Pourquoi la droite belge n’est pas fan de Donald Trump
Le comportement du président des États-Unis ne soulève pas l’enthousiasme au MR du côté francophone et à la N-VA du côté flamand. Ces deux partis considérés comme de droite sont séparés du « trumpisme » par un fossé idéologique, malgré certains points communs. C’est plutôt au Vlaams Belang que les sympathisants de Donald Trump sont à chercher.
- Publié le 03-04-2025 à 06h40

Les excès de l’administration Trump stupéfient les Européens. Dans certains pays, le mouvement Maga (Make America Great Again) trouve cependant des adeptes sur l’aile droite de l’échiquier politique. En Belgique, la N-VA au nord et le MR au sud restent plutôt sceptiques. Quelles sont les raisons profondes de leur circonspection à l’égard du président des États-Unis ?
« Je ne veux pas avoir un Trump en Europe, c’est vraiment un personnage abject », avait tranché Bart De Wever dans un grand entretien accordé à La Libre en 2023. Dans nos colonnes, celui qui était encore président de la N-VA livrait ses réflexions critiques à l’égard du « wokisme » des progressistes. Si, pour lui, il faut combattre cette idéologie diversitaire, il estimait aussi que Donald Trump, très remonté contre les woke, ne peut servir de modèle.
Le flegme ou la fureur
Cette position pourrait étonner : après tout, la N-VA est une formation de droite nationaliste qui réclame de longue date une politique migratoire plus stricte, l’un des principaux combats du milliardaire américain. Toutefois, le comportement erratique et brutal du président américain ne correspond pas à la vision du monde de Bart De Wever, homme flegmatique et cultivé.
On l’a souvent écrit, ce dernier se définit comme un libéral-conservateur dans la tradition anglo-saxonne. Les sources intellectuelles de son engagement, il les puise entre autres chez Edmund Burke (1729-1797), le philosophe irlandais qui, au nom des Lumières, avait critiqué les ambitions démiurgiques de la Révolution française.
La radicalité que, parfois, Bart De Wever et sa formation ont pu exprimer reste enserrée dans le carcan du légalisme. Le Premier ministre déteste les troubles de la révolte, l’esprit d’aventure. Or, qu’est-ce que le trumpisme sinon une révolution qui jette aux orties les fondements de la stabilité de l’après-guerre, qui s’assied sur les principes de la démocratie, qui traite les pays alliés en vassaux et fait la cour aux autocrates ?
Le « 16 » a creusé le fossé
Depuis qu’il est au 16 rue de la Loi, les responsabilités qui incombent à Bart De Wever ont encore un peu plus creusé le fossé qui le sépare de Donald Trump et de ses affidés. Le président des USA a laissé entendre qu’il ne défendrait par l’Europe face à une agression russe, annulant ainsi la solidarité atlantique. Le Premier ministre belge ne peut que réprouver cette attitude qui fait peser sur le Vieux Continent une menace existentielle.
Au nom de la Belgique, Bart De Wever s’inscrit également dans la suite du soutien financier et militaire apporté à l’Ukraine. Une divergence profonde face à Donald Trump qui, lui, diffuse la propagande orwellienne du Kremlin et qualifie Volodymyr Zelensky de dictateur. Le locataire de la Maison-Blanche ira jusqu’à reprocher à l’Ukraine d’être à l’origine de la guerre avec la Russie…
La prudence de Bouchez
Au MR, parti historiquement atlantiste et tourné vers le modèle américain, de semblables constats peuvent être pointés. Georges-Louis Bouchez reste toutefois prudent. Face à ces foucades, le Montois insiste plutôt sur la nécessité d’une réaction européenne face à la politique de puissance des États-Unis. Une manière de prendre ses distances sans pour autant rejeter a priori l’ensemble des expériences trumpiennes.
Une évidence : les bleus francophones ne goûtent guère la guerre tarifaire lancée par Donald Trump. Le milliardaire voit dans l’économie mondiale un jeu à somme nulle et, en cela, peut être considéré comme un mercantiliste. Cette mise en cause du libre-échange se trouve à l’opposé exact des conceptions libérales classiques héritées d’Adam Smith. D’autant plus que la Belgique dispose d’un tissu d’entreprises très nettement tournées vers l’exportation et dépend donc de la vigueur des flux commerciaux internationaux.
« Tailler dans la bureaucratie »
Corentin de Salle, directeur du Centre Jean Gol, le centre d’études du MR, confirme cette lecture. Mais il introduit une nuance : « On ne suit absolument pas Donald Trump sur les droits de douane, ses velléités de conquêtes territoriales et sur sa méthode brutale qui violente l’État de droit. Cela dit, sur la nécessité de déréglementer, de tailler dans la bureaucratie et de mettre les Européens face à leurs responsabilités militaires, on est assez d’accord avec lui.«
Pour le responsable libéral, « indépendamment des choix idéologiques critiquables et interpellant de la politique étrangère actuelle des États-Unis, le MR est dans l’expectative et en questionnement sur l’efficacité de cette politique inédite. On veut rester critiques et nuancés plutôt que de condamner tout en bloc car il faut aussi être conscients que cette nouvelle politique qui rompt avec l’approche multilatérale s’explique par le fait qu’on vit dans un monde de plus en plus dangereux avec la résurgence des logiques impérialistes de la part de la Chine, la Russie, la Turquie, etc. »
Au sein de la famille libérale, l’Open VLD a pris clairement ses distances vis-à-vis du trumpisme après une maladresse d’Eva De Bleeker, la présidente du parti. Sur les réseaux sociaux, cette dernière avait affirmé que les coupes claires organisées par Elon Musk dans les dépenses publiques de l’État fédéral américain relevaient du bon sens. Mais, à la suite de nombreuses critiques, Eva De Bleeker avait dû effacer son tweet. Dans un message d’explication, elle avait reconnu ne pas être une fan du patron de Tesla, « que du contraire« …
Un Belang trumpiste
La N-VA et le MR se montrant tièdes, les fans de Trump en Belgique sont à chercher au Vlaams Belang (VB). Bien que le parti d’extrême droite ait, lui aussi, émis des réserves sur les mensonges de la diplomatie américaine dans le dossier ukrainien. Pour le reste, le VB manifeste un certain enthousiasme. Tom Van Grieken, le patron du Belang, avait d’ailleurs été invité à Washington pour assister à la prestation de serment du nouveau président, comme d’autres représentants de l’internationale réactionnaire.
Sur le plan des idées, comme le relevait récemment De Standaard, Tom Van Grieken reconnaît que les similitudes entre le Parti républicain version Maga et sa formation sont grandes. Par exemple, le patron de l’extrême droite flamande a particulièrement apprécié les propos de J.D. Vance lors du sommet sur la sécurité de Munich en février. Le vice-Président américain avait pointé du doigt les Européens, les accusant d’être trop mous face à l’immigration et de porter atteinte à la liberté d’expression (de l’extrême droite…).