Technique de la pizzeria, du club de football ou des cryptomonnaies : quelles sont les méthodes de blanchiment d’argent les plus prisées?
Une enquête visant Didier Reynders pour des faits de blanchiment d’argent est venue agitée la sphère médiatique et politique belge. Si pour l’ancien commissaire européen la présomption d’innocence reste toujours d’application, le blanchiment d’argent est un véritable fléau rendu possible par différentes techniques. Décryptage.
- Publié le 05-12-2024 à 16h11
Trois jours après les révélations faisant état de l’ouverture d’une enquête pour des soupçons de blanchiment d’argent par le biais de la Loterie nationale, ni le baron du MR ni son avocat ne se sont encore exprimés suite à la déferlante médiatique. Didier Reynders, 66 ans, est suspecté d’avoir acheté des tickets de la Loterie nationale d’une valeur de 1 à 100 euros avant de reverser les gains présumés sur son compte bancaire.
Malgré les premiers éléments de l’enquête, de nombreuses zones d’ombre persistent. Les perquisitions menées mardi aux domiciles de Didier Reynders à Uccle et Vissoul pourraient apporter des éléments de réponses. Pour mémoire, l’ancien ministre a été auditionné mardi après-midi mais n’a pas été privé de liberté.
Cette affaire met sur le devant de la scène la problématique du blanchiment d’argent. Mais quelles sont les méthodes les plus employées à cette fin ? Les faits de blanchiment d’argent par les achats immobiliers sont les plus fréquents. « L’individu va acheter un immeuble qui a besoin d’une rénovation de 100.000 euros dont la moitié va être payée au noir avec de l’argent sale. L’acquéreur va alors arguer qu’il est bricoleur et qu’il achète de matières premières pour finir ses travaux », indique Michaël Dantinne, professeur de criminologie économique et financière à l’ULiège. « La maison va alors prendre encore plus de valeur que celle des travaux. Le bien va être revendu à une tierce personne de bonne foi qui va blanchir les 50.000 euros que l’individu frauduleux a injectés et qui ont été produits frauduleusement. »
Encore plus rudimentaire : la technique du casino. « Vous convertissez le cash en jetons. Vous jouez à des jeux qui ont le plus de chance de rapporter un peu d’argent et vous récupérez les jetons que vous convertissez en liquide. Une méthode qui est toutefois bien connue et dès lors risquée », poursuit-il.
La technique du rachat du club de foot
Plus technique : le blanchiment d’argent par le biais d’une entreprise. « Toute vraisemblance avec des cas en cours est purement fortuite mais un investisseur pourrait acheter une entreprise ou un club de football pour blanchir de l’argent sale en l’injectant dans un processus légal. Il est alors facile de gonfler le nombre de recettes journalières en y introduisant de l’argent illicite », ajoute Michaël Dantinne.
Des exemples de blanchiment d’argent par le biais de rachat de club de football ont déjà été observés à maintes reprises, notamment à Parme dans les années 90′, à Malaga en 2010 ou, plus récemment, dans des petits clubs de football en Angleterre au niveau amateur ou semi-professionnels. L’argent, provenant de la corruption et de la drogue, était principalement blanchi par de faux contrats de sponsoring ou la vente de joueurs fictifs.
Un autre schéma vise à injecter de l’argent provenant de la vente de la drogue dans une pizzeria. Une fois que l’argent est intégré dans le bilan, les fonds illicites se confondent avec les gains légitimes provenant du paiement des clients.
Enfin, l’avènement des cryptomonnaies représente une aubaine pour les blanchisseurs. « La création d’un compte est anonyme et ne prend que quelques secondes. Il n’est possible d’utiliser chaque compte que deux fois : pour recevoir de l’argent, puis pour le transférer ailleurs », peut-on lire sur le site des Nations Unies. « Il est possible de créer un vaste système de blanchiment d’argent constitué de milliers de transferts à faible coût qui seront exécutés à l’aide d’un script informatique. En raison de l’augmentation rapide des taux de change et du fait que certaines cryptomonnaies affichent une croissance de 10 000 %, il est très facile de justifier un enrichissement soudain. »
L’IA pour traquer les blanchisseurs
Afin de lutter contre ces pratiques frauduleuses, les institutions financières mises sur une alliée de taille : l’intelligence artificielle. « Seulement un pour cent des fonds issus d’activités criminelles sont effectivement saisis. Les autorités de régulation voient dès lors l’IA comme un moyen de détecter des réseaux de criminalité qui échappent actuellement aux moyens de détection existants », conclut le directeur d’Europol.