Belgique

QR : Pourquoi le nombre de numéros INAMI ne s’est-il pas augmenté ?

Le nombre de numéros INAMI a légèrement diminué ces 3 dernières années, passant de 607 en 2023 à 586 en 2024 et 585 en 2025. Au 31 décembre 2021, 27.581 médecins étaient autorisés à exercer dans la Communauté française, contre 15.809 qui exerçaient réellement.


Natacha, résidente d’Ixelles, nous interpelle avec la question suivante : « Pourquoi le nombre de numéros INAMI n’a pas augmenté, alors que j’ai l’impression que le temps d’attente chez les spécialistes ne fait lui qu’augmenter et qu’il y a aussi de nombreux médecins qui n’acceptent pas de nouveaux patients ? »

Il est vrai qu’en rétrospective, le nombre de numéros INAMI, et par conséquent le nombre de médecins habilités à exercer, n’a pas connu d’augmentation. Au contraire, il a diminué légèrement ces trois dernières années.

Concernant la partie francophone du pays, examinons le nombre de « sésames » délivrés pour pratiquer la médecine en Belgique :
– En 2023 : 607
– En 2024 : 586
– En 2025 : 585

Si l’on remonte encore un peu plus loin, il apparaît qu’au cours des deux dernières décennies, le quota légal de médecins pour la Communauté française (et pour la Belgique en général) avait précédemment suivi une tendance à la hausse, avec un doublement du quota en 2018 (984), résultant de l’entrée sur le marché d’une double cohorte d’étudiants, en raison de la réduction de la durée de formation de 7 à 6 ans en 2012.

Pour les années à venir, il est attendu que le nombre de numéros INAMI soit effectivement revu à la hausse. Voici les prévisions concernant l’attribution de numéros INAMI :
– En 2027 : 612
– En 2028 : 744
– En 2029 : 929
– En 2030 : 929
– En 2031 : 950

Cependant, il est à noter que le temps nécessaire à ces médecins pour terminer leurs études sera de 8 à 10 ans, selon qu’ils choisissent la voie de la médecine générale ou spécialisée.

Bien entendu, tous les détenteurs de numéros INAMI en Belgique ne pratiquent pas nécessairement. Les données les plus récentes (de 2017 à 2021) révèlent que, le 31 décembre 2021, il y avait un écart entre les 63.004 médecins autorisés à exercer et les 35.061 qui étaient activement engagés dans les soins de santé. Pour la Communauté française, 27.581 médecins étaient habilités à exercer à cette date, contre 15.809 qui exerçaient effectivement (qu’ils soient diplômés en Belgique ou hors de l’Union européenne).

Cet écart est néanmoins pris en compte par ceux qui évaluent et anticipent les besoins médicaux dans notre pays. La Commission de planification de l’offre médicale, qui conseille le gouvernement fédéral, base ses recommandations sur le nombre de médecins exerçant réellement, et non sur ceux qui détiennent simplement un numéro. Cette Commission est composée de représentants des universités, des syndicats médicaux, de l’INAMI et des différents niveaux de pouvoir belges concernés (Communautés et le ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique).

Il est pertinent de comprendre les raisons du « contingentement ». Dans les années 80 et 90, le nombre de médecins en Belgique augmentait de manière incontrôlée. Entre 1975 et 2011, le nombre de médecins de moins de 76 ans est passé de 20.000 à près de 50.000, soit une augmentation de 150%. Cependant, la population n’avait crû que de 10% durant la même période, selon une étude de l’UCLouvain.

Cela a surtout concerné les spécialistes, dont le nombre est passé de 7.000 à près de 18.000 en 35 ans. La croissance des généralistes, qui avait été forte jusqu’en 2000, a ensuite stagné avant de légèrement diminuer.

Face à cette croissance, en 1996, le gouvernement belge a décidé de réguler l’offre médicale pour maîtriser les dépenses de santé, en fixant chaque année le nombre de médecins qui seraient agréés par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI). Ainsi naquit le « contingentement » des médecins.

Après une longue bataille institutionnelle, la Fédération Wallonie-Bruxelles a mis en place, d’abord un examen, puis un concours d’entrée pour accéder aux études de médecine. Le concours assure aux lauréats l’attribution d’un numéro INAMI à la sortie des études, ce que ne garantissait pas l’examen.

Malgré les prévisions d’augmentation du nombre de numéros INAMI, il est possible que le terme « pénurie » demeure pertinent. Plusieurs raisons expliquent cette situation.

D’une part, on assiste à une réduction rapide de la part d’équivalents temps plein (ETP) dans la pratique médicale. Il faut donc davantage de médecins « physiques » pour équivaloir à un même nombre de temps pleins. Dans un rapport de l’INAMI, le nombre de médecins généralistes a effectivement augmenté entre 2019 et 2024 (de 14,6 médecins pour 10.000 assurés à 16,1), mais le nombre d’ETP n’a que très légèrement évolué (de 8,4 ETP/10.000 assurés à 8,6). Pour obtenir 0,2 équivalent temps plein, il a fallu 1,5 médecin supplémentaire.

La réduction du taux d’activité des médecins s’explique par divers facteurs, dont le désir des jeunes générations d’acquérir un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle, ainsi qu’une tendance à privilégier les pratiques de groupe, entraînant une concentration dans des zones déjà bien desservies.

De plus, la part de médecins généralistes parmi les diplômés est trop faible, dans un contexte où les besoins en soins augmentent avec le vieillissement de la population. D’ici 2041, on prévoit que le taux de consommation en soins augmentera de 13% pour les personnes de 75 ans et plus.

La pénurie est aussi exacerbée par une inégale répartition des médecins sur le territoire belge, créant ainsi des « déserts médicaux » où l’attente pour obtenir un rendez-vous, en particulier avec un médecin hospitalier conventionné, est conséquente.

L’Agence (wallonne) pour une Vie de Qualité (AVIQ) définit une commune en pénurie sévère si elle compte moins de 50 médecins généralistes pour 100.000 habitants, moins de 90 MG pour 100.000 habitants si la densité de population est basse (moins de 125 habitants par km²), ou moins de 120 médecins généralistes pour 100.000 habitants dans des zones à très faible densité (moins de 75 habitants/km²). Selon ces critères, 120 communes en Belgique souffrent d’une pénurie sévère, dont 62 en Wallonie, avec une situation particulièrement critique en province de Luxembourg et dans la botte du Hainaut.

Dans son rapport sur la performance du système de santé belge (2024), le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a attribué un score négatif concernant les délais d’attente pour les soins : 48% des personnes interrogées ont rapporté des délais supérieurs à 2 semaines pour un rendez-vous chez un spécialiste, et 42% chez un médecin généraliste.

Il est donc fréquent que des généralistes refusent de nouveaux patients. Selon une enquête de l’hebdomadaire Medi-Sphere réalisée en 2022 auprès de 366 médecins, 51% des généralistes bruxellois et 58% de ceux en Wallonie refusent de nouveaux patients.

Toutes ces réalités doivent être intégrées dans la planification de l’offre médicale. Cela représente un véritable casse-tête pour aligner les médecins disponibles avec les besoins futurs, tout en veillant à contrôler les dépenses.

Cet article a été rédigé en réponse à une question posée directement à la rédaction de la RTBF. Vous aussi, faites entendre votre curiosité et posez-nous vos questions via le formulaire ci-dessous. Votre sujet pourrait inspirer notre prochain article « Questions-Réponses ».