Belgique

“Pas de pension de veuve si vous n’avez pas minimum 49 ans”: le combat d’Andréa, qui dénonce “une injustice criante” après le décès de son mari

« Et nous alors ? », interrogent plusieurs ‘jeunes veuves’ qui ont choisi la DH pour lancer la réflexion et, espèrent-elles, le débat. Elles sont onze, pour l’instant, qui connaissent le malheur d’avoir perdu leur mari ou leur compagnon de vie, des suites d’un cancer, d’un accident de la route, etc.

Parmi elles, Andréa vient d’avoir 48 ans. Elle en avait 45 au décès de son mari survenu en décembre 2019, alors que l’âge minimal requis à ce moment était de 47 ans. Il manquait 2 ans à cette mère de trois enfants pour avoir droit à la pension de veuvage.

Hafida, elle, avait 38 ans au décès de son mari. Elle ne s’est pas remariée, élève seule quatre enfants :  » Pourquoi n’ai-je pas droit à la pension de survie. Dites-le-moi : pourquoi cette injustice ? »

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Pas d’agenda avec la mort

Andréa, Hafida et les neuf autres tiennent un même discours. « Il n’y a pas de calendrier avec la mort. Nous n’avons pas choisi de devenir veuves. Ça vous tombe dessus. Du jour au lendemain, on se retrouve seul(e), sans l’être cher que l’on aimait. C’est une épreuve dont certain(e)s ne se remettent pas. Outre que vous retrouvez avec des jeunes enfants qui n’ont rien demandé non plus. Et alors qu’il existe une pension de veuvage, nous n’y avons pas droit ».

Vacances tragiques

Au décès de son mari survenu alors qu’ils se trouvaient en vacances, Hafida apprenait qu’en fonction de sa situation personnelle, les Pensions lui verseraient une allocation de 38 euros par mois. Le problème de fond, pour Andréa, « est cette réforme de 2015 qui lie la pension de survie à un âge minimal. Car s’il existe une allocation de transition pour le/la veuf/veuve n’ayant pas atteint l’âge requis, cette allocation est temporaire et n’est en outre octroyée que si le(s) orphelin(s) n’ont pas atteint l’âge de 13 ans ».

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Andréa, avec trois enfants, calcule que les montants de la prime d’orphelin ont été diminués par rapport à jadis. Encore une injustice, estime-t-elle, puisqu’elle concerne des enfants et adolescents privés d’un parent, ayant dès lors besoin d’un plus grand soutien psychologique. Andréa ajoute à cela que son mari, qui était électricien, avait cotisé depuis l’âge de 18 ans.

« Et bien qu’il ait cotisé durant vingt-six ans, je n’ai droit à rien, en tant que veuve, tout simplement parce que je n’avais pas 47 ans à son décès, mais seulement 45. À mes yeux, l’injustice est criante. »

Véronique, enceinte de cinq mois, a perdu son mari l’an passé. Loin du compte, elle n’avait que 31 ans. « Quand elle nous a contactées, explique Andréa, nous lui avons appris qu’elle n’aurait pas droit à la pension de veuve mais à une allocation de transition qui serait supprimée après quatre ans. Son petit garçon aura cinq ans. Elle-même en aura 35 et en tant que veuve, elle n’aura droit à rien, sinon à une majoration minime de la pension d’orphelin versée avec les allocations familiales « 

Combattre les abus

À l’Office des Pensions, on leur a expliqué que cette loi préparée depuis 2012 et entrée en vigueur le 1er janvier 2015 poursuivait l’objectif de mettre fin aux abus. « Des jeunes femmes, leur a-t-on dit, souvent d’origine étrangère, trouvaient le moyen de se marier avec un Belge nettement plus âgé, parfois de trente voire quarante ans. Devenues veuves très jeunes, elles pouvaient ainsi bénéficier à vie d’un argent facile. Évidemment, nous comprenons qu’il y avait des abus mais pour être franches, nous ne sommes pas dans cette situation. Tout en excluant les ‘arrivistes’, on aurait pu établir des critères qui n’allaient pas pénaliser les autres ».

Rencontrer la ministre

Ces « jeunes veuves » veulent sensibiliser l’opinion et alerter les pouvoirs publics. Elles vont demander à être reçues par la ministre des Pensions. « Nous savons Karine Lalieux (PS) très ouverte sur les préoccupations sociales. C’est déjà elle qui, pendant le COVID, avait prolongé de deux ans l’allocation de transition ».

Andréa voudrait conclure : « Je le répète, on ne choisit pas de devenir veuve. C’est dur de se retrouver seul(e). Personnellement, il m’a fallu trois ans pour trouver la force d’entamer ce combat que nous menons aussi pour les futurs veufs et veuves et les personnes en couple qui vont connaître la dureté de se retrouver seules « .

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Le cabinet de la ministre a réagi

Au cabinet de Karine Lalieux, Delphine Van Bladel, porte-parole, rappelle que la réforme des pensions de survie a été réalisée en 2014 par Alexander De Croo qui tenait à l’époque le portefeuille des Pensions. « La volonté était, je crois, d’éviter un piège à l’emploi pour des jeunes veufs et veuves, de permettre à ces personnes de retrouver une place dans la société et sur le marché de l’emploi. »

Alexander De Croo considérait que le régime ancien incitait les personnes qui percevaient une pension de survie à réduire leur activité professionnelle, voire à l’arrêter, de sorte qu’elles se constituaient moins de droit à la pension pour le futur, ce qui avait un effet néfaste sur le long terme. De ce point de vue, Alexander De Croo qualifiait le nouveau système de « très activant ». Aujourd’hui, 460 000 personnes bénéficient d’une pension de survie, dont 85 % sont des femmes. 1 674 bénéficient d’une allocation de transition, dont 90 % sont des femmes.

* Concerné(e) par la démarche ? Andréa est accessible, par e-mail, à l’adresse : nadandrea@hotmail.com