Belgique

Petra De Sutter, le flegme dans la tourmente

Sa force, Petra de Sutter la tire sans doute en partie de sa vie d’avant la politique. Elle commence sa carrière professionnelle dans la médecine où elle se forge un parcours brillant : un doctorat en sciences biomédicales en 1991, des recherches en génétique menées à Chicago, des prix internationaux et la direction du service de médecine reproductive de l’hôpital de Gand pendant plus de vingt ans. Rien que ça. “En tant que médecin spécialiste de la fertilité, elle a dû faire face à des questions de vie ou de mort, commente Nadia Naji, la co-présidente de Groen. Elle en a tiré une sérénité et une rationalité qui ont balisé son parcours politique. Il en faudra bien plus pour l’intimider.” Cartésienne, donc, la vice-Première ministre. “C’est une personnalité ouverte mais aussi très directe et très franche. Elle a peu de patience avec les arguments qui lui paraissent insensés et l’exprime clairement. Malgré les désaccords, elle n’est toutefois pas détestable”, rassure la présidente de son parti.

Icône malgré elle

Difficile d’atteindre celle qui a ouvert bien des portes dans la sphère politique. En 2014, son entrée au Sénat aurait pu être l’histoire de tant d’autres avant elle si sa transidentité n’avait pas été révélée contre son gré dans la presse. Après un coming out contraint, elle devient la première parlementaire belge transgenre, puis, en 2020, la première ministre transgenre d’Europe. Cela fera d’elle une icône pour la communauté trans. Mais, si elle est disposée à assumer le poids des symboles, elle évite de porter son histoire personnelle sur la scène médiatique. Après sa prestation de serment, la presse internationale s’étonne que personne en Belgique ne semble s’émouvoir de la nouvelle. Elle s’en réjouit.

Alexander De Croo apporte son soutien à Petra De Sutter, empêtrée dans le scandale Bpost : ”Elle a toute ma confiance »

Son envie de lutter contre les produits nocifs pour la santé la pousse en politique en 2014. Elle figure à la deuxième sur la liste européenne de Groen, mais elle n’est pas élue. Son parti la coopte alors au Sénat en 2014. Elle tâte de la politique locale chez elle à Horebeke (Flandre orientale) en 2018 comme conseillère communale. À sa deuxième tentative, elle se fait élire au parlement européen un an plus tard. Petra De Sutter se montre très active dans la limitation des perturbateurs endocriniens. Un succès en demi-teinte puisque la Belgique est le seul pays à obtenir une dérogation à l’interdiction européenne des néonicotinoïdes, les pesticides auxquels on attribue la mort massive des abeilles. Son passage dans les travées européennes sera bref, puisqu’en 2020, elle rejoint le gouvernement fédéral.

Une personnalité populaire

La voilà donc, depuis 3 ans, à la tête du portefeuille de la Fonction publique et des Entreprises publiques. Ce ne sont pas vraiment les compétences les plus en adéquation avec le C.V. de l’ancienne gynécologue. Mais elle s’en accommode bon gré mal gré.

Son collègue vice-Premier, l’écologiste Georges Gilkinet la décrit comme “la plus calme et la plus apaisante des membres du kern” dont “la placidité apparente ne l’empêche pas de peser dans le débat et la prise de décision”. “Elle a une manière de faire de la politique différemment”, ponctue le chef de file Écolo au gouvernement fédéral.

Consciencieuse dans son travail, même l’opposition lui a reconnu un certain mérite lors de sa première apparition au Parlement. Elle avait alors pris la peine de répondre longuement et en détail à toutes les questions.

La place qu’elle a prise au gouvernement et sa personnalité en font un symbole qui semble presque trop grand pour tomber. Plus qu’une vice-première ministre, c’est aussi une égérie du parti, une personnalité éminemment populaire chez les écologistes flamands, qui auraient sans doute beaucoup de mal à trouver un ou une remplaçante de cette trempe.