Shein s’installe en France : le cheap dérange le luxe.
Shein a choisi la France pour l’implantation pérenne de ses premiers magasins physiques en s’associant à la « Société des Grands Magasins » qui possède plusieurs enseignes comme le BHV à Paris. Depuis l’annonce de l’ouverture de six points de vente Shein, une pétition lancée par le collectif Une Autre Mode Est Possible a récolté plus de 80.000 signatures.

Une entrée par la grande porte
La plateforme a décidé d’installer de façon permanente ses premiers magasins physiques en France. En Europe, Shein s’associe à la « Société des Grands Magasins », également connue sous le nom de « SGM », un groupe français qui détient plusieurs enseignes telles que le BHV à Paris et diverses Galeries Lafayette en province.
Ces grands magasins sont souvent perçus comme des symboles de luxe et de mode à la française. Toutefois, depuis plusieurs années, certains d’entre eux rencontrent de grandes difficultés face à la concurrence du commerce en ligne et des marques de fast fashion. Ainsi, pour la « Société des Grands Magasins » et Shein, cette alliance serait une manière de « revitaliser les centres-villes », comme le précise l’entreprise chinoise dans un communiqué.
Derrière cette société à l’appellation quelque peu mystérieuse se cache un homme d’affaires : Frédéric Merlin, âgé de 34 ans. C’est lui qui ouvre les portes de l’Europe à Shein. Lors de son intervention dans l’émission « C à Vous », il justifie cette démarche en déclarant : « Aujourd’hui, un Français sur trois commande sur Shein. » En 2024, la marque représenterait 3% des dépenses françaises en habillement et en chaussures en valeur. À noter que Shein se positionne comme une enseigne à très bas prix, un pull dépassant rarement les 20 euros sur son site. L’Institut français de la mode indique : « vu ses prix, le distributeur serait le leader en termes de volumes vendus« .
Une vague d’oppositions
Depuis l’annonce de l’ouverture de six points de vente Shein, les réactions négatives afflues de toutes parts. Cela inclut les magasins déjà en place dans lesquels ces comptoirs sont installés.
La SGM gère plusieurs magasins sous cette franchise, mais le groupe Galeries Lafayette conserve la gestion des points où il n’a pas délégué cette tâche. Il a réagi en affirmant : « Les Galeries Lafayette tiennent à exprimer leur profond désaccord avec cette décision de la SGM au regard du positionnement et des pratiques de cette marque d’ultra-fast fashion qui est en contradiction avec leur offre et leurs valeurs. » La société Galerie Lafayette a également annoncé son intention de contester cette décision devant les tribunaux, considérant qu’elle va à l’encontre du contrat qui la lie à la SGM.
Au BHV, d’autres enseignes tirent la sonnette d’alarme. Plusieurs marques anticipent leur départ du magasin en réponse à cette situation.
Des réactions politiques
Une pétition a été lancée par le collectif Une Autre Mode Est Possible, récoltant plus de 80 000 signatures. « C’est une décision choquante, contraire aux engagements de la Ville et à l’avenir que nous voulons pour notre planète et nos enfants », écrit le collectif.
Le monde politique s’empare aussi de cette annonce. Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris, exprime sa « profonde inquiétude » par voie de presse. Certains députés font également entendre leur colère et espèrent accélérer le processus d’adoption de la loi anti-fast fashion, visant à réduire « l’impact environnemental de l’industrie textile. »
Plusieurs associations, dont le collectif Éthique sur l’étiquette, Fashion Revolution France, Les Amis de la terre France, ActionAid France, Max Havelaar France et Zero Waste France, se sont réunies pour rédiger un communiqué. « La tentative de Shein de s’implanter et de se légitimer sur le territoire français ne fait que renforcer la nécessité d‘une loi de régulation ambitieuse pour l’ensemble du secteur. »
Du côté de l’État français, la Caisse des dépôts déclare ne « pas cautionner » ce partenariat. L’Alliance du commerce considère que ce partenariat confère à la marque « une forme de reconnaissance, alors même que son fonctionnement est contraire aux efforts de transformation du secteur. »

