Redécouvrir le folklore bruxellois : géants, serments et traditions populaires
La Fête des Folklores, connue sous le nom de Folklorissimo, se déroule entre la Grand-Place et la statue du Manneken-Pis, et inclut des danses traditionnelles, une chorale participative et une initiation au tir à l’arbalète le samedi. L’Ordre des Amis de Manneken-Pis, fondé en 1954, joue un rôle essentiel dans la gestion des costumes du Manneken-Pis, qui doit respecter des critères stricts, et le processus de création d’un nouveau costume prend environ six mois.
La Fête des Folklores, appelée Folklorissimo, invite le public à découvrir le patrimoine bruxellois et international, entre la Grand-Place et la statue du Manneken-Pis. Au programme : danses traditionnelles, fanfares, défilé de géants, chorale participative, orgue de barbarie, course folklorique, ainsi qu’une initiation au tir à l’arbalète le samedi.
Les visiteurs auront également l’occasion de déguster des boissons et des spécialités culinaires. Cette édition met en lumière la diversité des folklores de la capitale, avec la participation de 22 confréries bruxelloises et divers projets artistiques, tels que Bastard.e.s Van Bruxelles ( issus de la Zinneke Parade) ou Kin Act, un projet belgo-congolais qui réinvente les costumes grâce à l’upcycling.
Une richesse et une diversité souvent méconnues
Bien que profondément ancré dans l’ADN de Bruxelles, le folklore demeure souvent méconnu. Marc Boutsen, responsable du folklore à la Ville de Bruxelles, déclare : « Le folklore bruxellois, c’est connu et pas connu en même temps. Certains pensent que c’est juste pour les touristes, mais ce n’est pas vrai. On le fait pour les gens de tous âges qui se rencontrent sur un thème : ça rassemble beaucoup plus de monde qu’on pense, et aussi plus d’âges qu’on imagine. »
Il se réjouit d’attirer un public plus large qu’auparavant : « Le folklore se rajeunit lentement, mais il se rajeunit… Il y a pas mal de nouvelles initiatives, notamment avec la Zinneke Parade qui sera présente cette année. Toutes ces nouvelles initiatives deviennent aussi une part de notre folklore. »
Un tour du folklore bruxellois s’impose, bien que non exhaustif, mais intéressant à plusieurs égards, alors dites oui ! Ou non peut-être.
Les incontournables
Au-delà des figures emblématiques comme le Théâtre Royal de Toone, reconnu en avril 2024 par le label du patrimoine européen, ou l’Ordre des Amis de Manneken-Pis, fondé en 1954 pour défendre la célèbre statuette, d’autres traditions enrichissent ce patrimoine vivant.
L’Ordre des Amis joue un rôle crucial dans la gestion des costumes du Manneken-Pis, soumis à des critères stricts (exclusion de toute connotation commerciale, religieuse ou politique), ce qui nécessite environ six mois pour créer un nouveau costume.
Un autre pilier du folklore bruxellois est le Meyboom, une tradition qui date de 1308, célébrant une victoire historique contre les Louvanistes par la plantation d’un arbre symbole de vie, nécessairement planté avant 17 heures pour que la victoire soit attribuée aux Bruxellois. Cette tradition trouve ses origines dans des coutumes rurales anciennes.
Une autre grande manifestation est l’Ommegang, un défilé mêlant sacré et profane, créé en 1348 pour commémorer l’arrivée d’une statue miraculeuse, « Notre-Dame à la branche », à Bruxelles. Ce cortège, porté par des arbalétriers, a mené à la construction de l’église Notre-Dame des Victoires au Sablon, érigée au XVe siècle.
La culture des géants : figures majestueuses et vivantes
Bruxelles possède une culture riche en géants, avec plus de 100 figures monumentales présentes dans de nombreuses processions, certaines datant de la Renaissance. Les géants, notamment ceux de l’Ommegang et du Meyboom, sont des trésors du patrimoine immatériel bruxellois.
Chaque géant, pesant environ 30 kilos, est habillé de costumes traditionnels et forme une « famille » avec des personnages comme Bompa et Boma (les grands-parents), Mieke et Jan (les parents) et les enfants Rooske et Jefke.
D’autres géants accompagnent diverses communes et événements, comme ceux d’Anderlecht ou Woltje, la marionnette géante du Théâtre Royal de Toone, reconnue comme un géant depuis 1979.
Marc Boutsen souligne : « Le folklore local ne se limite pas à la reproduction rituelle du passé : il s’ouvre aux influences et aux évolutions modernes. Les 22 confréries de la ville et les invités, les fanfares et collectifs d’artistes mettent en avant l’esprit communautaire et la zwanze, cet humour typiquement bruxellois. La fête devient alors un espace de transmission où chacun peut s’initier au tir à l’arbalète, manipuler le métier à tisser ou déguster des spécialités culinaires dans la pure tradition locale. C’est le reflet d’une ville qui évolue, où les gens se rassemblent pour célébrer leur quartier, leur ville… C’est ça, le cœur du folklore. »
Des groupes comme piliers de la vie folklorique
Les groupes folkloriques jouent un rôle majeur dans le cortège traditionnel du Meyboom, une des plus anciennes fêtes populaires bruxelloises, célébrée chaque 9 août.
Les Bûûmdroegers, vêtus de t-shirts rouges, sont responsables de l’arbre. Dès l’aube, ils coupent le hêtre dans la forêt de Soignes et parcourent plusieurs communes avant d’acheminer l’arbre vers la Grand-Place. Le moment clé reste la plantation officielle sous les encouragements de la foule, juste avant 17 heures, l’heure limite à ne pas dépasser pour préserver la tradition.
Les Poepedroegers, en blanc, dansent avec leurs géants durant le défilé, participant à diverses festivités folkloriques en Belgique et à l’étranger. Leur engagement a permis à la tradition des géants de Bruxelles d’être reconnue patrimoine immatériel par l’UNESCO en 2005.
Les Gardevils assurent la protection de l’arbre du Meyboom et animent l’élection de Madame Chapeau, où les participants prennent part à un concours de dégustation de gueuze et à un quiz sur la culture bruxelloise, dans un esprit mêlant humour, tradition et fierté locale.
Mentionnons également Woltje, un cercle étudiant fondé en 2006 qui célèbre le folklore et le dialecte bruxellois à travers des chants traditionnels, ou Les Mignonnettes, groupe de majorettes actif depuis 1976 dans le quartier Bruegel-Marolles, perpétuant une tradition rare à Bruxelles. Les Volontaires de Bruxelles 1830, vêtus de tenues historiques de la révolution belge, participent aux marches civiques et patriotiques. Enfin, l’Œuvre royale des berceaux Princesse Paola, fondée en 1876, est la plus ancienne œuvre caritative de Belgique, levant des fonds pour aider les enfants défavorisés, mêlant fête et solidarité.
Les serments héritiers des anciennes guildes militaires
Les Serments de Bruxelles sont les descendants d’anciennes guildes militaires qui, depuis le XIVe siècle pour certaines, protégeaient la ville et perpétuent aujourd’hui les rites liés au maniement d’armes anciennes, comme l’arbalète, l’escrime et le tir à l’arc.
Sous l’Ancien Régime, cinq Serments coexistaient : les Arquebusiers de Saint-Christophe (1477), le Serment Royal des Saints Michel et Gudule (1480), le Grand Serment Royal des Archers de Saint-Sébastien (1381), le Grand Serment Royal et de Saint-Georges des Arbalétriers de Bruxelles (1381) et l’Ancien Grand Serment Royal et Noble des Arbalétriers de Notre-Dame du Sablon (1213).
Ces guildes militaires étaient essentielles pour la sécurité de la ville, soutenues par les autorités civiles et royales. Leur organisation a des liens avec les traditions militaire, religieuse et civile, marquée par des serments de fidélité et des compétitions de tir. Elles valorisent l’histoire et le folklore bruxellois, rassemblant aujourd’hui des passionnés autour de pratiques anciennes, concours et événements.
Chaque Serment a son propre patron et son histoire, certains prenant leurs racines au Moyen Âge, avec des liens forts à des lieux emblématiques de Bruxelles. Par exemple, l’Ancien Grand Serment des Arbalétriers du Sablon, la plus ancienne société de la ville fondée en 1213, organise chaque année un concours de tir à l’Ascension, dont le vainqueur est couronné Roy de tir, tandis que le Grand Serment Royal des Archers de Saint-Sébastien, qui renaît au XIXe siècle, reste un acteur historique du tir à l’arc.
Les Serments continuent de transmettre leur patrimoine culturel par des rituels, compétitions et cérémonies qui rythment la vie folklorique bruxelloise.
Les confréries en réponse à un recul des échanges traditionnels
Les confréries sont des associations d’individus liées par un intérêt commun, apparues dès le XIIIe siècle. Elles se sont développées au début des années 1970 face à un recul des échanges traditionnels causé par l’essor de la télévision et l’individualisme croissant. Ces groupes partagent des intérêts comme la philanthropie ou la préservation des traditions culturelles.
À Bruxelles, plusieurs confréries jouent un rôle clé dans la valorisation du patrimoine local. Par exemple, les Compagnons de Saint-Laurent, présents depuis 1311, ont le privilège de planter chaque 9 août le célèbre arbre de joie, le Meyboom. La Confrérie des Chevaliers de Saint-Michel, fondée au XVe siècle, promeut le folklore, l’histoire et les valeurs morales et sociales bruxelloises.
D’autres, comme celle des Compagnons du Witloof d’Evere, fondée en 1975, œuvrent à faire connaître un produit régional emblématique, le chicon de Bruxelles, inscrit depuis 2021 au patrimoine culturel immatériel de la région. Enfin, la Confrérie Eggevoort, créée en 1994, valorise l’histoire et la gastronomie d’Etterbeek, en mettant l’accent sur les poissons d’eau douce.
Ces confréries festives et solidaires contribuent à la préservation des traditions bruxelloises et à encourager la vie communautaire dans la capitale.
Les ordres pour défendre et promouvoir le folklore local
Les ordres de Bruxelles sont des groupes d’amis réunis pour défendre et promouvoir le folklore local par le biais de symboles vivants et de traditions. L’Ordre des Amis de Manneken-Pis, fondé en octobre 1954, s’engage à préserver la célèbre statue et la tradition d’habiller Manneken-Pis. Toute demande de nouveau costume doit être validée par cet ordre après un processus de six mois, les costumes à connotation commerciale, publicitaire, religieuse ou philosophique étant interdits.
Créé plus récemment, en avril 2009, l’Orde van de Brusselse Moestasje regroupe des membres qui portent fièrement la moustache (« moestasje » en Bruxellois) pour défendre le folklore et la langue locale avec humour, en organisant chaque année l’élection de la plus belle moustache de Bruxelles, un événement festif devenu traditionnel au pied de Manneken-Pis.
D’autres ordres gastronomiques mettent en avant les produits typiques bruxellois, tel que l’Ordre du Faro, établi en 1980 pour promouvoir les bières artisanales de la vallée de la Senne, ou l’Ordre des Kuulkappers, qui célèbre l’histoire des cultivateurs et torréfacteurs de café et chicorée à Saint-Gilles. L’Ordre de Gambrinus se consacre à défendre les bières brassées à Bruxelles et met également en lumière une spécialité culinaire locale, les boudins à la bière.
Enfin, découvrir le folklore bruxellois, c’est s’immerger dans une ville qui, tout en honorant ses racines anciennes, sait aussi accueillir l’évolution des traditions, offrant ainsi une fête collective où passé et présent se mélangent harmonieusement.
Folklorissimo est le rendez-vous annuel, se tenant les 20 et 21 septembre 2025, réunissant à la Grand-Place de Bruxelles plus de vingt confréries et associations bruxelloises autour d’animations participatives, de spectacles musicaux et de traditions ancestrales.

