Trump, Maduro et le prix Nobel : le Venezuela ne va pas mieux.
Donald Trump a confirmé avoir autorisé des opérations clandestines de la CIA « autour du Venezuela », sans nier qu’elles puissent viser directement le régime de Nicolas Maduro. Le Venezuela a fermé son ambassade à Oslo sans explication, a annoncé lundi le ministère norvégien des Affaires étrangères, trois jours après l’attribution du Prix Nobel de la paix.
Donald Trump a récemment franchi une étape diplomatique majeure en révélant qu’il avait autorisé des opérations secrètes de la CIA « autour du Venezuela », sans écarter la possibilité qu’elles s’attaquent directement au régime de Nicolas Maduro. Lorsque questionné sur une éventuelle intervention militaire, il a affirmé : « Nous avons les mers sous contrôle. Maintenant, on regarde la terre. »
Interrogé sur une éventuelle autorisation donnée à la CIA pour neutraliser le dirigeant vénézuélien, Donald Trump a répondu avec ambiguïté : « C’est une question ridicule qu’on me pose là. Enfin, ce n’est pas vraiment une question ridicule, mais ne serait-ce pas ridicule de ma part d’y répondre ? ».
Depuis septembre, plusieurs frappes américaines dans les Caraïbes ont causé la mort de vingt à trente personnes, officiellement présentées comme des trafiquants de drogue. Toutefois, Caracas dénonce ces actions comme des agressions illégales. Déjà en 2024, Trump insinuait qu’il « pourrait envisager une invasion », une déclaration qui ressemblait à une bravade électorale à l’époque. Aujourd’hui, les troupes sont en position et des navires de guerre sont déployés, bien que l’invasion ne semble pas imminente, le discours ayant pris une tournure moins hypothétique.
Réagissant à cette montée des tensions, le président vénézuélien Nicolas Maduro a dénoncé une tentative de « renversement violent » et a signé un décret conférant des pouvoirs de sécurité élargis à l’armée, incluant la capacité de mobiliser toutes les forces publiques en cas d’attaque.
Maduro a par la suite dénoncé ce qu’il considère comme un projet de coup d’État, rappelant les « 30.000 disparus causés par la CIA lors des coups d’État en Argentine », ainsi que « le coup d’État de Pinochet et les 5000 jeunes assassinés et disparus ». Il a déclaré : « Jusqu’à quand les coups d’État de la CIA ? L’Amérique latine ne les veut pas, n’en a pas besoin et les rejette », devant le Conseil national pour la souveraineté et la paix, créé en septembre pour faire face à cette crise.
La récente attribution du Prix Nobel de la paix à l’opposante vénézuélienne María Corina Machado a également ajouté une charge explosive à la situation. Ce choix a été salué par Washington comme « un signal fort pour la démocratie », malgré la déception de Donald Trump de ne pas avoir été honoré lui-même. Cependant, ce prix suscite des réticences au sein de la communauté internationale.
Le Venezuela a récemment annoncé la fermeture de son ambassade à Oslo, sans fournir d’explication, trois jours après l’attribution du Prix Nobel de la paix.
Maria Corina Machado a toujours exprimé son soutien à une « intervention étrangère libératrice ». Dans un entretien en visioconférence avec l’agence AFP le 14 octobre, elle a déclaré : « Maduro sortira avec ou sans négociation. »
Ce paradoxe soulève des questions : peut-on être Prix Nobel de la paix tout en soutenant une action militaire ? Pour certains observateurs, notamment The Guardian, « cette récompense risque d’être instrumentalisée pour justifier une pression accrue sur Caracas ».
Maria Corina Machado répond à ces critiques en affirmant : « Le monde entier sait qu’ils ont été battus à plate couture lors des élections. Nous avons démontré notre triomphe avec des preuves. Celui qui a déclaré la guerre aux Vénézuéliens, c’est Nicolas Maduro. Je l’ai répété d’innombrables fois : sans liberté, il n’y a pas de paix et sans force, il n’y a pas de liberté. Nous avons tout essayé. »
Depuis 2013, Nicolas Maduro, à la tête du Venezuela, a progressivement consolidé son pouvoir en neutralisant le Parlement, subordonnant la justice et réduisant les médias au silence. Des rapports du Département d’État américain et de l’ONU mettent en lumière des violations systématiques des droits humains, comprenant des arrestations arbitraires, des tortures et des exécutions extrajudiciaires.
Les élections de 2024 ont amplifié les doutes quant à la légitimité du régime. L’opposition, jugée majoritaire par plusieurs observateurs, a été exclue du scrutin, et Machado elle-même a été interdite de candidature. Donald Trump a alors qualifié Maduro de « dictateur corrompu qui a transformé un pays pétrolier en narco-État ».
Washington l’accuse également de protéger des groupes criminels comme le Tren de Aragua et de permettre l’infiltration des cartels dans l’appareil d’État, des accusations que Caracas réfute, les qualifiant de « montages destinés à justifier une intervention impérialiste ».
Nicolas Maduro revendique l’héritage d’Hugo Chávez, qui avait nationalisé des secteurs stratégiques tout en lançant des programmes sociaux et de redistribution, combinant interventionnisme d’État et autoritarisme.
Le contexte est accentué par l’immense richesse pétrolière du Venezuela, qui abrite entre 300 et 1300 milliards de barils de pétrole, faisant de ce pays le détenteur des plus grandes réserves de carburant au monde. Maduro accuse également les États-Unis d’utiliser le narcotrafic comme prétexte pour vouloir s’approprier le pétrole vénézuélien.
L’année 2025 est marquée par une militarisation croissante du dossier vénézuélien. Dès le printemps, Trump a instauré un tarif douanier de 25 % sur le pétrole vénézuélien et a réactivé des sanctions économiques suspendues par le gouvernement Biden. En septembre, une frappe aérienne américaine a détruit un bateau supposément lié au trafic de drogue, entraînant la mort de onze personnes.
Le lendemain, Maduro rompt les canaux diplomatiques, déclarant à la télévision nationale : « Les communications avec le gouvernement américain ont été jetées ». Depuis, Caracas se positionne en « alerte défensive totale ».
De son côté, Washington continue de faire pression, alternant sanctions, frappes ciblées et campagnes médiatiques. Officiellement, il s’agit de « lutter contre le narcoterrorisme », mais de nombreux analystes interprètent cela comme une stratégie visant à épuiser le régime, conduisant potentiellement à un effondrement par strangulation économique et psychologique.
La remise du Nobel à Maria Corina Machado, censée célébrer la paix, pourrait devenir le prétexte d’une escalade. En conférant une légitimité internationale à l’opposition, Oslo a fourni un drapeau que chacun tente de brandir selon ses propres intérêts.
Si les États-Unis décidaient réellement de passer à l’acte, cela constituerait la première opération terrestre américaine en Amérique latine depuis l’invasion du Panama en 1989. Le Prix Nobel de la paix pourrait alors symboliser la liberté pour certains ou un monde où la paix se fait paradoxalement à travers l’utilisation de la force pour d’autres.

