Belgique

Northstowe : une ville britannique ne répondant pas à la crise du logement

La ville de Northstowe, située à une vingtaine de kilomètres de l’université de Cambridge, est censée accueillir jusqu’à 30.000 habitants dans les deux prochaines décennies. Aujourd’hui, 1.600 logements sont occupés sur les 10.000 prévus à terme.


Au cœur de l’Angleterre, à une vingtaine de kilomètres de l’université de Cambridge, la ville de Northstowe prend doucement forme. Établie en 2017 sur le site d’une ancienne base de la Royal Air Force, elle est conçue pour accueillir jusqu’à 30 000 habitants au cours des deux prochaines décennies, soit dix fois la population actuelle.

Cependant, derrière les façades encore neuves, les pelouses soignées et les lacs artificiels, un certain vide demeure. « Il n’y a pas de centre-ville à Northstowe, donc pas vraiment de vie… », note Emeline Vin, correspondante de la RTBF au Royaume-Uni. Northstowe avait pour ambition d’être une ville verte, moderne et durable. Huit ans après son lancement, elle peine à satisfaire les besoins quotidiens de ses 1 600 résidents.

Northstowe ne constitue pas un cas isolé. Elle fait partie de la politique de logement mise en place par le gouvernement travailliste, élu en juillet 2024. Le Premier ministre Keir Starmer a promis de construire 1,5 million de logements d’ici à 2029. La majorité de ces habitations seront bâties en extension de zones urbaines existantes, mais une « nouvelle génération de villes nouvelles » est également prévue. Northstowe se positionne comme un prototype : « Ce seront des lieux bien conçus, beaux, avec des logements abordables, des cabinets médicaux, des écoles et des transports publics, où les gens voudront vivre », a asséché le gouvernement.

Sur le papier, Northstowe répond à de nombreux critères : pistes cyclables, liaisons en bus vers Cambridge, trois lacs, espaces verts, objectifs de faibles émissions de carbone… « La ville se veut un modèle de durabilité », souligne Katja Stille, de l’agence d’urbanisme Tibbalds, responsable du projet.

Pourtant, dans la réalité, la ville semble en veille. « Il y a quelques places, une école, un espace culturel avec un food-truck… Mais aucune épicerie, pas de pharmacie, pas de gare », indique Emeline Vin. Actuellement, 1600 logements sont occupés sur les 10 000 prévus. Huit écoles devraient être ouvertes d’ici cinq ans. Mais les résidents commencent à s’impatienter : « Ils savaient qu’ils arrivaient dans une ville en développement… Mais pas que cela prendrait autant de temps », poursuit la correspondante.

L’idée de villes nouvelles n’est pas une nouveauté au Royaume-Uni. Elle remonte à l’après-guerre, portée par le gouvernement travailliste de Clement Attlee (1945-1951), qui, en plus de fonder le NHS (le système de santé publique britannique), a lancé de vastes projets d’urbanisme pour répondre à la crise du logement de l’époque. Parmi les exemples les plus notables figurent Milton Keynes, construite dans les années 1960, et aujourd’hui peuplée de plus de 250 000 habitants. Bien que ce soit un succès démographique, ce modèle est désormais critiqué.

« A l’époque, la voiture était reine et l’avenir du shopping se concentrait dans d’immenses centres commerciaux », se souvient Emeline Vin. Actuellement, les urbanistes mettent l’accent sur d’autres enjeux : biodiversité, mobilité douce, espaces partagés. Northstowe aspire à rompre avec l’urbanisme monotone des années 60, souvent critiqué pour avoir engendré des « cités-dortoirs ».

Même repensée, la ville nouvelle ne peut, à elle seule, résoudre la grave crise immobilière que traverse le Royaume-Uni. L’offre reste nettement inférieure à la demande, qui est stimulée par la croissance démographique, l’augmentation de l’espérance de vie et l’immigration. De nombreux obstacles persistent sur le terrain : disponibilité du foncier, pénurie de matériaux, manque de main-d’œuvre qualifiée.

Le gouvernement Starmer a promis de réviser les lois d’urbanisme pour faciliter certains projets, y compris en assouplissant des réglementations environnementales, ce qui pourrait également provoquer des oppositions locales. « Northstowe, avec ses 10 000 logements, reste une goutte d’eau », reconnaît Emeline Vin. Cependant, cette ville représente plus qu’un simple projet immobilier. Elle fonctionne comme un laboratoire grandeur nature de la politique urbaine à venir. Une ville conçue pour l’avenir… à condition qu’elle respecte ses promesses : « Pour l’instant, on n’y vit pas. On y dort. Et on attend », conclut la correspondante.

Dans le reste du programme d' »Ici Le Monde », un grand reportage en Israël, où 60 000 réservistes viennent d’être mobilisés et où la mobilisation militaire fracture la société. Un éclairage est également porté sur la révolte des jeunes au Népal, en guerre ouverte contre une élite accusée de népotisme, avec le spécialiste de l’Asie, Emmanuel Veron.