Belgique

Percée de l’AfD dans l’ouest de l’Allemagne : interdiction crédible ?

Lors des élections locales en Rhénanie du Nord-Westphalie, l’Alternative für Deutschland (AfD) a triplé son score, passant de 5 à 16,4%, alors que la CDU a maintenu son score de 34%. Environ 13,7 millions d’électeurs étaient appelés à voter le week-end dernier.


Le parti d’extrême droite allemand, Alternative für Deutschland, a triplé son score lors des élections locales en Rhénanie du Nord-Westphalie. Ces élections sont considérées comme un premier test important, quelques mois après les élections fédérales. La Rhénanie du Nord-Westphalie est le land le plus peuplé du pays, avec 13,7 millions d’électeurs appelés à voter le week-end dernier.

### L’AfD triple son score en Rhénanie Nord-Westphalie, et la situation aurait pu être pire

La CDU du chancelier Friedrich Merz maintient un score de 34 %. En revanche, l’AfD passe de 5 à 16,4 %. Créé en 2013, le parti d’extrême droite continue de progresser, et cela ne se limite plus aux länder de l’est du pays. « On a quand même aujourd’hui une AfD à presque 15% dans un land très ancré à l’Ouest, dont est originaire en plus Friedrich Merz », souligne Géraldine Schwarz au micro de Pascal Claude et Julie Morelle.

Le ton de la presse allemande n’était pas alarmiste suite à ces résultats. Pourquoi ? Pour la journaliste, la presse s’attendait surtout à une sanction bien plus sévère pour le gouvernement fédéral, CDU-SPD, qui a connu des débuts plutôt difficiles. Finalement, les représentants des partis politiques au pouvoir « s’en tirent à bon compte », bien qu’ils aient conscience qu’il faut prendre ces résultats électoraux comme un avertissement.

### Une percée de l’AfD en zone industrielle

Géraldine Schwarz met en avant les disparités régionales au sein de ce land vaste qu’est la Rhénanie du Nord-Westphalie : « C’est surtout dans la région de la Ruhr que l’AfD a percé. C’est une région où les villes automobiles et les sites de sous-traitance à l’échelle nationale affrontent une crise économique majeure. Et donc, là où une peur de déclassement social se fait sentir ». Le gouvernement Merz, en coalition avec le SPD, ne parvient pas à convaincre cet électorat en zone industrielle. « La stratégie qui consiste à simplement regagner des électeurs avec une politique migratoire et sociale plus stricte, visiblement, ne prend pas », constate l’invitée du Monde en direct.

La rénovation des centres-villes, l’absence quasi totale d’immigration ou le refinancement des régions n’a pas échoué à l’AfD, fait-elle remarquer : « Il faut chercher finalement le problème dans la défiance à l’égard de la démocratie. Une défiance qui s’observe non seulement en Allemagne, mais à l’échelle européenne et même internationale. »

### Faut-il interdire l’AfD en Allemagne ?

Le principe du cordon sanitaire en place en Allemagne bloque peut-être l’accession au pouvoir des partis d’extrême droite, mais il semble inefficace pour freiner leur progression. Certains défendent même l’idée d’une interdiction pure et simple de l’AfD.

Ce scénario est-il crédible ? « Aujourd’hui, non », répond franchement Géraldine Schwarz. « L’Allemagne a déjà interdit deux partis par le passé : un parti d’extrême droite dans les années 50, puis le Parti communiste allemand », rappelle-t-elle. Cela a eu un impact. « Elles ont limité les mouvances radicales en Allemagne pendant plusieurs décennies. […] Aujourd’hui, la situation est un petit peu différente, mais certains évoquent effectivement l’idée d’interdire l’AfD en s’appuyant sur la loi fondamentale qui permet de bannir un parti jugé hostile à la démocratie ». Néanmoins, « des juristes mettent en garde. Une interdiction serait assez complexe juridiquement ». Politiquement, ce serait aussi un pari risqué : cela pourrait renforcer le discours victimaire de l’AfD.

### Antifascisme, où es-tu ?

Dans son dernier essai, D’où nous venons, Géraldine Schwarz écrit : « Nous sommes entrés dans l’ère du post-antifascisme ». Les résultats électoraux de ce dimanche en Allemagne, ainsi qu’une manifestation à Londres à l’appel d’un activiste d’extrême droite, en sont des signes très clairs. « Malheureusement, l’antifascisme sur lequel se sont fondées nos sociétés d’après-guerre en Europe se fissure. Condamner clairement le fascisme n’est plus une condition pour participer au débat public. Il faut peut-être trouver un autre moyen de fédérer nos sociétés ».

**► Écoutez ci-dessus l’intégralité de cet entretien dans le podcast du Monde en direct.**