Syrie : quel avenir démocratique après des années de dictature ?
Les modalités retenues pour les élections en Syrie sont très originales et ne ressemblent pas aux modèles des démocraties libérales souvent organisées par l’ONU. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, le bilan des violences a été réévalué à 2000 morts fin août.
Un système électoral inédit
« Les modalités qui ont été retenues pour ces élections sont très originales. Cela ne ressemble en rien aux élections avec des modèles un peu copiés-collés des démocraties libérales qui sont souvent organisées par l’ONU dans des régions post-conflits, comme on a essayé de l’organiser en Afghanistan, par exemple« , analyse Michel Liégeois, professeur en relations internationales à l’UCL.
C’est une sorte de première tentative de démocratie […]
L’objectif du pouvoir syrien est d’obtenir un panel représentatif de la diversité de la population. « C’est une sorte de première tentative de démocratie un peu simplifiée, avec un système à trois étages« , explique Michel Liégeois.
Concrètement, un comité suprême de onze personnes désigne des sous-comités dans chaque district qui déterminent le collège électoral. C’est ensuite ce collège électoral très limité qui va désigner 140 députés pour siéger au Parlement. Les 70 autres députés doivent être désignés directement par le président. On est donc loin d’un suffrage universel tel qu’on le connaît chez nous.
Priorité au redressement économique ?
Le processus démocratique servirait en réalité d’avantage à renforcer la légitimité de la Syrie aux yeux des puissances régionales et internationales. L’Arabie saoudite a ainsi récemment annoncé le financement de projets humanitaires dont le déblaiement des décombres de guerre autour de Damas, quelques semaines après avoir annoncé des investissements de plusieurs milliards de dollars pour aider à reconstruire les infrastructures du pays.
« Vous doutez bien que des pays comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont absolument ravis qu’on organise des élections indirectes en Syrie plutôt que des élections directes. Leur grande crainte, c’est que ce modèle démocratique se répande dans la région« , analyse de son côté Thomas Pierret.
Il s’agit toutefois pour le nouveau régime de Ahmed al-Charaa de rassurer les pays occidentaux.
« Le nouveau pouvoir semble assez habile de ce point de vue là. Ils ont très bien compris que la stabilisation du pays et sa reconstruction passaient par une sorte d’adoubement des principales puissances internationales, et en particulier des pays occidentaux qui formaient la coalition contre le terrorisme« , abonde Michel Liégeois. « Je dirais que c’est presque autant ça l’enjeu du processus électoral qui a lieu maintenant« .
Un pas dans la bonne direction ?
« On pourrait objecter que ce n’est pas tout à fait démocratique. Mais c’est quand même un pas dans la bonne direction et nettement plus intéressant que la dictature brutale de Bachar al-Assad« , estime Michel Liégeois. « Ça permet alors de valider une démarche de soutien politique. Mais aussi, il ne faut pas se mentir, il y a des enjeux budgétaires colossaux parce que ça ouvrirait le robinet de l’aide internationale« .
« Pour que ce soit possible, il faut de la stabilité, sinon les opérateurs économiques ne vont pas y investir et il faut une forme d’adoubement international« , dit encore le professeur de l’UCLouvain.
« Est-ce qu’on va aller vers un système libéral démocratique? Je n’y crois pas du tout. Est ce qu’on peut être optimiste quant au fait qu’il n’y aurait plus de violence massive en Syrie, ce qui serait déjà pas si mal? Pas forcément mais c’est possible« , conclut Thomas Pierret.
Or sans stabilité, c’est tout le chantier de la reconstruction qui est menacé. Et ce chantier est énorme. Comme l’évoquaient nos collègues de radio France, en Syrie, dévastée par la guerre et les bombardements du régime, 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

