Soudan : craintes d’exactions massives après la prise d’El-Facher
La ville d’El-Facher, dernier bastion de l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, a été prise dimanche par les Forces de soutien rapide (FSR) après plus de 18 mois de siège. Dans l’Etat voisin du Kordofan-Nord, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a annoncé que cinq bénévoles soudanais du Croissant-Rouge avaient été tués à Bara, ville tenue par les FSR depuis samedi, et que trois autres étaient portés disparus.
Dernière base de l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane au Darfour, la ville a été capturée dimanche par les Forces de soutien rapide (FSR) après un siège de plus de 18 mois. Ces paramilitaires contrôlent désormais l’ensemble du Darfour, une vaste région représentant un tiers du Soudan.
Dans l’État voisin du Kordofan-Nord, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a annoncé que cinq bénévoles soudanais du Croissant-Rouge avaient été tués à Bara, ville contrôlée par les FSR depuis samedi, tandis que trois autres sont portés disparus.
Les bénévoles étaient clairement identifiés par le port de gilets du Croissant-Rouge, a précisé la Fédération dans un communiqué, déclarant « inacceptable » toute attaque contre des humanitaires.
À El-Facher, les Forces conjointes, alliées de l’armée, ont accusé les FSR d’avoir exécuté « plus de 2000 civils désarmés » dimanche et lundi, « la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées ».
Les FSR ont mis en place une administration parallèle au Darfour, défiant l’autorité du général Burhane, qui est le dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d’État de 2021, basé à Port-Soudan (est).
Le conflit qui a éclaté en 2023 entre les paramilitaires et l’armée a causé la mort de dizaines de milliers de personnes, déraciné des millions d’autres et plongé le pays dans ce que l’ONU décrit comme « la pire crise humanitaire au monde. »
Mardi, le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU a rapporté des « exécutions atroces » et des « violences sexuelles contre les femmes et les jeunes filles » commises par des groupes armés, exprimant des inquiétudes sur « l’escalade de violences brutales » depuis la chute d’El-Facher. Environ 177.000 civils se trouvent encore dans la ville et ses environs, d’après l’Organisation internationale pour les migrations. Des militants pro-démocratie ont également accusé les FSR d’avoir tué des blessés qui recevaient des soins à l’hôpital saoudien d’El-Facher.
L’Union africaine a condamné les « crimes de guerre présumés et les meurtres de civils ciblés en raison de leur appartenance ethnique. »
Lundi, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme avait déjà mis en garde contre le « risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques, » rappelant le passé tragique du Darfour, sinistré au début des années 2000 par les massacres, les viols et les razzias des milices arabes Janjawid, dont sont issus les FSR.
Face aux nombreuses images violentes diffusées sur les réseaux sociaux, la branche politique des FSR a annoncé la création d’un comité pour « vérifier l’authenticité des allégations et des vidéos », affirmant que nombre d’entre elles étaient des montages de l’armée et de ses alliés.
Des « scènes choquantes » sont filmées « sans honte par les auteurs eux-mêmes », a dénoncé sur X le ministère soudanais des Affaires étrangères, aligné sur l’armée.
Le Humanitarian Research Lab de l’Université Yale (HRL), qui analyse des vidéos et des images satellites, conclut à « un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique des communautés indigènes non arabes Fur, Zaghawa et Bartis, avec des déplacements forcés et des exécutions massives. »
Des observations satellites de talus jonchés de corps en périphérie de la ville corroborent les vidéos d’exécutions sommaires de civils tentant de fuir, selon le rapport publié lundi par le HRL.
« Le niveau de violences et leur nombre au Darfour dépasse tout ce que j’ai vu jusqu’à présent, » a déclaré à l’AFP Nathaniel Raymond, directeur du HRL. « Le monde doit agir immédiatement pour mettre la pression maximale sur les FSR et leurs soutiens, notamment les Émirats arabes unis, pour que cessent les tueries, » affirme le HRL.
La perte d’El-Facher montre que « la voie politique est la seule option pour mettre fin à la guerre, » a déclaré le conseiller présidentiel émirati Anwar Gargash, appelant à la ratification du plan du groupe dit du « Quad » (États-Unis, Arabie saoudite, Égypte et Émirats). Ce plan prévoit la formation d’un gouvernement civil de transition en excluant le gouvernement pro-armée actuel et les FSR.
La situation est d’autant plus complexe que les belligérants bénéficient chacun de soutiens étrangers cherchant à influencer un pays riche en or. Les FSR ont reçu des armes et des drones des Émirats arabes unis, d’après des rapports de l’ONU, tandis que l’armée a soutenu par l’Égypte, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.

