeune harcelé « n’a plus la force d’aller à l’école« . « Il ne doit pas entendre«  c’est dans ta tête« , mais trouver « une oreille attentive et une réponse immédiate« , estiment les membres du Conseil des jeunes.

Le Conseil appelle aussi à un accès rapide et gratuit à une aide psychologique, dénonçant les délais d’attente de « six mois pour un rendez-vous psy« .

Il critique également la pression scolaire. Le Conseil plaide pour des réseaux sociaux « plus sûrs » et exhorte à ce que les plateformes soient obligées de retirer rapidement les contenus « haineux, humiliants et/ou dangereux« .

Les jeunes insistent sur l’importance d’avoir accès à « des espaces pour s’exprimer« , que ce soit à travers le sport ou d’autres activités, et demandent que « ces échappatoires » soient « soutenues et accessibles à tous« . Ils réclament également un vrai droit aux loisirs et à la culture.

Ils soulignent la nécessité d’un entourage bienveillant et souhaitent pouvoir participer aux décisions. « Il faut agir, maintenant, pour que les jeunes soient entendus dans les débats politiques. Quand des lois nous concernent directement, comme sur les allocations ou l’usage des réseaux sociaux, notre voix doit compter« , affirment les jeunes consultés par le Délégué général aux droits de l’enfant, réclamant « qu’un conseil des jeunes soit mis en place et consulté avant toute loi qui concerne directement les enfants et les jeunes« .

Pour conclure, ils demandent que la santé mentale des jeunes ne soit plus considérée comme « un sujet secondaire« . « Nous voulons que ce soit une priorité. Pas dans dix ans, mais maintenant« , concluent-ils.