Belgique

Poutine et Trump à Budapest : défi pour l’Union européenne et la CPI

Lors de leur dernière rencontre en août dernier, les deux dirigeants s’étaient retrouvés en Alaska. Budapest a bien notifié son retrait du Statut de Rome et donc de la CPI, mais celui-ci ne prendra effet qu’en juin 2026.


Lors de leur dernière rencontre en août dernier, les deux dirigeants s’étaient retrouvés en Alaska. Ce déplacement était simple : la Russie bordant les États-Unis, il suffisait de franchir le détroit de Béring pour atteindre le sol américain.

Il est important de rappeler que ce pays n’a jamais ratifié le Statut de Rome et n’est donc pas obligé d’arrêter le président russe, qui fait l’objet depuis mars 2023 d’un mandat de la Cour pénale internationale (CPI) pour le crime de guerre de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens.

Cependant, pour un sommet prévu à Budapest, la situation se complique. Depuis 2022, l’Union européenne a fermé son espace aérien à tous les aéronefs russes.

Cette fermeture ne constitue cependant pas une interdiction totale de voyage. Des dérogations diplomatiques peuvent être accordées au cas par cas, notamment pour des vols officiels ou humanitaires.

« C’est possible, oui, puisqu’ils peuvent le faire », explique Pierre d’Argent, professeur de droit international à l’UCLouvain, « mais je ne sais pas si politiquement ils le feront ». Selon lui, une telle décision serait « difficilement justifiable » et représente « certainement de la part de M. Orbán quelque chose de sa propre initiative ».

### Des routes limitées et risquées

Face à cette situation, comment Poutine pourrait-il rejoindre Budapest ? Plusieurs trajectoires peuvent être théoriquement envisagées.

La première passerait par la Biélorussie, la Pologne et la Slovaquie. Cela semble peu probable : la Pologne est l’un des alliés les plus fermes de l’Ukraine et ne ferait sûrement aucune exception.

La deuxième option consisterait à longer la mer Noire avant de survoler la Roumanie, mais cette possibilité paraît également improbable.

Reste une troisième option, la plus plausible : passer par le sud, via la Turquie, puis les Balkans occidentaux (Serbie, Monténégro) avant d’entrer en Hongrie. Ni la Turquie ni la Serbie ne sont membres de la CPI, et les deux pays entretiennent des liens politiques et économiques étroits avec Moscou.

Toutefois, tout cela reste encore du domaine de la spéculation : « J’imagine simplement qu’il tentera d’éviter l’espace aérien de pays liés par le statut de la Cour pénale internationale », précise le professeur.

En ce qui concerne le mandat d’arrêt, bien que Budapest ait notifié son retrait du Statut de Rome et donc de la CPI, son effet ne prendra pas place avant juin 2026. « La Hongrie s’est retirée du statut, mais il y a un délai d’un an », rappelle le juriste. Le pays est donc toujours tenu d’arrêter Poutine s’il atterrit sur son territoire.

En pratique, cela est peu probable : « Il est très invraisemblable que cela se produise puisque le gouvernement de M. Orbán n’autorisera pas ses juges ni ses policiers à intercepter M. Poutine ».

Cette situation n’est pas sans précédent : d’autres États membres de la CPI, comme l’Afrique du Sud, ont déjà refusé d’exécuter un mandat d’arrêt, souligne Pierre d’Argent.

### Un sommet à haut risque politique

Pour Bruxelles, cette rencontre pourrait être perçue comme un nouveau signe de fracture interne. « C’est clairement une forme de cavalier seul de la part de la Hongrie », observe Pierre d’Argent. Les États baltes et la Pologne, très proches de l’Ukraine, pourraient voir d’un mauvais œil cette main tendue de Budapest à Moscou.

Officiellement, Orbán présente l’initiative comme une médiation soutenue par Washington. Pourtant, si la visite se concrétise, elle marquera le premier retour de Poutine sur le sol de l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine, représentant ainsi une victoire symbolique pour le Kremlin, bien plus que pour la paix.