Réforme hospitalière : 39 hôpitaux devraient se transformer selon des experts.
Le rapport intitulé « Changer pour préserver » a été remis à la Conférence interministérielle Santé publique par un groupe d’experts indépendants constitué en mars 2023, qui a formulé des recommandations pour réformer le paysage hospitalier belge. Selon les experts, 67 des 132 sites hospitaliers actuels répondent déjà aux normes requises, tandis que 39 sites ne les atteignent pas et doivent se transformer d’ici 2029.
« Changer pour préserver », c’est le sous-titre donné par les experts au rapport récemment remis à la Conférence interministérielle Santé publique. Ce groupe d’experts indépendants a été constitué en mars dernier avec pour mission de formuler des recommandations en vue de réformer le paysage hospitalier belge. Ils ont examiné l’organisation actuelle des hôpitaux généraux du pays ainsi que la structuration de l’offre de soins, afin de proposer des pistes pour l’avenir.
Cette réflexion sur l’avenir des hôpitaux en Belgique s’inscrit dans la continuité de projets antérieurs. En 2022, le ministre de la Santé de l’époque, Franck Vandenbroucke, avait déjà initié une réforme de grande envergure pour le secteur hospitalier, axée sur la rationalisation et la coopération accrue entre les établissements.
Dans le rapport soumis à la Conférence interministérielle Santé publique, les experts mettent en lumière, d’une part, le haut niveau de satisfaction des patients vis-à-vis des hôpitaux belges, mais d’autre part, ils soulignent une fragmentation significative du secteur. Selon eux, le pays compterait un nombre excessif d’hôpitaux continuant à offrir une gamme complète de soins alors que ces derniers deviennent de plus en plus complexes et spécialisés. Cela empêche une utilisation efficace du personnel et des ressources disponibles. Les réformes proposées sont décrites comme nécessaires pour « préserver l’accessibilité, la qualité et la soutenabilité financière » de notre système de santé et assurer sa pérennité.
Les experts proposent de classer les sites hospitaliers en quatre catégories. La première catégorie est celle des hôpitaux généraux régionaux (HGR), qui offrent des services complets. Ces hôpitaux doivent pouvoir gérer à la fois les soins programmés et non programmés pour les pathologies courantes, disposer de services médicaux complets et d’un service d’urgences opérationnel 24h/24 et 7j/7.
La deuxième catégorie est celle des Centres hospitaliers universitaires (CHU), qui fournissent également l’ensemble des services médicaux, tout en ayant une mission d’enseignement, de recherche et d’innovation, avec une expertise dans des domaines complexes tels que les maladies rares.
Le troisième niveau regroupe les Centres médicaux locaux (CML), qui fournissent des soins ambulatoires spécialisés, tels que la chirurgie de jour, les consultations ainsi que des services de dialyse ou de réhabilitation ambulatoire, en veillant à être proches des patients.
Enfin, la quatrième catégorie est celle des Hôpitaux de soins intermédiaires (HSI), qui s’adressent aux patients nécessitant une aide pour retrouver ou renforcer leur autonomie après une hospitalisation.
Les experts estiment que les normes devraient être révisées pour qu’un hôpital général régional puisse perdurer. Ils préconisent que trois critères cumulés soient respectés d’ici 2031 : disposer d’au moins 180 lits aigus justifiés en 2031, avec un minimum de 150 lits en 2026 ; avoir au moins 240 lits au total ; et réaliser au moins 600 accouchements par an s’ils possèdent une maternité. Ces seuils seraient essentiels pour garantir l’efficacité des hôpitaux.
Actuellement, parmi les 132 sites hospitaliers, 67 remplissent déjà les critères d’évaluation, tandis que 26 doivent encore progresser pour atteindre ces normes d’ici 2031. En revanche, 39 sites n’atteignent pas les seuils minimaux, ce qui impossibiliterait leur maintien sans transformation d’ici 2029.
Les établissements n’atteignant pas les critères minimaux, comme les 150 lits d’urgence d’ici 2026, devront réduire leurs activités dès cette date, sauf s’ils fusionnent et mettent en œuvre un plan de rationalisation. Certains hôpitaux généraux pourraient également cesser d’offrir certains services médicaux et se reconvertir en Centres médicaux locaux.
Le rapport des experts propose par ailleurs une réorganisation de l’aide médicale urgente. Actuellement, en cas d’urgence, les patients peuvent composer deux numéros différents : le 112, réservé aux urgences, et le 1733, destiné aux postes de garde en médecine générale, ce dernier étant reconnu comme trop peu connu du public. Les experts notent que « ces postes de garde ne jouent actuellement aucun rôle dans un système d’aide médicale d’urgence accessible 24h/24, 7j/7 ».
Il est donc proposé de créer une structure d’appel intégrée collaborant entre ces deux numéros. Ils suggèrent également que les services d’urgence se concentrent uniquement dans les hôpitaux généraux régionaux et les centres hospitaliers universitaires, en raison de la dispersion des ressources humaines et matérielles causée par le grand nombre de services d’urgence. Les experts se basent sur un rapport du KCE de 2016.
Ils recommandent aussi de renforcer les postes de garde en médecine générale afin de réduire le « recours inapproprié aux services d’urgence ». Ces postes de garde pourraient être intégrés sur les sites des hôpitaux généraux et des hôpitaux universitaires, ainsi que dans les centres médicaux locaux, surtout si la distance est trop grande pour atteindre un hôpital.
Cette transition serait envisagée sur une période de dix ans, avec une évaluation intermédiaire après cinq ans. Les experts préconisent également la création d’un fonds de transition pour soutenir financièrement ces transformations et faciliter le soutien au personnel soignant durant cette phase.
Concernant les suites de ce rapport, la Conférence interministérielle Santé publique qui l’a reçu qualifie le travail des experts d' »ambitieux et concret ». Elle juge que la réforme proposée du paysage hospitalier en quatre niveaux est « intéressante » et représente « un défi ».
Les ministres de la Santé soulignent qu’il est nécessaire de mieux programmer sur le territoire et de mieux répartir l’offre tout en évitant des concurrences stériles. Ils insistent sur la nécessité d’accompagner cette réforme avec des mesures appropriées, en veillant à respecter des principes fondamentalement importants tels que l’accessibilité géographique et le financement des hôpitaux en fonction de la redistribution des volumes d’activité.
Il est essentiel que la réforme du financement et celle du paysage hospitalier se déroulent simultanément. Du côté des entités fédérées, une demande est formulée pour que le niveau fédéral fournisse une vision claire permettrant de planifier la réorganisation du territoire pour les quinze prochaines années au minimum.
Le rapport des experts sera également soumis aux organes d’avis des différents niveaux de pouvoir. Au niveau fédéral, les fédérations d’hôpitaux, les partenaires sociaux du personnel de soins, ainsi que les médecins généralistes et urgentistes seront consultés. En Région wallonne, l’Aviq sera consultée, tandis que la Fédération Wallonie-Bruxelles interrogera le Conseil des Hôpitaux universitaires. Les avis porteront sur la période de transition nécessaire et sur les critères à établir pour les quatre types d’hôpitaux, ainsi que sur l’adéquation avec les besoins de soins de la population et les mesures d’accompagnement requises compte tenu du contexte budgétaire et du manque de personnel.
Les retours sont attendus pour fin avril 2026. L’objectif est d’établir les grandes lignes politiques d’ici fin juin 2026.

