Un an après la chute du régime, étudiants de Damas envisagent la Syrie post-Assad.
Les allées de l’université de littérature de Damas sont remplies d’étudiants la tête penchée sur des livres, parmi lesquels des auteurs syriens autrefois interdits par le régime. Ahmad termine sa dernière année de médecine et pense désormais à s’engager en politique : « On peut enfin s’exprimer librement ! »
Les allées de l’Université de littérature de Damas sont animées par des étudiants absorbés dans leurs livres. Parmi eux, des auteurs syriens autrefois censurés par le régime. Un étudiant de 25 ans, les bras chargés de cahiers, déclare : « Adham Sharqawi est l’écrivain le plus célèbre qui était interdit… Je pense parce qu’il avait un avis politique affirmé contre l’ancien régime. Les gens lisaient ses livres en cachette, désormais on le fait sans craindre d’être arrêté. »
La suppression du service militaire, qui était obligatoire à la fin du cursus universitaire, lui permet d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. « Le plus gros changement c’est cette tranquillité d’esprit. On avait sans arrêt la pression de ce service militaire qui nous emmenait à la guerre. On faisait exprès de rater certaines matières afin de redoubler et de prolonger indéfiniment nos études. On ne pouvait pas avoir de projet en tête. »
Devant une immense fresque où est inscrit « lire nous permet de voyager lorsque nous sommes coincés », un groupe d’étudiantes kurdes échange. Elles ont sollicité le recteur de l’université pour organiser des cours de littérature kurde, qui étaient interdits avant la chute du régime de Bachar Al-Assad. « Avant, les membres du régime nous disaient sans cesse : ‘pourquoi vous parlez kurde entre vous ? Vous parlez sur nous, c’est ça ?’, explique Ada, entourée de ses amies. « C’était difficile pour nous. Notre kurde était mauvais, avec un accent et du vocabulaire arabe. Aujourd’hui, on choisit la langue que l’on souhaite parler, personne ne nous oblige à changer. »
Ahmad, qui termine sa dernière année de médecine, envisage de s’engager en politique : « On peut enfin s’exprimer librement ! Aujourd’hui certaines personnes donnent même leur avis sur le président, c’était impensable avant, tu risquais de terminer à Sednaya ou dans une autre prison. Désormais, on peut penser à se présenter au conseil local, dans les mairies ou devenir député. »
Tous affirment vivre plus librement, sortir davantage entre amis et envisager l’avenir de manière plus positive. Cependant, face à l’instabilité politique et à une économie exsangue, certains, comme Sham, étudiante en orthodontie, souhaitent toujours partir à l’étranger. « Il nous manque beaucoup de choses dans notre institut. Même ceux qui ont terminé leurs études ne trouvent pas de travail. Il n’y a rien pour nous ici. C’est normal que l’on souhaite partir ! » La qualité de l’enseignement s’est détériorée ces dernières années, dit-elle. De nombreux professeurs ont dû partir à cause de la guerre. « Ce sera peut-être bientôt notre tour si la crise économique continue de rogner nos salaires. »

