Belgique

« Si j’y étais encore, je ferais grève »: Eliane Tillieux, Theo Francken, Nadia Naji,… Politiques aujourd’hui, employés Delhaize hier !

C’est le cas d’Eliane Tillieux (PS). L’actuelle présidente de la Chambre des représentants a travaillé durant ses études supérieures, à raison d’un mois par an, au Delhaize de Bouge. “C’est ce qui m’a permis de financer mes études”, se souvient celle qui dirige l’assemblée parlementaire depuis 2020. “J’en ai gardé un excellent souvenir. C’est un job de grande proximité mais qui a ses côtés épuisants physiquement. Je garde le souvenir d’une équipe soudée et à l’écoute, d’un contact aimable avec la clientèle et de beaucoup d’humanité.”

Delhaize et Intermarché, un même combat dont l’issue sera lourde en conséquences pour le secteur de la distribution

Sur la crise qui secoue l’enseigne, la socialiste estime que c’est une situation “dramatique pour les travailleurs avant tout”. La présidente du Parlement affirme être de leur côté. “Je suis meurtrie par les décisions et l’évolution de la situation. Il est indispensable de favoriser le dialogue social.”

Interrogé jeudi sur l’avenir de la grande distribution en Belgique, le ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne (PS) a rappelé que le dialogue entre les syndicats et la direction de Delhaize n’était pas encore rompu. Le socialiste a pris la défense des syndicats, déclarant que leur action était nécessaire si l’on voulait éviter “des ronds-points en feu, des montagnes de poubelles, de la violence, des gens perdus pour la démocratie”.

« C’est vraiment dommage ce qui se passe maintenant »

Lorsqu’il était étudiant, Theo Francken a travaillé pour Delhaize. “Pendant 4 ans, l’été et les week-ends, j’ai travaillé au Delhaize de Kessel-Lo, à Leuven”, explique le bourgmestre de Lubbeek. Avant d’arriver en politique, c’était pour le futur député N-VA un moyen de “gagner des sous” avec un travail parfois “dur”, mais “formateur”.

La crise qui oppose aujourd’hui les top-managers d’Ahold aux syndicats l’attriste. “C’est vraiment dommage, ce qui se passe actuellement. Au final, ce sont les ouvriers et les travailleurs qui sont dupés dans cette histoire.”

Il faut sauver Delhaize

Theo Francken précise ne pas voir de problèmes dans le modèle des franchises. “Il y a un supermarché franchisé dans ma commune et ça marche très bien. Par contre, je ne comprends pas l’urgence de devoir franchiser tout d’un coup. Ce n’est pas clair et ce n’est pas nécessaire. Et comme les syndicats ne veulent rien lâcher, on a une escalade des tensions qui fait du mal à tout le monde.”

“Quand je vois l’incertitude dans laquelle sont les travailleurs, ça me touche”, observe Sandra Cassart, échevine MR à Neupré, dont la fille, le mari, le beau-frère, le beau-père et de nombreux amis ont travaillé pour Delhaize. “Ce qui se profile, c’est la déconstruction de tous les acquis sociaux pour lesquels les travailleurs de Delhaize se sont battus. Ils vont perdre beaucoup de tout ce qu’ils ont connu. Aujourd’hui, ils ne savent pas si les équipes resteront les mêmes.”

La libérale rappelle que le changement de modèle pourrait se solder par des pertes de salaire de 25 %, moins de jours fériés, plus de défense des syndicats et un régime de congés plus strict. “Humainement, j’espère qu’il y aura un dénouement positif. Mais je vois mal un aussi gros groupe faire marche arrière. Je suis inquiète pour mes amis.”

Avant d’être co-présidente de Groen, Nadia Naji a travaillé de ses 16 ans à ses 23 ans au Delhaize du Westland, à Anderlecht. “J’étais caissière, je faisais souvent l’accueil. J’ai observé beaucoup de gens. J’ai appris à connaître ce qu’est la pauvreté, quand des personnes ne peuvent pas se payer un pain ou qu’elles me demandaient d’arrêter de scanner les produits à partir de 15 euros.”

La Bruxelloise explique avoir grandi dans une “situation financière pas facile” et ce travail lui a permis de s’en sortir, de financer ses études et d’acquérir son indépendance. “Honnêtement, travailler chez Delhaize a été mon expérience professionnelle la plus utile, même pour la politique. C’était de bonnes conditions salariales même pour du travail lourd. Je travaillais le vendredi jusqu’à 21h, mais j’ai toujours eu le sentiment de faire partie d’une famille. J’ai gardé mon uniforme avec fierté.” Aujourd’hui, toutefois, elle ne pense pas qu’il serait possible pour elle de travailler chez Delhaize dans les conditions qu’elle a connues. “Ce ne serait plus possible de vivre ce que j’ai vécu. Si j’y étais encore, je ferais également grève.”

Même son de cloche du côté d’Ecolo. Rodrigue Demeuse, sénateur et député wallon, a travaillé 5 ans comme jobiste au Delhaize d’Amay. “J’en garde des bons souvenirs. Des travailleurs extrêmement motivés et courageux. Un travail qui était assez exigeant, pas nécessairement un job facile, avec des horaires compliqués. On commençait à 6h du matin.”

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Le Hutois juge “irrespectueuse” la façon dont les travailleurs sont traités. “Tout ça pour maximiser leurs profits. J’ai vu les travailleurs se donner à 300 % pour leur entreprise, des employés qui vivent et dorment pour Delhaize et qui étaient très fiers de cet investissement. Et manifestement, la direction essaie de tout faire pour éviter une vraie concertation sociale. C’est un système qui ne peut pas être encouragé.”