Pierre-Yves Dermagne (PS): « Pour les travailleurs, c’est marche ou crève avec ce gouvernement Arizona”
Alors qu’une grève nationale est prévue ce lundi 31 mars, Pierre-Yves Dermagne (PS) n’a pas de mots assez durs pour qualifier la politique socio-économique du nouveau gouvernement fédéral. « Les gens vont devoir travailler plus pour gagner moins », déplore le chef de l’opposition socialiste à la Chambre.
- Publié le 29-03-2025 à 07h05
- Mis à jour le 29-03-2025 à 07h06

Il a troqué, il y a deux mois, son costume de vice-Premier ministre du défunt gouvernement Vivaldi pour celui de premier opposant à l’Arizona (N-VA, MR, Engagés, CD&V, Vooruit). Pierre-Yves Dermagne, chef de file du PS à la Chambre, dit soutenir la grève nationale de ce lundi 31 mars et le large mouvement de contestation sociale contre les mesures socio-économiques du nouvel exécutif.
Les syndicats du rail multiplient les grèves, tandis que les actions de contestation se succèdent les unes aux autres. N’est-ce pas excessif, alors que beaucoup de mesures doivent encore être clarifiées ?
Malheureusement, je ne pense pas que ce soit excessif. C’est à la mesure des attaques contre le monde du travail. On nous promettait de récompenser ceux qui travaillent. Mais, en réalité, quand on voit les mesures, pour les travailleurs et travailleuses, c’est marche ou crève. Avec des attaques sur la flexibilité du travail, des attaques contre toute une série de professions – cheminots, pompiers, policiers, militaires, fonctionnaires… Chaque jour, on découvre de nouvelles horreurs. On nous avait promis un accord d’ingénieurs, ficelé jusqu’au dernier carat. Ce n’est pas le cas. On voit que les interprétations sont différentes entre les partenaires du gouvernement. On a l’impression d’avoir un gouvernement déjà en fin de parcours, avec des dissonances et désaccords.
C’est ce qu’on a vécu sous la Vivaldi…
C’est ce qu’on a vécu à la fin de la Vivaldi, à l’approche des élections, avec le président du MR, Georges-Louis Bouchez, qui perturbait constamment l’action du gouvernement. Et cela, on le voit déjà au sein de l’Arizona. Cela dit, les contestations dépassent les seuls syndicats. Je reçois des messages tous les jours de travailleurs et travailleuses inquiets pour leur pension, pour leur salaire, alors que le MR et Les Engagés avaient fait campagne sur la promesse de 500 euros net en plus par mois…
Ils parlaient de 500 euros de différence entre un travailleur et un sans-emploi.
Non, ce n’est pas vrai. Il faut revoir les visuels de campagne des Engagés. OK, ce n’était pas 500 euros, c’était 450 euros… On est loin du compte. Les gens vont devoir travailler plus pour gagner moins, travailler plus longtemps pour une pension moindre. Ils vont devoir travailler dans de moins bonnes conditions, avec plus de flexibilité : fin de la semaine des 38 heures, fin de l’interdiction du travail du dimanche, fin des sursalaires pour les gens qui travaillent entre 20 h et minuit. Une personne dans la logistique qui travaille tous les jours entre 20 h et minuit va perdre plus de 1700 euros par an. Toutes les mesures de casse sociale vont être prises dans les mois qui viennent. Par contre, la fameuse promesse de réforme fiscale – seulement une petite centaine d’euros par mois en plus, comme le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) l’a reconnu –, c’est à l’horizon 2029. Et, à tout cela, il faut encore ajouter la réforme des pensions, la limitation des allocations de chômage dans le temps, etc.
guillement Je salue le principe de la taxe sur les plus-values, mais pas les modalités. Le gouvernement n’arrivera jamais à obtenir un rendement de 500 millions d’euros par an.
Selon le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA), le coût des pensions va augmenter de 14 milliards d’euros (+ 25 %) sur la législature à politique inchangée. Il faut agir, non ?
Le PS a toujours été attentif à l’état des finances publiques. Je rappelle que les efforts faits sous le gouvernement Di Rupo (Premier ministre PS entre 2011 et 2014, NdlR) étaient comparables en termes de masse budgétaire à ce que l’Arizona veut faire. Mais on avait réalisé ces efforts de manière plus juste et équitable, pour moitié sur les épaules les plus larges, c’est-à-dire les plus riches, le capital, les grandes entreprises, le secteur bancaire.
Vous devez saluer la future taxe sur les plus-values, non ? Il aura fallu un gouvernement de centre-droit pour créer cette taxe dont le PS rêvait.
Je salue le principe, mais pas les modalités. Dans les programmes des partis de gauche et des centristes, on était sur une taxe avec un taux de 30 %, comme ça se fait ailleurs en Europe. Ici, on est à 10 %, et même beaucoup moins pour ceux qui détiennent plus d’un cinquième des parts d’une société. Depuis le premier jour du gouvernement, on parle d’exceptions et de mesures pour contourner la taxe. Dans les faits, c’est une mesurette.
Il y a tout de même un engagement sur le rendement : 500 millions d’euros par an.
Ils n’y arriveront pas. Comme ils n’arriveront pas non plus aux effets retour prévus. On parle de plus de 8 milliards d’euros d’effets retour en quatre ans grâce à leurs mesures. Il n’y a pas un seul économiste sérieux qui y croit. Ce n’est pas crédible. Ces effets retour sont basés sur la création d’emplois, or il n’y a pas une seule mesure dans l’accord de gouvernement qui soutient la création d’emplois.
Selon l’Arizona, la flexibilisation du marché du travail, la limitation du chômage dans le temps, le retour des malades de longue durée au travail sont autant de mesures favorables à l’emploi.
Ils vont économiser sur les allocations de chômage et les malades de longue durée, mais ils ne vont pas créer d’emplois. Jan Jambon l’a reconnu à la Chambre : seulement un tiers des demandeurs d’emploi vont retrouver le chemin du travail. Cela veut dire que deux tiers vont émarger au CPAS. C’est juste un transfert de charge, qui aura un effet beaucoup plus important sur la Wallonie que sur la Flandre. Ce gouvernement pense qu’en excluant les demandeurs d’emploi du chômage, ceux-ci vont mécaniquement retrouver un emploi. C’est faux. Des études l’ont démontré.