Belgique

On vote dans un an : face à la montée du PTB et du Belang, les partis traditionnels jouent très gros

9 juin et 13 octobre… Cette double perspective teinte déjà toute réflexion dans les états-majors des partis. Une grande redistribution des forces est possible. Comme d’autres pays occidentaux, la Belgique est prise en étau par deux radicalités. Celle d’extrême gauche et celle d’extrême droite. Les sondages annoncent une forte progression du PTB (actuellement deuxième en Wallonie en intentions de vote) et du Vlaams Belang (premier parti en Flandre).

Les partis traditionnels, les partis dits “gestionnaires”, sont sous pression. Leur assise électorale se fait lentement mais sûrement grignoter par l’offre politique populiste. PS, MR, Écolo, CD&V, Open VLD, Vooruit, N-VA, Groen, Les Engagés, Défi… Au pouvoir ou pas, ces formations vont devoir démontrer aux électeurs les plus mécontents qu’elles ont encore quelque chose à leur offrir, une perspective heureuse à leur faire entrevoir.

Les écrasants enjeux fédéraux

Au fédéral, les partis de la Vivaldi n’ont plus qu’une année pour prouver qu’ils peuvent dépasser leurs divergences. Moderniser le système des pensions, le marché de l’emploi et la fiscalité ; débloquer les subsides européens pour le plan de relance ; déjouer la “stagflation”, cette combinaison asphyxiante d’inflation et de déprime économique ; reprendre le contrôle des déficits budgétaires et de la dette publique ; lutter contre le réchauffement climatique et ses désastres…

En ce qui concerne leurs accomplissements, les démocraties libérales ont vaincu la pandémie de Covid et ont réagi avec fermeté face à l’invasion poutinienne de l’Ukraine. Mais les citoyens peuvent se montrer ingrats. La lutte contre le virus semble déjà loin et la géopolitique est rarement citée parmi les premières préoccupations de la population…

En Belgique, pour l’instant, les formations flamandes respectent le “cordon sanitaire” tendu autour du Belang. L’extrême droite flamingante n’est pas susceptible de monter au pouvoir. Les partis francophones, de toute façon, ne pourraient accepter de gouverner avec les héritiers du Vlaams Blok et aucune coalition ne pourrait être constituée au fédéral.

Denis Ducarme (MR) avait appelé à étendre le « cordon sanitaire » au PTB.

Le PTB critiqué

À l’égard du PTB, le “cordon” n’existe pas. Le MR, par la voix de Denis Ducarme, avait réclamé que l’extrême gauche emmenée par Raoul Hedebouw soit exclue à l’avance des jeux d’alliance possibles. Mais cet appel n’a pas été suivi dans les faits. Reste que, même au PS, de plus en plus de voix s’expriment ouvertement contre les communistes. Paul Magnette, président des socialistes, avait estimé dans La Libre que le PTB avait inventé “le poujadisme de gauche”.

Les prises de position des élus marxistes dans le cadre du conflit russo-ukrainien ont, par ailleurs, creusé le fossé qui les sépare des autres formations. Dimanche, Germain Mugemangango, le chef du groupe PTB au Parlement wallon, a rappelé la ligne antiaméricaine et anti-atlantiste de son parti. La manière dont il expliquait l’invasion de l’Ukraine par “la guerre froide que les USA mènent contre la Russie et la Chine” avait suscité l’indignation sur les réseaux sociaux.

Une équation quasiment insoluble au fédéral

Si les partis de gouvernement réussissaient à contenir la percée annoncée des extrémistes, les difficultés ne seraient pas entièrement écartées. Encore faudra-t-il s’entendre et mettre en place un gouvernement viable. Cette équation s’annonce quasiment insoluble.

Le PS veut écarter les libéraux ; les écologistes ont exclu de gouverner avec la N-VA qui, de toute façon, rêve de les dégager du fédéral ; le MR regarde de plus en plus vers une coalition de type “suédoise” (MR/CD&V/Open VLD/N-VA) mais à laquelle il faudrait adjoindre les socialistes flamands et Les Engagés… Quant à la Vivaldi, formule heptapartite dirigée par Alexander De Croo (Open VLD), après trois années de polémiques, elle ne fait plus vraiment rêver.

À cela, ajoutons le choc frontal des options institutionnelles : les troupes de Bart De Wever et le CD&V souhaitent le “confédéralisme” tandis que la famille libérale et la famille écologiste envisagent un renforcement du niveau de pouvoir fédéral. Les socialistes pourraient éventuellement être des alliés de la N-VA afin de procéder à de nouvelles régionalisations. Mais le PS réclamera alors un accord de gouvernement très à gauche en compensation. La N-VA, dont le cœur bat à droite sur le plan socio-économique, pourra-t-elle l’accepter ? Cela reste à démontrer.

Et les différents fantasmes autour d’une septième réforme de l’État se heurteront inévitablement au mur de la réalité. Rien à faire, il faut une majorité des deux tiers pour réviser la Constitution… Vu les profondes divergences en matière institutionnelles, elle semble hors de portée.

Triomphe électoral du PTB et du Vlaams Belang ? Majorité introuvable, pays ingouvernable et paralysie politique ? Les présidents de parti ont une année pour se préparer à ces écueils et, peut-être, les éviter.

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