Belgique

Qui rédigera le CE1D de français ? Les auteurs crient à la censure

”Il y a un passif”

Les propositions seront évaluées par des points (sur 50 pour le prix, au moins cher au mieux, “alors qu’une grille tarifaire existe pour ce genre de service”, répliquent les auteurs ; sur 20 pour la rapidité d’exécution, au plus rapide au mieux ; et sur 30 pour le respect de plusieurs éléments imposés). Passons sur la longueur du texte et l’obligation de s’adapter à un public de 14 ans. Logiques. Et ensuite ? “Le texte devra éviter une série de sujets trop sensibles qui risqueraient de heurter les élèves concernés”, lit-on dans l’appel. Et de citer, pour exemples, “harcèlement scolaire, convictions religieuses ou politiques, sexualité, conflits géopolitiques, mémoire collective, etc.” Effarant, selon les signataires de l’opinion qui crient à “la censure” ! Ils demandent à l’administration de “réviser ces paramètres algorithmiques”. Aucun souci, par contre, avec la demande que le texte “reste conciliable avec les valeurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles (équité, égalité de genre, inclusion, …).”

L’administrateur général de l’Administration générale de l’enseignement, Quentin David, répond. “Je comprends la réaction des auteurs et qu’ils puissent être choqués.” Il rappelle l’origine de ce projet. “D’habitude, nous utilisons des textes existants mais nous avons voulu élargir et impliquer nos auteurs francophones.” Le responsable regrette “bien sûr” que l’Administration soit contrainte d’exclure certains thèmes. “On devrait pouvoir parler de tout car tout est dans la manière, reconnaît-il. Seulement il y a un passif…”

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Excès de prudence

Quentin David revient sur les réactions négatives suscitées par l’épreuve ces dernières années. “Une année, un petit chat mourait dans un texte : ça a suscité une flambée de commentaires sur les réseaux et dans les médias. Une autre fois, il était question d’une bouteille en plastique : cela a suscité un tollé chez les défenseurs de l’environnement.” L’Administration a procédé par excès de prudence. “Peut-être”, estime-t-il, en rejetant toutefois l’accusation de censure. Il ajoute : “Nous sommes d’autant plus attentifs aux textes utilisés aux épreuves que l’enseignant n’est pas là pour expliquer, nuancer, comme il le ferait en classe”.

Concernant la brièveté des délais, l’administrateur général ajoute encore que l’appel du 27 février était une relance d’un premier appel lancé précédemment. En outre, à propos des tarifs, il précise que, “dans un marché public, les propositions les plus intéressantes sont toujours privilégiées”.

”On se remet systématiquement en question, ce sera le cas cette fois-ci aussi”, assure-t-il encore en regrettant toutefois de n’avoir pas été contacté par les signataires de l’opinion. “J’aimerais leur expliquer notre point de vue, nous allons les inviter à venir parler.”

Septante-cinq auteurs et autrices répliquent à un appel d’offres effarant de la Fédération Wallonie-Bruxelles

”Faisons confiance à nos élèves”

À noter que le texte des auteurs a aussi fait réagir l’association des professeurs de français. “Nous concédons qu’une évaluation n’est pas un moment opportun pour mettre un élève face à un sujet qui pourrait le choquer, déclare Xavier Dessaucy, son président. Nous savons aussi, par notre pratique quotidienne en classe, que certains sujets comme l’inceste ou le viol peuvent parfois faire écho aux traumatismes vécus par des élèves. Cependant, cela ne signifie pas que les enseignants choisissent de faire évoluer les élèves, en ce qui concerne les choix de textes, dans une bulle aseptisée.” En résumé, “plutôt que de générer une littérature sous contraintes, faisons confiance à l’intelligence et à l’esprit critique de nos élèves, à leur capacité à différencier fiction et réalité, bref, à tout ce que l’enseignement du français leur apporte.”