Belgique

Trier coûte-t-il plus cher aux Wallons ? Enquête sur l’augmentation de la taxe déchet

Patrick, retraité à Mouscron, dépose un petit sac de déchets par semaine et estime que ses efforts de tri ne sont pas récompensés, la taxe pour un couple étant de 219 euros et augmentant de 39 euros l’an prochain. Vincent, psychologue à Mons, fait face à une taxe de 155 euros par praticien, malgré une production de déchets minimale, et souligne que le principe du pollueur-payeur n’est pas appliqué.


Notre enquête débute à Mouscron, où nous rencontrons Patrick, un retraité qui se qualifie de trieur d’élite. Il dépose ses déchets dans un point d’apport volontaire (PAV) et nourrit même ses poules avec des déchets organiques, en découpant le plastique de ses enveloppes.

En moyenne, il dépose un petit sac par semaine, ce qui implique beaucoup d’efforts de sa part, mais il estime que cela n’en vaut pas la peine. « Je trie, je trie, je trie, c’est vraiment un leitmotiv. La taxe nous coûte 219 euros pour un couple, et l’an prochain, elle augmentera de 39 euros. C’est décourageant… On a envie de se dire qu’on arrête tout, mais je ne suis pas comme ça. J’ai un principe, je trie ! » déclare ce passé employé dans le ferroviaire.

Il ajoute avoir l’impression de ne pas être réellement encouragé à trier, et que le principe du pollueur-payeur n’est pas appliqué.

Un autre témoignage vient de Vincent, psychologue dans un cabinet à Mons, où huit professionnels se partagent les locaux. Bien que son activité génère peu de déchets, il doit s’acquitter d’une taxe élevée. « 155 euros par praticien, cela fait près de 1200 euros par mois pour 3 petits sacs par semaine, c’est beaucoup ! J’ai l’impression qu’on n’est pas vraiment encouragé à trier et que le principe du pollueur-payeur n’est vraiment pas appliqué », exprime-t-il, visiblement frustré.

Globalement, la taxe pour le traitement des déchets est en hausse en Wallonie, et ce, pour plusieurs raisons. Elle couvre des services tels que la collecte des ordures ménagères, les PAV, les recyparcs ainsi que le traitement et le recyclage des déchets. Les communes ont l’obligation d’appliquer le principe du coût vérité, qui consiste à refléter les coûts de gestion des déchets produits par les ménages.

Un document relatif au plan déchets de la ville de Mouscron révèle que, depuis 2018, la collecte des déchets ménagers et le volume de déchets par habitant ont chuté de plus de 30%. Cependant, la taxe continue d’augmenter pour tous. Anne Cloet, la bourgmestre, explique : « Pendant des années, nous avons réussi à maintenir un montant correct et limiter les augmentations, car nous n’avons pas répercuté totalement les indexations et augmentations des services. »

Elle souligne toutefois que malgré une meilleure gestion du tri, la ville est sous CRAC, ce qui signifie qu’elle rencontre des difficultés financières et ne peut plus assumer certains coûts. « Notre cotisation à l’intercommunale augmente, il y a aussi l’indexation, les frais énergétiques… recycler ça coûte cher ! », précise-t-elle, ajoutant que, même si les habitants trient mieux, la quantité de déchets n’a pas vraiment diminué.

Paradoxalement, malgré les efforts pour réduire les déchets, chaque Wallon produirait encore près de 500 kilos de déchets par an. Le coût du recyclage, réalisé par les intercommunales, est un des services en hausse qui pèse de plus en plus sur les finances communales.

Laurent Dupont, président de la COPIDEC, qui regroupe les intercommunales de gestion des déchets, explique : « Tout coûte cher dans la gestion d’un recyparc. Nous collectons 28 types de déchets différents, une tâche qui nécessite une logistique complexe. La séparation coûte plus cher qu’avant, et les coûts fixes des installations de traitement continuent d’augmenter. » Il insiste sur la nécessité de réduire la quantité de déchets si l’on souhaite diminuer la facture pour les Wallons.

À Pecq, le bourgmestre fait face à un dilemme : pour éviter une forte augmentation de la taxe, il a décidé de réduire la fréquence des collectes de déchets. « Nous avons voulu limiter l’augmentation. Malgré ce changement, la taxe augmente quand même de 10 euros, ce que les citoyens ont du mal à comprendre », souligne-t-il.

Aurélien Brabant plaide pour une réforme du principe de coût-vérité et insiste sur l’importance d’aborder la question à la source. « Il faut inciter les multinationales à produire des emballages adaptés à notre époque. Cela permettrait déjà aux citoyens de réduire les déchets inutiles. »

La question se pose également des effets de l’augmentation de la taxe sur les comportements de tri. Axel Gautier, chercheur à HEC Liège, conclut : « Un prix plus élevé de la taxe ou du prix des sacs entraîne une production moindre de déchets résiduels. L’effet incitatif du prix fonctionne, ce qui veut dire que plus c’est cher, moins les ménages font d’efforts pour réduire les déchets. »

Cette analyse remet en question notre gestion collective des déchets, ce qui ne saura probablement pas réjouir Patrick et Vincent, qui attendent des compensations financières réelles pour leurs efforts de tri.