Belgique

Retour des objecteurs de conscience en Europe : refus du service militaire

Le gouvernement allemand a ouvert le 27 août 2025 la voie à la réintroduction du service militaire, avec un objectif d’atteindre 260.000 soldats dans la Bundeswehr, qui compte actuellement 185.000 hommes. En Allemagne, entre 2012 et 2021, 2500 dossiers d’objection de conscience ont été déposés, contre 5600 demandes depuis l’invasion de l’Ukraine.


En Allemagne, le gouvernement a officiellement ouvert la voie à la réintroduction du service militaire le 27 août 2025. Actuellement, la Bundeswehr compte 185 000 soldats, et Berlin souhaite porter ce nombre à 260 000. Ce projet représente un défi pour l’armée allemande, qui recherche principalement des techniciens, faisant face à une concurrence directe avec le secteur industriel.

La réintroduction du service militaire obligatoire doit encore être approuvée par le Parlement allemand. Cependant, de plus en plus de jeunes de nos voisins commencent à faire valoir leur droit à l’objection de conscience, leur permettant d’échapper au service militaire.

Dans un contexte de renforcement des services militaires en Europe, nous avons voulu explorer la notion de l’objection de conscience, ainsi que son origine et sa pertinence en Belgique, qui prévoit un service militaire volontaire à partir de janvier 2026.

### En Allemagne, le droit à l’objection de conscience est un droit fondamental

L’objection de conscience fait référence à la possibilité de refuser un service militaire obligatoire ou d’être intégré dans l’armée pour des raisons de conviction personnelle. En Allemagne, ce droit est fondamental et inscrit dans la Constitution, affirmant que « nul ne peut être appelé sous les drapeaux contre sa conscience ».

Ce recours à l’objection de conscience est pertinent uniquement en cas de service militaire obligatoire. Face à la menace russe et à la perspective d’un retour à un service militaire, de plus en plus de jeunes Allemands entreprennent les démarches pour devenir objecteurs de conscience. Entre 2012 et 2021, 2 500 demandes ont été soumises à l’échelle nationale, tandis que depuis l’invasion de l’Ukraine, 5 600 demandes ont été déposées, marquant ainsi un doublement en trois ans.

#### Jean Van Lierde, pionnier des objecteurs de conscience en Belgique

Jean Van Lierde a purgé dix-huit mois de prison et six mois de travail dans les mines du Bois du Casier à Marcinelle pour avoir refusé de rejoindre l’armée. Son expérience de « l’enfer de la mine » avant la célèbre catastrophe minière de Marcinelle fait de lui l’un des premiers objecteurs de conscience en Belgique.

La question de l’objection de conscience en Belgique remonte à bien avant cet incident. Dès l’entre-deux-guerres, des individus comme Bert Fermond, Marcel Dieu et Léo Campion ont refusé de servir dans l’armée. Ces derniers ont été jugés par un Conseil de Guerre et, défendus en 1933 par l’avocat Paul Henri Spaak, ont contribué à l’adoption de la loi de 1964 signée par le Roi Baudouin.

### « Le Déserteur » de Boris Vian, hymne pacifiste

Le débat en France est tout aussi animé. La chanson « Le Déserteur » de Boris Vian est devenue l’hymne des jeunes soldats envoyés en Algérie qui refusaient de combattre. À sa sortie, cette chanson a choqué et a été censurée. En 1954, le refus d’aller à la guerre ainsi que la question de la désertion étaient des sujets sensibles.

La guerre d’Indochine était une guerre coloniale menée avec une armée française professionnelle, tandis que le conflit algérien a vu l’engagement de volontaires ainsi que de jeunes conscrits. Moins de dix ans plus tard, en 1963, la France adoptait une loi reconnaissant les objecteurs de conscience.

Après mai 68, les objecteurs de conscience ont commencé à être davantage acceptés par la société. Une reconnaissance progressive de leur utilité sociale s’est installée, leur permettant d’apporter une contribution à divers secteurs tels que les hôpitaux et les institutions éducatives. La loi déployait la possibilité de refuser le service militaire pour accomplir un service civil diversifié, notamment dans le secteur de la santé ou à travers des engagements associatifs, avec une durée de service civil plus longue que le service militaire.

### En Allemagne, le succès des objecteurs de conscience est lié à l’existence d’un service civil obligatoire

En Allemagne, il existe un service civil obligatoire depuis 2001 qui offre une alternative au service militaire. Ce processus a été couronné de succès, avec environ trois quarts des jeunes Allemands choisissant initialement le service civil.

Dix ans plus tard, en 2011, le service militaire a été aboli, emportant avec lui le service civil. Cependant, cet héritage contribue à comprendre la longue tradition des objecteurs de conscience en Allemagne.

### Qu’en est-il chez nous ?

La Belgique a choisi un chemin différent de l’Allemagne, qui a appliqué un service civil obligatoire pendant plusieurs années. François Ronveaux souligne que « nous avons perdu 30 ans par rapport à beaucoup de pays », un « gâchis » qui continue car la loi relative au service citoyen n’est toujours pas mise en œuvre. Bien que le service militaire prévu soit volontaire, il est vital de concrétiser le service citoyen.

La tension actuelle autour du service citoyen est palpable, en particulier du côté de la N-VA, qui a déposé un recours en annulation de la loi auprès de la Cour constitutionnelle. La décision est attendue pour le 23 octobre prochain.