Belgique

Sophie Rohonyi (DÉFI) : « Un parti centriste ne peut pas apaiser le conflit »

Sophie Rohonyi, présidente de Défi depuis plus d’un an, a plaidé pour une modification de la loi spéciale qui impose d’avoir une double majorité pour former un gouvernement à Bruxelles. Elle a déclaré que « tant qu’on gardera le mécanisme de double majorité, on aura des partis néerlandophones ou même pas néerlandophones, qui auront compris la combine ».


« L’objectif, c’est de trouver une solution pour ce gouvernement, mais aussi pour l’avenir, pour les prochaines élections ». Ce matin, Sophie Rohonyi, présidente de Défi depuis plus d’un an, a évoqué sa proposition pour « débloquer » la formation d’un gouvernement à Bruxelles. Lors d’une émission animée par Thomas Gadisseux, elle a plaidé pour une modification de la loi spéciale qui exige une double majorité pour former un gouvernement, tant du côté francophone que néerlandophone, afin de sortir Bruxelles de l’impasse actuelle.

Elle a également défendu les allocations familiales et s’est opposée au décret paysage « qui met des bâtons dans les roues des étudiants », tout en passant en revue divers dossiers de la rentrée.

Sophie Rohonyi a exprimé ses préoccupations concernant la baisse continue de la popularité de son parti dans les sondages et lors des dernières élections. « Nous sommes des libéraux progressistes qui assument leur place au centre et qui voient d’ailleurs bien que nous avons bien fait de nous distancier du MR en 2011, parce qu’on sentait bien qu’il y avait un rapprochement avec la N-VA », a-t-elle déclaré.

Représentant une nouvelle génération, Sophie Rohonyi a admis partager « la désillusion » de Christophe de Beukelaer, qui a annoncé son retrait de la vie politique. « Aujourd’hui, c’est très compliqué pour un parti centriste comme Défi d’avoir une parole nuancée qui refuse la politique du clash et du trash », a-t-elle ajouté.

Modifier la loi spéciale pour former un gouvernement bruxellois

« Aujourd’hui, on a des PME, le poumon économique de notre pays en Région bruxelloise, qui se meurent. On a des commerces qui doivent fermer, on a des entreprises qui doivent licencier leur personnel, qui sont en train de se délocaliser et de quitter la région. Il y a urgence ». Sophie Rohonyi lance un cri d’alarme à cette occasion.

Défi est toujours présent dans le gouvernement bruxellois en affaires courantes avec le Ministre de l’emploi Bernard Clerfayt, mais sa présidente appelle à une réforme de fond des institutions bruxelloises. « Nous serions tout à fait prêts à nous sacrifier, entre guillemets, pour laisser place à des ministres issus de partis qui ont gagné les élections, il y a quinze mois maintenant. Mais ça ne répondra toujours pas au problème du fond, à savoir que ce gouvernement restera en affaires courantes et donc il ne pourra toujours pas engranger des mesures structurelles ».

Pour mettre en place ce gouvernement, Défi appelle à modifier l’équilibre linguistique qui régit la politique bruxelloise.

« Je n’ai vraiment pas envie de voir notre Région Bruxelles Capitale gouvernée par la N-VA et par le Vlaams Belang », a-t-elle affirmé. « Tant qu’on gardera le mécanisme de double majorité, on aura des partis néerlandophones ou même pas néerlandophones, qui auront compris la combine et qui se mettront sur des listes intégralement néerlandophones », a-t-elle expliqué. « On risque d’avoir en 2030 des partis avec lesquels on sera obligé de composer. Cela pourrait être la team Fouad Ahidar, la N-VA et le Vlaams Belang. Et je n’ai vraiment pas envie de voir notre Région Bruxelles Capitale gouvernée par la N-VA et par le Vlaams Belang ».

Quels choix budgétaires ?

Logement, allocations familiales, quels choix pour le futur budget d’une région bruxelloise sans gouvernement ? « Parmi les grandes valeurs du libéralisme, il y a la responsabilité. Il faut arrêter de faire croire à tout le monde qu’on peut raser gratis et que demain tout sera gratuit », reconnaît Sophie Rohonyi.

« Aujourd’hui, les enfants ne sont pas égaux entre eux ». La présidente de Défi refuse de faire payer les familles « parce qu’il y a eu des défaillances, notamment dans la gestion de certains partis qui effectivement, ont dépensé beaucoup plus que ce qu’on avait ». « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Défi, à l’époque, a été le seul parti démocratique francophone à s’opposer à la sixième réforme de l’Etat, qui a abouti à avoir des systèmes totalement différents selon la région dans laquelle vous êtes. Aujourd’hui, les enfants ne sont pas égaux entre eux », a dénoncé Défi.

Comment résoudre la crise budgétaire qui menace Bruxelles ? Faut-il revoir les droits d’enregistrement à la baisse et suivre la Flandre et la Wallonie ? « En tout cas, on voit qu’en Wallonie, on a fait face à une politique du court terme. Certes les droits d’enregistrement ont diminué, mais dans le même temps, les prix de l’immobilier ont augmenté ».

Soutien aux étudiants opposés au décret paysage

L’autre sujet qui agite la rentrée concerne le sort des étudiants du supérieur. « Libéralisme, ce n’est pas de favoriser une élite. C’est au contraire permettre à tout un chacun de pouvoir faire les études de son choix, de pouvoir s’émanciper à travers ses études et par après, par son travail », précise Sophie Rohonyi, solidaire des étudiants mobilisés contre le décret paysage.

« Lorsqu’un parcours académique est long, ce n’est pas forcément parce que l’étudiant est fainéant ou qu’il est mauvais ». « Les étudiants ont aujourd’hui des bâtons dans les roues. Au lieu de travailler sur les aides à la réussite, sur un test d’orientation obligatoire indicatif à l’entrée des études supérieures, aujourd’hui, on précarise toujours plus les étudiants ».

Pour Sophie Rohonyi, le décret paysage doit être revu. « Lorsqu’un parcours académique est long, ce n’est pas forcément parce que l’étudiant est fainéant ou qu’il est mauvais ».

Défi : « un parti libéral progressif qui assume sa place au centre »

 » Même âge, même désillusion » : Sophie Rohonyi se retrouve dans certaines critiques de Christophe De Beukelaer (Les Engagés) « relatives à une certaine particratie, à une logique court-termiste où on veut plaire à un électorat directement. Même si Les Engagés ont participé à cette logique court-termiste. On l’a vu avec la LEZ, par exemple, qui a été cassée par la Cour constitutionnelle ».

« Aujourd’hui, c’est très compliqué et en l’occurrence, pour un parti centriste comme Défi, d’avoir une parole nuancée ».

Sophie Rohonyi revendique son engagement politique pour faire évoluer les choses en faveur de l’intérêt général, mais déploré le climat actuel. « Le débat politique s’est radicalisé, s’est polarisé. Aujourd’hui, c’est très compliqué et en l’occurrence, pour un parti centriste comme Défi, d’avoir une parole nuancée ».

Elle défend un parti rassemblant « des libéraux progressistes qui assument leur place au centre » et estime que son parti a bien fait de se distancier du MR en 2011 lors des premiers rapprochements avec la N-VA.

« Cela nous inquiète beaucoup parce que ce parti, la N-VA, c’est un parti qui veut la fin du pays, qui veut la fin de la Région bruxelloise, qui est ultraconservateur, qui refuse les droits des minorités ».

Le parti, qui s’est construit sur la défense des intérêts francophones, reste mobilisé sur la protection des francophones dans les communes à facilités. « Dans ma commune à Rhode-Saint-Genèse, on voit que les crèches sont menacées de fermeture. Si les puéricultrices ne sont pas parfaites bilingues, il y a toute une série de mesures d’intimidation, de vexations qui nuisent au bien-être des habitants », a dénoncé Sophie Rohonyi.

Réécouter : Sophie Rohonyi, invitée de Matin Première.