Tensions États-Unis-Venezuela : « Pas facile de déceler autre chose qu’une politique de changement de régime »
Donald Trump a indiqué samedi que « toutes les compagnies aériennes, pilotes, trafiquants de drogue et trafiquants d’êtres humains » doivent désormais « considérer L’ESPACE AÉRIEN AU-DESSUS ET AUTOUR DU VENEZUELA COMME ENTIÈREMENT FERMÉ ». Plus de 70% de la population du Venezuela vit dans la pauvreté.
En lettres majuscules sur son réseau Truth Social, Donald Trump a déclaré samedi que « toutes les compagnies aériennes, pilotes, trafiquants de drogue et trafiquants d’êtres humains » doivent considérer « L’ESPACE AÉRIEN AU-DESSUS ET AUTOUR DU VENEZUELA COMME ENTIÈREMENT FERMÉ ».
Le gouvernement vénézuélien, dirigé par Nicolas Maduro, a réagi rapidement, qualifiant cette déclaration de « menace colonialiste visant à affecter la souveraineté de son espace aérien », considérant cela comme une nouvelle agression extravagante, illégale et injustifiée contre le peuple vénézuélien.
Thomas Posado, maître de conférence en civilisation latino-américaine à l’Université de Rouen, a expliqué que « cela fait déjà plusieurs jours que les liaisons aériennes autour du Venezuela sont extrêmement compliquées ». Il a ajouté qu’il y a plusieurs compagnies, comme Iberia, qui ont cessé d’opérer des liaisons aériennes avec Caracas à cause des menaces militaires des États-Unis. Trump annonce ouvertement la fermeture de l’espace aérien, ce qui risque encore d’isoler le pays. Posado a l’impression que Trump s’oriente vers un blocus maritime et aérien du Venezuela, rendant le commerce et le transit de personnes et de marchandises de plus en plus complexes.
Cet épisode s’inscrit dans le cadre d’une tension croissante entre les États-Unis et le Venezuela. Depuis quelques semaines, le président américain accuse Caracas d’être responsable du trafic de stupéfiants qui inondent le marché américain.
Sous prétexte de mener une guerre contre le narcotrafic, Donald Trump intensifie ses actions et ses déclarations bellicistes envers le Venezuela, dirigé depuis 2013 par Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez, une figure de la gauche radicale en Amérique latine.
Depuis début septembre, les États-Unis ont mené des frappes contre plus de 20 navires vénézuéliens soupçonnés de trafic de drogue dans les Caraïbes et le Pacifique, causant la mort d’au moins 83 personnes, sans fournir de preuves que ces navires étaient réellement utilisés pour le trafic.
Récemment, une activité soutenue d’avions de combat américains a été observée à proximité des côtes vénézuéliennes, selon des sites de suivi des aéronefs. Les États-Unis ont également déployé dans la mer des Caraïbes le porte-avions le plus grand du monde, le USS Gerald R. Ford. Le président américain a même menacé de mener des opérations terrestres contre « les trafiquants de drogue vénézuéliens ».
Pour Thomas Posado, les justifications avancées par Trump ne tiennent pas la route. « La principale source des victimes de la drogue aux États-Unis vient du fentanyl, dont le parcours est de la Chine vers le Mexique. La route de la cocaïne passe minoritairement par le Venezuela, qui n’est pas un pays producteur mais plutôt un pays de transit secondaire », explique-t-il dans son livre « Venezuela : de la révolution à l’effondrement ».
Posado note que les véritables motivations de Trump sont ailleurs. Il souhaite « restaurer l’Amérique latine comme une arrière-cour des États-Unis ». La Chine étant devenue le principal partenaire commercial de nombreux pays d’Amérique du Sud, ce changement majeur en géopolitique place le Venezuela en position centrale en raison de ses relations étroites avec la Russie et la Chine, exacerbées par les sanctions imposées par Trump durant son premier mandat.
Il souligne également les liens étroits entre certains membres de l’administration américaine et l’opposition libérale vénézuélienne, notamment le secrétaire d’État Marco Rubio, qui a des origines cubaines et est très impliqué avec l’exil cubain et vénézuélien en Floride. Un changement de régime rapide au Venezuela pourrait lui conférer une vitrine pour sa carrière politique, revendiquée par ces communautés.
Nicolas Maduro, tout en étant un président autoritaire qui a usurpé les résultats des dernières élections de 2024, affirme que « l’objectif véritable de Washington serait un changement de régime et la mainmise sur les réserves pétrolières du pays ». Thomas Posado reconnaît que, même s’il dit beaucoup de choses fausses, ce point est valide : « Fermer l’espace aérien du Venezuela n’a aucun sens pour lutter contre le narcotrafic ».
Posado précise que cela nécessite de démanteler les réseaux de trafic et d’arrêter les principaux narcotrafiquants, ce qui n’est pas le cap que prend la politique actuelle de Trump.
Face à ces tensions croissantes, des questions émergent quant à l’avenir de la relation entre les deux pays. Une interrogation majeure : Trump va-t-il réellement envisager une opération terrestre en Amérique du Sud ? Posado se montre prudent : « Donald Trump est imprévisible. Cependant, je pense qu’il faut exclure le scénario d’une intervention terrestre des États-Unis. Il a pris le contrôle du Parti républicain sur une position anti-interventionniste. Un déploiement de 15 000 soldats ne pourrait pas contrôler un pays de la taille du Venezuela, qui opposerait une résistance significative, entraînant des pertes mal perçues par l’opinion publique américaine. »
Le chercheur estime que le scénario le plus probable serait celui de bombardements aériens ciblant des sites militaires et stratégiques, avec des assassinats ciblés de dirigeants vénézuéliens, bien que cela soit en contradiction avec le droit international et le bon sens humanitaire.
Avec une population de 28 millions d’habitants, le Venezuela demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, plus de 70 % de sa population vivant dans la pauvreté.

