Prix Nobel de la paix : Donald Trump ne peut-il pas l’obtenir ?
Le prix Nobel de la paix est attribué chaque année à Oslo par un comité de cinq membres désignés par le Parlement norvégien. La liste des candidats au prix reste confidentielle pendant cinquante ans.
Contrairement aux autres prix Nobel, qui sont attribués en Suède, le prix Nobel de la paix l’est en Norvège. Chaque année, à Oslo, un comité de cinq membres, désignés par le Parlement norvégien, se réunit pour examiner les candidatures. Leur mission est d’identifier celles et ceux qui ont le plus contribué, selon l’esprit d’Alfred Nobel, « à la fraternité entre les nations, à la suppression ou la réduction des armées permanentes, et à la promotion des congrès de la paix ».
### Des candidatures nombreuses, mais secrètes
Tout le monde ne peut pas postuler. Il est nécessaire d’être proposé par une personnalité qualifiée, comme un parlementaire, un professeur d’université ou un ancien lauréat. Cela représente tout de même plusieurs milliers de personnes dans le monde, qui soumettent chaque année plus de 300 candidatures. Toutefois, la grande particularité du prix Nobel de la paix est le secret. La liste des candidats reste confidentielle pendant cinquante ans, rendant impossible de savoir officiellement qui est en lice, même si certains noms, comme celui de Donald Trump, circulent souvent dans les médias.
### Une sélection longue et politique
Le comité norvégien étudie les dossiers pendant plusieurs mois. Au printemps, il réduit la liste, avant de débattre et de voter à l’automne. La décision se prend à la majorité simple, dans une atmosphère à la fois feutrée et éminemment politique. Le verdict est annoncé début octobre et donne lieu à des débats passionnés, tant les choix peuvent être inattendus ou controversés.
François Gemenne, politologue à HEC Paris et chercheur au FNRS à l’Université de Liège, rappelle que « les critères ne sont pas toujours très clairs, ce qui fait qu’il y a eu parfois certains prix Nobel un peu surprenants dans le passé. Barack Obama, par exemple, l’a reçu au tout début de son mandat, alors qu’il n’avait encore rien accompli. »
### Trump, un Nobel de la paix ?
L’ancien président américain espère le prix Nobel de la paix depuis des années. Il a déjà été proposé plusieurs fois, notamment pour son rôle dans les accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes en 2020. Cette année encore, il s’est publiquement déclaré comme candidat, mettant en avant ses efforts récents pour un plan de paix à Gaza.
Cependant, son profil reste hautement controversé. François Gemenne estime que « c’est improbable et en même temps pas impossible. Improbable, car on observe depuis des mois un glissement des États-Unis vers un régime autoritaire, et ses actions intérieures sont en décalage total avec les valeurs d’humanité prônées par le comité Nobel. »
Selon lui, la temporalité est significative : « Donald Trump sait très bien que le Nobel sera désigné vendredi. Laisser quelques jours au Hamas pour approuver son plan de paix, c’est une manière de se positionner dans le calendrier. Son action politique est parfaitement synchronisée avec une récompense qu’il rêve d’obtenir. »
### Un casse-tête pour le comité
L’éventualité d’un Nobel attribué à Trump poserait néanmoins un casse-tête diplomatique. Le comité privilégie souvent des lauréats collectifs – ONG, militants, associations – incarnant un élan humanitaire global. « Si le plan de paix à Gaza devait aboutir, il faudrait sans doute récompenser l’ensemble des négociateurs », poursuit François Gemenne. « Mais cela poserait un problème majeur : il faudrait aussi reconnaître, d’une certaine manière, le rôle du Hamas, considéré comme organisation terroriste. C’est impensable pour le comité. »
Le Nobel de la paix se veut avant tout un symbole. Son objectif est de mettre en lumière des initiatives qui, parfois modestement, incarnent une dynamique constructive.
### Un rêve américain… peu probable
Le prix Nobel de la paix n’est donc pas qu’une récompense : c’est un message. Chaque lauréat est choisi pour ce qu’il représente autant que pour ce qu’il a accompli. Et à ce jeu-là, pour certains, Donald Trump reste un candidat peu crédible. Sa personnalité clivante, ses attaques contre les institutions démocratiques et sa politique étrangère imprévisible pèsent lourd dans la balance.
« Ce n’est pas impossible, mais très improbable », conclut François Gemenne. « S’il venait à jouer un rôle décisif dans la fin du conflit à Gaza, il serait difficile d’ignorer son action. Mais cela ne suffirait pas à effacer le reste. »
Le verdict tombera vendredi à 11 heures, à Oslo. En attendant, la planète politique retient son souffle. Comme chaque année, le prix Nobel de la paix promet son lot de surprises — mais aussi des débats passionnés sur ce que signifie vraiment « œuvrer pour la paix ».

