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Serbie : un an après, des milliers se souviennent des 16 victimes de Novi Sad

À Bruxelles, quelque 150 personnes se sont rassemblées ce samedi midi, au Carrefour de l’Europe, pour commémorer l’effondrement de l’auvent en béton de la gare, survenu un an plus tôt à 11h52. Depuis novembre 2024, les manifestations se multiplient à travers la Serbie, certaines rassemblant des centaines de milliers de personnes réclamant une enquête transparente.

Manifestation aussi à Bruxelles

À Bruxelles, environ 150 personnes se sont réunies ce samedi midi, sous une pluie fine, au Carrefour de l’Europe, face à la gare Centrale.

À 11h52 précises, moment où l’auvent en béton de la gare rénovée s’est effondré un an plus tôt, les participants ont respecté seize minutes de silence. Certains affichant les noms des victimes, d’autres portant des mains rouges symbolisant, selon eux, « le sang sur les mains des dirigeants« . Des roses blanches, symboles d’innocence et de pureté, ont également été levées pendant le recueillement.

L’événement, organisé par l’initiative citoyenne Palac Gore (« Pouce en l’air« ), faisait partie d’une série de commémorations planifiées par la diaspora serbe à travers le monde, notamment en Europe, en Amérique du Nord, et en Australie.

Une tragédie aux lourdes conséquences humaines

Le drame a eu lieu dans une gare des années soixante qui avait rouvert en juillet 2024 après trois ans de travaux de rénovation partielle. Paradoxalement, le toit extérieur qui s’est effondré n’était pas inclus dans les rénovations, d’après la société des chemins de fer de Serbie.

Plus de 80 sauveteurs ont été déployés sur place, avec des ambulances, des camions de pompiers et des pelleteuses pour secourir les victimes. Le bilan initial de huit décès a rapidement augmenté pour atteindre 14 personnes, dont deux enfants. Deux blessés décéderont par la suite, portant le nombre total de morts à 16.

Une mobilisation citoyenne historique

Cette tragédie a provoqué une onde d’indignation.

Dès le 6 novembre 2024, des milliers de manifestants se sont réunis à Novi Sad pour exprimer leur colère envers le gouvernement. Les slogans « Vous êtes coupables ! », « Prison, prison ! » et « Arrêtez les criminels ! » ont retenti dans les rues, témoignant de l’indignation populaire à la suite de cette tragédie.

Depuis novembre 2024, les manifestations se sont multipliées à travers la Serbie, rassemblant parfois des centaines de milliers de personnes exigeant une enquête transparente, le respect de l’État de droit et des élections anticipées.

La répression contre le mouvement s’est exacerbée, poussant la semaine dernière le Parlement européen à adopter une résolution qui « soutient le droit des étudiants et citoyens serbes à manifester pacifiquement » et « condamne fermement la répression d’État« .

Ce mouvement est devenu, pour les opposants au président de droite nationaliste Aleksandar Vucic, le symbole de la corruption qui, selon eux, gangrène les nombreux chantiers de travaux publics à travers le pays.

Des révélations sur un scandale de corruption

Neuf mois après la tragédie, le 1er août 2025, onze personnes ont été arrêtées pour corruption, y compris l’ancien ministre de la Construction, des Transports et des Infrastructures, Tomislav Momirovic. Ces arrestations font suite à la démission du ministre de la Construction Goran Vesic le 4 novembre 2024, qui avait cité une « responsabilité morale ».

Une des enquêtes a révélé l’implication d’un consortium international comptant deux entreprises chinoises (China Railway International et China Communications Construction), l’entreprise française Egis et la société hongroise Utiber. D’après le procureur, « l’entreprise CRI-CCC a obtenu un gain financier illégal de 18,7 millions de dollars », entraînant un préjudice de 115,5 millions de dollars au budget serbe.

Finalement, trois enquêtes ont été ouvertes :

  • une sur l’accident,
  • une autre menée par le parquet spécialisé dans la lutte contre le crime organisé et la corruption, concernant des soupçons de corruption à hauteur de millions d’euros dans la rénovation,
  • et une menée par le bureau du procureur public européen (EPPO) portant sur un éventuel détournement de fonds européens lors de la reconstruction.

Dans la première enquête, le parquet a demandé mi-septembre un procès pour 13 personnes, y compris deux anciens ministres, mais cela ne satisfait pas les manifestants.

Un pays en quête de justice

Samedi matin, la commissaire européenne à l’élargissement, Marta Kos, a déclaré sur X que la tragédie de Novi Sad est « en train de changer la Serbie« .

Vendredi, après avoir accusé pendant des mois les étudiants de vouloir le renverser et d’être payés pour manifester, le président a reconnu avoir « tenu des propos [qu’il] regrette« . « Je m’en excuse« , a ajouté Aleksandar Vucic, tout en appelant au dialogue, sans mentionner les élections anticipées demandées par les manifestants depuis plusieurs mois.

Le président serbe a promis que « les responsables seront punis », tandis que le Premier ministre Milos Vucevic a promis de mener une enquête approfondie. La Serbie a déclaré une journée de deuil national le 2 novembre 2024, et l’enquête a débuté avec l’interrogation d’une vingtaine de personnes issues des ministères et de la compagnie ferroviaire publique.

Cette tragédie soulève toujours des questions profondes sur la gestion des infrastructures publiques et la corruption dans le pays, transformant un drame local en un symbole national de la lutte pour la transparence et l’État de droit.

Serbie : Des dizaines de milliers de manifestants dans les rues

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