Sous les bosquets, la crasse : dépotoirs en Wallonie et Bruxelles ?
La Spaque a enregistré environ 1200 anciens dépotoirs en Wallonie, un chiffre loin d’être complet car quasiment chaque village a sa décharge. En novembre 2025, 298 anciennes décharges seront rendues publiques par la Spaque en Wallonie, dont une vingtaine est répertoriée comme « traitée ».
En novembre 2025, la Spaque rendra publiques 298 anciennes décharges en Wallonie. Ces sites sont traités, analysés ou en cours de traitement par la société publique.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Commençons par les anciennes décharges déjà « traitées ». Il n’en existe qu’environ une vingtaine recensée comme telles par la Spaque. Cela ne signifie pas que les déchets ont été évacués du sol, comme l’explique Renaud Devriese, directeur des opérations à la Spaque.
« Évacuer les déchets, cela signifierait que l’on déplacerait le problème. Nous gérons donc le massif de déchets pour empêcher qu’il ait un impact négatif sur son environnement, c’est-à-dire, d’abord, sur les êtres humains et ensuite, sur la biodiversité, voire aussi sur les masses d’eau souterraines très exploitées en Wallonie. » Renaud Devriese, directeur des opérations à la Spaque
Concrètement, les mètres cubes de déchets sont toujours présents dans le sol mais ils sont confinés. C’est ce qui se passe sur le site de l’ancienne décharge du « Chêne à l’image » à Châtelet.
« On va mettre un couvercle dessus », explique le directeur alors que ses équipes déploient d’immenses couvertures sur le chantier derrière lui dans la décharge de Châtelet appelée « Le chêne à l’image ». Là, ce sont 180 000 mètres cubes qui doivent être ainsi « confinés », l’équivalent de 72 piscines olympiques. « On va pomper les eaux qui sont dans le sol pour empêcher qu’elles emportent les pollutions vers l’aval. »
Et puis, dossier clôturé ? Pas tout à fait.
À Mellery, dans le Brabant wallon, où un scandale sanitaire a éclaté à la fin des années 80, de grands tuyaux traversent le champ. Ils sont reliés à l’ancienne décharge qui est aujourd’hui considérée comme « traitée ». Ils captent notamment le méthane qui s’échappe du sol, un gaz explosif. La quantité de lixiviat, sorte de « jus de poubelle » qui s’infiltre dans les eaux et peut contaminer les nappes phréatiques, est également surveillée.
#Investigation Anciennes décharges: le lixiviat
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« Les polluants sont toujours présents. Ils diminuent en quantité et en qualité (avec le temps, ndlr) […] Mais force est de constater que sur bon nombre de décharges sur lesquelles la Spaque est active, c’est nécessaire de poursuivre la surveillance. »
Eddy Guerlot, responsable du service maintenance de la Spaque
Combien de temps encore faudra-t-il faire tourner ces machines ?
À Anton, en province de Namur, par exemple, les dispositifs de sécurisation ont été installés il y a plus de trente ans. « Il est clair que nous devrons rester encore de nombreuses années ici pour gérer la problématique des gaz », répond le responsable. « D’après notre expérience, minimum 10 ans, voire plus. »
Combien d’anciennes décharges vont-elles ainsi être traitées ?
La région wallonne a investi 44 millions d’euros dans un plan de relance dès 2020 pour assainir le sol de sept anciennes décharges qui sont « en cours de traitement ». Une enveloppe conséquente. Et vu le nombre de décharges restantes à réhabiliter, Hervé Briet, le directeur de la stratégie à la Spaque, pense qu’il faudra débloquer plus de moyens.
Qui paye ?
« Si on avait le même budget que celui que nous avons eu dans le cadre du plan de relance, ça nous permettrait d’avoir une perspective à moyen et long terme pour planifier de nouvelles réhabilitations, » explique Hervé Briet sans se faire d’illusions sur la situation budgétaire de la région wallonne. « S’il y avait déjà un budget pluriannuel consacré à l’assainissement des décharges, ce serait déjà une bonne chose. »
Mais qui finance cet assainissement quand un propriétaire découvre que son terrain est pollué ? C’est la question sensible de ce dossier. « En termes sanitaire ou de santé publique, il faut voir le type de pollution », répond le ministre wallon de la Santé et de l’Environnement, Yves Coppieters. « Il faut faire une investigation sur les PFAS ou d’autres types de pollution chimique. Et bien sûr, si cette pollution est avérée, il faut dépolluer. »
Par qui ? « Les pouvoirs publics ne savent pas assurer la dépollution de tous les terrains privés mais en tout cas, les pouvoirs publics peuvent être là pour documenter la situation et accompagner les citoyens. » Autrement dit, la Région wallonne vous accompagne mais c’est le propriétaire qui paye la dépollution.
Un peu plus d’une cinquantaine de sites font partie de la catégorie « analysé sous surveillance ».
Selon la Spaque, il n’existe pas de risque sur la santé mais un suivi est tout de même nécessaire pour s’en assurer. « La décharge présente peu d’impacts à ce stade, » décrit la société publique dans un échange de mail. « La bonne atténuation naturelle de ces impacts fait l’objet d’un suivi. »
Ce suivi est espacé, tous les deux à quatre ans, ou soutenu, tous les ans, en fonction de l’endroit.
Les 25 sites répertoriés dans la catégorie « analysé » contiennent des déchets dans leur sol. Mais ces sites sont des « décharges qui ne présentent pas d’impact grave sur son environnement (en l’état des connaissances) », affirme la Spaque. Cela ne signifie pas que le site est « sans impact ». S’il y a un risque « grave », la Spaque remonte la situation au Gouvernement wallon, assure-t-elle.
Enfin, les quelque 200 décharges figurant dans la catégorie « enregistré mais pas analysé » sont celles qui ont été « visitées et répertoriées par la Spaque qui continue d’examiner cette catégorie, pour les situations les plus suspectes ».
C’est dans cette catégorie que se retrouvent beaucoup de décharges dont vous nous avez transmis la localisation. Les autres, si elles étaient déjà connues, se retrouvent dans les catégories précitées. Quant à celles dont la Spaque n’a pas pu vérifier l’existence passée, elle continue d’investiguer. « Cela avance bien, mais il y a encore à faire. Et nous continuons d’en découvrir, notamment grâce aux témoignages que vous nous avez transmis », conclut sa porte-parole.
Vous pouvez zoomer dans la carte et cliquer sur les points pour l’explorer.
C’est l’administration Bruxelles Environnement qui se charge de répertorier ces anciennes décharges.
C’est au moment où une parcelle a été vendue ou lorsqu’un permis d’urbanisme a été octroyé que la catégorie a été fixée. Cela explique que d’une parcelle à l’autre, à quelques mètres de distance, l’une puisse être considérée comme « traitée » alors que sa voisine est encore polluée. Toutes n’ont pas été vendues au même moment et catégorisées de la même manière.
« Dans les années où l’on a rempli les anciennes sablières de déchets, une décharge ne formait qu’une seule parcelle cadastrale de plusieurs milliers de mètres carrés », explique Saïd El Fadili, directeur de la sous-division gestion intégrée des sols à Bruxelles Environnement. « À la fin de l’activité, dans les années 80, les terrains ont été lotis et répartis en différentes parcelles cadastrales. Ces parcelles ont été vendues à différents propriétaires sans aucune législation à l’époque concernant la dépollution. Ce n’est qu’à partir de 2005 que la dépollution est devenue obligatoire au moment de la vente. »
Toutes les données reprises sur cette carte sont disponibles en accès public sur l’Atlas des sols de Bruxelles-Environnement.
Toutes Bruxelles Environnement a répertorié quelque 153 parcelles concernées pour un total de 25 sites. Car oui, en région bruxelloise, tout est répertorié par parcelle cadastrale. Un seul ancien site peut donc contenir plusieurs points.
Les décharges « traitées » : moins d’une dizaine de sites de la région bruxelloise sont répertoriés dans cette catégorie, considérée par Bruxelles Environnement comme « non polluée ». « Le sol a été étudié et respecte les normes d’assainissement : les risques pour la santé humaine et pour l’environnement sont considérés comme nuls, et toutes les utilisations du terrain sont possibles », assure Bruxelles Environnement.
Mais, tout comme en Wallonie, les anciens déchets sont toujours présents dans le sol. Certaines anciennes décharges produisent encore un peu de méthane, un gaz explosif, mais pas de lixiviat, ce « jus de poubelle » qui peut contaminer les nappes phréatiques. C’est en tout cas ce qu’assure, sur la base des derniers prélèvements, le directeur de la sous-division gestion intégrée des sols à Bruxelles Environnement.
« Il y a trois anciennes décharges de déchets ménagers qui produisent encore un petit peu de gaz méthane : La forestière à Watermael-Boitsfort, le Val d’Or à Woluwe-Saint-Lambert et le Parc Bon Pasteur à Evere. Les études n’ont jamais révélé de présence de lixiviat. Et aujourd’hui, les massifs de déchets sont trop vieux pour en produire », affirme Saïd El Fadili. Les nappes phréatiques ont été étudiées et sont propres, assure-t-il. Seule la décharge du site du Bon Pasteur est en attente de résultats.
« En revanche, il a fallu installer des systèmes de captation de méthane même si les mesures de monitoring montrent des taux extrêmement faibles car les décharges sont en fin de décomposition. » Ainsi, à Bruxelles, ces parcelles ont été achetées et parfois même, des bâtiments ont été construits sur certaines anciennes décharges avec la condition, pour le vendeur ou le propriétaire, d’y intégrer des systèmes de captation de biogaz.
Une dépollution aux frais du propriétaire. Comme en Wallonie, l’administration peut accompagner le propriétaire du terrain à dépolluer le sol, mais c’est lui qui paye.
Une quinzaine de terrains bruxellois sont dans la catégorie « pollué en cours d’étude ou de traitement ». Ce sont les décharges retrouvées dans la catégorie n°4 de la catégorisation bruxelloise.
« Le sol est pollué. Des études, un assainissement, un traitement ou un suivi des mesures de dépollution y sont en cours. En cas de vente, vous devez disposer obligatoirement d’une étude de sol déclarée conforme. La personne qui achète ou celle qui cède le terrain doit aussi s’engager à exécuter la suite des obligations de traitement fixées par Bruxelles Environnement et avoir constitué une garantie financière pour le faire », précise Bruxelles Environnement.
Comme en Wallonie, l’administration peut donc accompagner le propriétaire du terrain à dépolluer le sol. Mais cette dépollution est aux frais du propriétaire.
Les parcelles « potentiellement polluées » sont les anciennes décharges connues par la région mais dont l’analyse n’a pas été effectuée. Il s’agit des décharges de la catégorie 0.
« Ces terrains n’ont pas encore été étudiés : le sol peut avoir été pollué. En cas de vente ou de fin d’activité sur le terrain, vous devez vérifier si le sol est réellement pollué en faisant établir une reconnaissance de l’état du sol par un professionnel en pollution du sol. » précise Bruxelles Environnement.
Il y a une dizaine de parcelles répertoriées dans la catégorie « légèrement pollué sans risques ». « Les concentrations en polluants sont très faibles : les risques pour la santé humaine et pour l’environnement sont négligeables, » assure Bruxelles Environnement. « Toutes les utilisations sont possibles. Mais vous ne pouvez pas réutiliser la terre de cette parcelle sur un autre terrain bruxellois. »
Une petite cinquantaine de parcelles appartiennent à la catégorie n°3 de Bruxelles Environnement, nommée « pollué avec restriction d’usage ». « Le sol est pollué, mais les risques sont tolérables. Vous devez respecter certaines restrictions d’usage, par exemple : ne pas y cultiver un potager ou y construire une cave, ne pas installer une tuyauterie d’eau potable ou y implanter un logement sans gérer les risques de pollution. »
Et pour vous ? À Bruxelles, contrairement à la Wallonie, les rédactions de la RTBF et de L’Avenir ont reçu très peu de signalements de décharges, et tous étaient déjà dans la base de données de l’administration. En effet, les recherches historiques ont déjà été effectuées par l’administration bruxelloise, explique Saïd El Fadili. « À Bruxelles, le travail d’enquête a été réalisé pendant 15 ans, de 2000 à 2015. Nous avions communiqué de manière intensive et interrogé environ 40 000 personnes. » Ce sont les points que vous pouvez explorer sur cette carte.

