Plusieurs centres-villes belges en danger: « Je pense que là, il faut sans doute tout repenser »
Les centres-villes namurois naviguent entre regain et déclin : Namur et Ciney tirent leur épingle du jeu, Beauraing progresse en zone orange, tandis qu’Andenne stagne et que Dinant, Couvin et Gembloux sombrent dans la vacance commerciale. L’équilibre entre proximité, horeca et shopping devient un enjeu clé pour éviter la désertification urbaine.
- Publié le 11-02-2025 à 12h03

Avec un taux moyen de vacance commerciale atteignant 20,9 % en 2024 (+0,9 % par rapport à 2023), les centres-villes wallons sont loin de briller par leur vitalité. Depuis 2010, la tendance est à la hausse, comme si chaque année apportait son lot de rideaux tirés. Le shopping, naguère locomotive commerciale, déserte peu à peu les cœurs des villes et ne représente plus que 22,1 % des commerces, cédant du terrain à l’horeca (26,9 %) et aux commerces de proximité, à savoir les surfaces alimentaires et de services (43,3 %).
Dans la course effrénée à la revitalisation, les centres-villes de la province de Namur affichent des dynamiques contrastées. Du cœur historique de Namur aux volets baissés de Gembloux, en passant par les ruelles de Ciney, Dinant, Andenne, Couvin et Beauraing, chaque ville tente de trouver sa recette pour attirer chalands et commerçants. Tour d’horizons des chiffres de l’AMCV (Association du Management de Centre-Ville).


Namur : la capitale garde le cap
Avec ses 668 commerces, Namur reste le poids lourd commercial de la province et même en Wallonie, classée tout juste derrière Liège (1148 commerces) et bien devant Tournai en troisième position (417). Si son taux de vacance grimpe de 17,2 % à 18,7 %, la ville se maintient malgré tout en dessous de la moyenne wallonne. « Il y a encore beaucoup de magasins et d’équipements dans le centre-ville, ce qui permet à Namur de rester relativement attractif », complète Erwan Leliveld, chargé de projet et analyste marketing à l’AMCV.
Namur semble tirer son épingle du jeu. Loin des grandes enseignes qui s’installent en périphérie pour bénéficier de parkings gratuits, la capitale wallonne conserve un équilibre intéressant entre proximité (32 %), shopping (27,5 %) et horeca (29,9 %). Contrairement à de nombreuses Communes qui abandonnent progressivement le shopping. « À l’échelle de la province, le phénomène prend de l’ampleur, avec des villes comme Andenne où 52 % des commerces sont dédiés à la proximité », relève l’analyste. Namur se maintient et se positionne comme la 4eville la plus attractive pour ce type de commerce. « Dans l’hypercentre, les artères phares comme la rue de l’Ange et la rue de Fer réduisent leur taux de vacance à 10,6 %, contre 14,1 % en 2023. » Preuve que le cœur de Namur bat encore, et pas juste au rythme des cafés et des restaurants.
Ciney : petite ville, grands progrès
Ciney joue dans la cour des grands avec une réduction impressionnante de son taux de cellules vides, passant de 23,4 % à 18 %. Avec 170 commerces, la proximité (47,6 %) mène la danse, suivie par l’horeca (26,5 %) et le shopping (19,4 %). À l’instar de Namur, la ville a compris qu’il fallait revitaliser le cœur de ville plutôt que de repousser les commerces à la périphérie. La clé du succès? « Ils ont adopté une nouvelle politique pour le centre-ville, et ça a l’air de bien fonctionner puisque le taux de cellules vides a baissé de plus de 5 % », note Erwan Leliveld. En effet, au lieu d’implanter de nouveaux commerces en périphérie, la ville a choisi de revitaliser son cœur de ville.
Mais Ciney ne se repose pas sur ses lauriers. « Ils organisent de nombreuses activités qui attirent de plus en plus de monde au centre-ville. » Cette combinaison d’initiatives commerciales et d’animations dynamise le commerce local, faisant de la ville un « bon élève » du paysage wallon.
Beauraing : la progression mesurée
Avec une baisse de son taux de vacance (de 24,4 % à 21,6 %), Beauraing montre des signes encourageants mais reste tout de même au-dessus de la moyenne wallonne (20,9 %). Avec 68 commerces, la proximité (50 %) reste ultra prédominante, suivie de l’horeca (23,5 %) et du shopping (19,1 %).
Erwan Leliveld souligne que ces chiffres peuvent être dus à l’ouverture de nouveaux commerces plutôt qu’à une véritable fermeture des anciens. « Le périmètre est plus petit, ce qui fait que les taux peuvent varier plus rapidement« , précise-t-il, tout en rappelant que les perspectives restent encore fragiles.
Andenne : le surplace économique
Avec 140 commerces et un taux de vacance stable à 20,9 % (20,7 % en 2023), Andenne donne l’illusion de la stabilité. La proximité domine (à 52,1 %), mais le manque de dynamisme du shopping (16,4 %) et de l’horeca (24,3 %) freine toute ambition. « Le fait de se retrouver entre Namur et Huy ce n’est pas évident. D’autant qu’il y a de nombreux zonings extérieurs à Andenne. »
Dinant : l’hémorragie commerciale
Malgré son potentiel touristique, Dinant s’enfonce avec un taux de vacance atteignant 28,2 % (26,1 % en 2023 et 21 % en 2022). Elle se classe dans le fond du panier wallon en 31eposition (sur 35). « La situation de Dinant est typique de la ville touristique », explique l’analyste.
Avec seulement 150 commerces, le shopping (16,7 %) est à la traîne, tandis que l’horeca (44 %) sauve les apparences. « Les touristes ne consomment pas comme les habitants, souligne Erwan Leliveld. Les visiteurs, s’ils sont nombreux, privilégient les activités extérieures telles que les croisières ou les visites touristiques, au détriment du shopping. » Une situation inquiétante pour les commerçants locaux, dont les magasins se retrouvent désertés au profit des bars et restaurants. « Je pense que là, il faut sans doute tout repenser et pas forcément au niveau de la dynamique commerciale. Il faut inclure la dimension urbanistique désormais pour comprendre comment faire vivre les artères du centre-ville. » Au risque de devenir une simple carte postale pour touristes…
Couvin : en état d’urgence
Couvin, avec ses 86 commerces, affiche l’un des pires taux de vacance de Wallonie, atteignant 29,3 %. Comme à Dinant, le shopping est en voie d’extinction (16,3 %), tandis que les commerces de proximité (46,5 %) tirent un peu la situation vers le haut, mais l’horeca (25,6 %) ne parvient pas à rattraper la chute. « Les commerçants du centre-ville souffrent énormément », constate Erwan Leliveld. La proximité de la frontière française et l’ouverture de nouveaux hôtels en périphérie ont un impact lourd sur le commerce local. « Les prix en Belgique sont un frein, et la périphérie, avec ses nouvelles installations, tire tout le commerce vers l’extérieur. »
Gembloux : au bord du gouffre
Nouvel entrant dans l’étude, Gembloux affiche un taux alarmant de 39 % de cellules vides, juste devant Verviers (44 %), qui reste la lanterne rouge de la Wallonie depuis plusieurs années, notamment à cause des inondations. Avec 97 commerces, la proximité domine (43,3 %), l’horeca se maintient (25,8 %) mais le shopping (20,6 %) peine à s’imposer. La dispersion des commerces hors centre complique encore la situation et affaiblit le cœur de ville. « La ville est prise entre le Brabant Wallon, Charleroi et Namur, et le centre-ville ne s’améliore pas », déplore l’analyste. Le taux de cellules vides reste élevé, et la ville souffre d’un manque d’entretien des bâtiments et d’un stationnement insuffisant. « Il y a aussi de nombreux commerces en dehors du centre-ville, ce qui désavantage encore plus le commerce local. »
La situation des centres-villes namurois ressemble à un grand chantier où le remède peine à trouver son efficacité. Si certaines villes, comme Namur et Ciney, parviennent à maintenir la flamme commerciale allumée, d’autres sombrent dans une vacance quasi générale, à l’image de Gembloux et Couvin, où la situation fait désormais figure d’urgence.

