Belgique

« Notre participation est utilisée » : l’adhésion des syndicats au Pacte d’excellence a du plomb dans l’aile

Si le premier volet consacré aux formations est salué par tous, le second (qui lie formations, évaluations et sanctions pouvant aller jusqu’à la perte d’emploi) est critiqué depuis des semaines par les syndicats. Ceux-ci ont reçu une dernière version du texte vendredi soir. Ils ont jusqu’à mercredi pour donner leur avis définitif.

Deux syndicats claquent la porte du Pacte d’excellence

“Les changements sont cosmétiques”, regrette Joseph Thonon (CGSP-Enseognement). “Certains sont même encore moins favorables que dans la version précédente”, ajoute Emmanuel Fayt (Setca-Sel). Pour 4 des 5 syndicats, le refus du projet s’accompagne dès à présent d’un retrait du Comité de concertation. L’Appel et le Setca-Sel se sont en effet déjà prononcés dans ce sens. Seule la CSC-Enseignement doit encore questionner sa base sur la question.

Mais qu’est-ce que cette instance ? C’est un groupe de travail qui se réunit régulièrement pour discuter des réformes prévues dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence. S’y retrouvent des représentants du cabinet de la ministre de l’Éducation, Caroline Désir (PS) et de l’administration, les syndicats du secteur, mais aussi les pouvoirs organisateurs (PO) et les fédérations d’associations de parents.

En quittant ces échanges, les syndicats semblent se priver d’un volet de discussions en amont des dossiers, bien avant qu’ils arrivent sur la table du gouvernement. Si une grande partie des changements à venir sont déjà en cours de validation, restent toutefois quelques grosses pièces, comme la réforme des centres PMS, et l’organisation de l’après-tronc commun (le nouveau parcours d’enseignement qui emmène tous les élèves de la 1e maternelle à la 3e secondaire). Le Pacte d’excellence, ce sont pas moins de 18 chantiers menés de front.

Un prétexte pour certifier une prétendue adhésion

Le principe et l’utilité même du Comité de concertation sont de facto remis en cause par les syndicats dissidents. Selon eux, cette instance servirait seulement de prétexte au gouvernement et aux pouvoirs organisateurs pour certifier une prétendue adhésion de tous les acteurs aux différentes réformes. “Notre participation à ces réunions est de plus en plus souvent utilisée pour prétexter une co-construction à laquelle nous n’avons jamais participé, et pour nous présenter des avant-projets de décret que nous n’avons jamais approuvés”, affirme Joseph Thonon.

Le coup de gueule de Marie, enseignante: « Beaucoup de profs n’ont pas leur place dans une école. Moi, je veux être évaluée »

“Prenez le projet de décret concernant les évaluations, explique par exemple Emmanuel Fayt. Il n’a jamais fait l’objet d’une réelle concertation au sein de ce Comité. Il y a seulement eu des échanges bilatéraux, entre syndicats et cabinet, et entre pouvoirs organisateurs et cabinet. Puis, nous avons demandé une tripartite avec les PO, au cours de laquelle nous n’avons obtenu aucune réponse…”

Dès lors, les quatre syndicats ne souhaitent plus participer à ce qu’ils considèrent comme une mascarade.

“Faire le point sur les suites à donner”

La ministre Désir prend acte avec regret de leur décision. “La participation des organisations syndicales aux travaux de cette instance constitue en effet un levier puissant pour améliorer la qualité des notes d’orientation et les projets de textes légaux en amont de leur présentation en 1e lecture au gouvernement, en tenant compte des points d’intérêt des représentants des membres du personnel”, explique-t-elle. Et d’annoncer qu’elle réunira le Comité de concertation du Pacte dans les prochaines semaines, “afin de faire le point avec les autres acteurs sur les suites à réserver à cette situation au regard des grands enjeux qui continuent à traverser le système éducatif”.

Les équilibres délicats visant à assurer la réussite du Pacte d’excellence sont-ils en danger ? “Oui, répond pour sa part Emmanuel Fayt. Dans l’avis numéro 3 du Pacte, il est clairement écrit que le Pacte n’atteindra ses objectifs qu’avec l’adhésion de tous ses acteurs. Or, sur la deuxième partie du texte dont nous discutons ici, nous n’adhérons pas du tout.”

“Trop de mesures mises en place depuis 2017 ne permettent pas de progresser vers les objectifs annoncés du Pacte, conclut Joseph Thonon. Certaines ont même détérioré les conditions de travail des enseignants. Ainsi, des dérives progressives vers une approche managériale de la réforme du pilotage des écoles sont déjà à l’œuvre actuellement. En outre, depuis le Pacte, toute revendication des enseignants, même visant à améliorer les systèmes d’enseignement, est rejetée par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles si elle a un coût.”