Pourquoi l’accord UE – Mercosur attire-t-il une partie de l’Europe ?
Le marché des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) représente plus de 270 millions de consommateurs et est largement protégé par des droits de douane élevés, notamment sur les voitures, les produits chimiques et pharmaceutiques. Selon Sébastien Santander, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège, « aujourd’hui, ces produits sont pénalisés par des droits de douane élevés sur les marchés du Mercosur : ceux-ci souvent compris entre 20 et 30% pour les fromages, et pouvant atteindre jusqu’à 35% pour les vins et spiritueux. »
Le Mercosur suscite des divisions. Pour ses détracteurs, il représente une menace pour l’élevage bovin en Europe, risquant de créer une concurrence jugée déloyale en raison de normes environnementales jugées incompatibles. À l’inverse, d’autres considèrent cet accord comme essentiel, offrant une opportunité stratégique pour la stabilité économique et industrielle de l’Union européenne.
## Une opportunité économique et industrielle
Le marché des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) attire particulièrement les exportateurs européens. Avec plus de 270 millions de consommateurs, il demeure en grande partie protégé par des droits de douane élevés, notamment sur les voitures, ainsi que sur les produits chimiques et pharmaceutiques. Leur suppression ouvrirait de nouveaux débouchés aux entreprises européennes, surtout dans les pays du continent les plus industrialisés.
Selon Elvire Fabry, chercheuse et spécialiste du commerce à l’Institut Jacques Delors, l’industrie automobile a tout à y gagner : « Ce secteur a besoin de cet accord pour trouver de nouveaux débouchés, à un moment où l’industrie tourne au ralenti et où l’Union européenne s’oriente vers une politique de décarbonation, ainsi que vers la production et la vente de véhicules électriques. »
L’Allemagne, souvent citée comme le principal bénéficiaire potentiel, pourrait en sortir gagnante. Des groupes comme Volkswagen, BMW ou Mercedes-Benz verraient leurs exportations vers le Mercosur facilitées. L’industrie automobile étant largement répartie à travers l’Europe, d’autres pays européens pourraient également en bénéficier. La France, traditionnellement forte dans ce domaine, serait concernée, bien qu’elle fasse face à une concurrence accrue de la part de pays comme l’Espagne ou ceux d’Europe de l’Est.
## Essor des filières agricoles d’excellence
En Belgique, la plupart des agriculteurs s’opposent à l’accord UE – Mercosur. Ils craignent une concurrence accrue, notamment sur la viande bovine et porcine, ainsi que sur certaines productions agricoles jugées vulnérables, comme le lait ou les céréales. Ils estiment que l’ouverture du marché aux produits sud-américains pourrait peser sur les prix et menacer les exploitations locales, qui respectent des normes environnementales et sanitaires strictes. Néanmoins, d’autres filières agricoles européennes pourraient tirer profit de cet accord.
« Il s’agit de produits qui bénéficient d’un savoir-faire européen largement reconnu : le vin, le champagne, les fromages ou encore le chocolat », explique Sébastien Santander, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège.
Actuellement, ces produits sont pénalisés par des droits de douane élevés sur les marchés du Mercosur, souvent compris entre 20 et 30 % pour les fromages, pouvant atteindre jusqu’à 35 % pour les vins et spiritueux. « Ce sont des secteurs offensifs dans les négociations, mais qui adoptent une position discrète publiquement, car cet accord n’est pas très populaire », ajoute-t-il.
L’accord prévoirait une réduction progressive de ces barrières tarifaires, ce qui ouvrirait de nouvelles opportunités pour des produits à forte valeur ajoutée, tout en renforçant la protection des indications géographiques, un enjeu clé pour les filières viticoles et fromagières européennes.
## Sécuriser les matières premières stratégiques
L’enjeu dépasse la seule dimension commerciale. L’Union européenne vise à sécuriser ses approvisionnements en matières premières comme le lithium ou le cobalt, essentiels pour la transition énergétique et industrielle. « Les ressources en minerais critiques, notamment au Brésil et surtout en Argentine, sont stratégiques », souligne Elvire Fabry. « Elles sont vitales pour les technologies vertes, comme les éoliennes et les batteries de véhicules électriques, mais aussi pour des enjeux de défense, puisqu’elles sont utilisées dans l’armement. »
Cette stratégie s’inscrit également dans un contexte géopolitique bouleversé par la guerre en Ukraine. Ce conflit a mis en lumière la forte dépendance de l’Union européenne à certains fournisseurs et, dans certains cas, a restreint l’accès à des ressources clés, qu’il s’agisse de matières premières ou d’énergie. « À cause de la guerre en Ukraine, l’Union européenne se retrouve privée de matériaux critiques », souligne Sébastien Santander. « La Commission européenne invoque cet argument pour conclure rapidement le traité. »
## Un enjeu géopolitique majeur
Géopolitiquement, l’accord UE – Mercosur est considéré par ses partisans comme un instrument stratégique visant à renforcer l’autonomie et l’influence de l’Union européenne dans un monde caractérisé par la rivalité entre grandes puissances. Face à la montée en puissance de la Chine en Amérique du Sud et à un protectionnisme américain croissant, l’UE cherche à établir des partenariats durables.
« Il est essentiel pour le Vieux Continent de renforcer son autonomie stratégique et ses partenariats internationaux », explique Elvire Fabry. « Là où l’Europe n’a pas su s’implanter dans les pays du Mercosur, la Chine a pris position. Les États-Unis ont toujours considéré l’Amérique du Sud comme leur zone d’influence principale, et l’UE doit réagir en cultivant des liens solides. »
Un point de vue similaire est partagé par Sébastien Santander : « En créant des traités basés sur des règles communes, de nombreux parlementaires européens estiment que cet accord contribuerait à renforcer le multilatéralisme, un principe remis en question par certaines politiques unilatérales, telles que celles de l’administration Trump. »

