Négociations bruxelloises: pourquoi la piste d’un « nouveau front populaire » avec le PS, le PTB et Écolo est politiquement « invraisemblable »
Alors que les négociations pour former un gouvernement bruxellois connaissent un blocage inédit, une piste n’a pas encore été testée : celle d’une majorité de gauche, entre socialistes, écologistes, le PTB et la Team Ahidar. Bien qu’arithmétiquement possible, l’option ne sera probablement même pas mise sur la table.
- Publié le 31-12-2024 à 06h48
Les négociations pour former un gouvernement bruxellois connaissent un blocage inédit.
Un axe MR-PS-Engagés existe côté francophone, tandis qu’une quadripartite (Groen-N-VA-Open VLD-Vooruit) s’est formée plus récemment côté néerlandophone. Les deux groupes linguistiques ne se sont toutefois pas mis à table pour négocier en raison du veto très ferme du PS contre la N-VA. Les socialistes leur préfèrent le CD&V, qui a jusqu’ici toujours refusé de participer à la majorité.
La piste CD&V à nouveau testée
Des discussions ont donc eu lieu ce week-end, entre le formateur David Leisterh (MR) et Benjamin Dalle (CD&V), député bruxellois, en vue de tester une nouvelle fois l’hypothèse. Selon nos informations, la rencontre n’a rien donné de concret, en raison notamment d’une opposition de Sammy Mahdi, président du CD&V. Alors que les négociations fédérales sont censées entrer dans leur phase finale, le CD&V ne se risquera pas à faire à la N-VA un enfant dans le dos.
Les autres pistes, dont celle d’un renfort d’Écolo ou de Défi, sont tout aussi bouchées…
Une hypothèse, pourtant, n’est jamais évoquée pour sortir de l’impasse : celle d’une majorité bruxelloise de gauche.
Une coalition « forestoise » à la Région ?
La piste est mathématiquement possible. Une coalition forestoise (même coalition qu’à Forest) composée du PS, du PTB, et d’Écolo côté francophone, et d’un axe Groen, de la Team Ahidar et de Vooruit, côté néerlandophone, disposerait d’une majorité de deux sièges au Parlement bruxellois, ainsi que d’une courte majorité dans chaque groupe linguistique.
« Dans les faits, cette majorité de gauche est politiquement très invraisemblable, résume cependant Pascal Delwit, politologue à l’ULB. Et ce, même dans l’éventualité où Ahmed Laaouej deviendrait formateur bruxellois. Sept mois après les élections, le temps est plutôt à l’atterrissage qu’à la préparation d’une piste alternative.«
Au sortir des élections de juin, des voix, notamment au sein de la société civile, avaient pourtant mis en avant cette possibilité « historique » d’une alliance de gauche, à Bruxelles, inspirée par le Nouveau Front populaire qui faisait alors campagne en France pour entrer à Matignon.
Cette pression de la base a notamment conduit le PS bruxellois à temporiser quelques semaines avant de négocier officiellement avec le MR.
Car il n’était pas question, au lendemain des élections, d’affirmer ouvertement que ce « Nouveau Front populaire bruxellois » n’avait aucune chance de voir le jour…
« Écolo avait d’emblée annoncé son départ vers l’opposition, après l’élection. Marie Lecocq a même fait campagne sur le ressourcement d’Écolo avant d’être élue coprésidente », rappelle une source socialiste.
Ce choix des verts francophones pour l’opposition a d’ailleurs été largement confirmé 6 mois plus tard, lorsque le formateur David Leisterh (MR) et Christophe De Beukelaer (Les Engagés) ont invité Écolo à venir à la table des négociations bruxelloises.
Cette décision vaut pour toutes les formules de majorité, confirme Marie Lecocq à La Libre, même de gauche. « C‘est le résultat des élections qui nous place dans cette situation d’opposition. »
Le PS, le PTB et Écolo, certes, ont formé ensemble des coalitions, au niveau communal. Mais l’accord à Forest résulte davantage d’une dynamique locale que d’un choix stratégique, tandis qu’à Molenbeek, le résultat électoral ne laissait guère de vraies alternatives.
« Contrairement à ce que tout le monde raconte, nous sommes respectueux du résultat des élections, que le MR a gagnées, et de nos accords passés en juillet pour un axe MR-PS-Engagés. L’axe PS-MR est incontournable, ce qui n’est pas le cas de la N-VA…« , reprend cette source PS.
En résumé, ni le PS, ni Écolo, ni… le PTB ne croient en cette piste de coalition de gauche.
« Ce scénario n’est pas sérieux, assure en effet Giovanni Bordonaro, président du PTB en Région bruxelloise. Aucune négociation n’a été entamée avec nous depuis la fin des élections, au niveau régional. Si on nous appelle soudainement, on va répondre, mais c’est de la politique-fiction. »
guillement « Lors de leur dernier congrès, en 2021, l’idée du PTB était d’élargir son assise, en participant à davantage de majorités communales. Lors de ce même congrès, ils ont par contre exclu de participer au pouvoir au niveau fédéral et régional ».
« Lors de leur dernier congrès, en 2021, l’idée du PTB était d’élargir son assise, en participant à davantage de majorités communales. Lors de ce même congrès, ils ont par contre exclu d’entrer dans une majorité au niveau fédéral et régional, pointe Pascal Delwit. Le PTB s’inscrit donc dans une perspective de développement étape par étape, plan quinquennal par plan quinquennal (NdlR : le congrès a lieu tous les 5 ans.) Il faut savoir qu’en interne, l’idée de la participation au pouvoir communal est déjà un objet de débats et de tensions. »
Cette alliance de gauche se heurterait également à des difficultés, côté néerlandophone, où Groen et Vooruit devraient défaire une alliance qu’ils ont mise 6 mois à formaliser, pour s’allier à la Team Fouad Ahidar… et au PTB.
« Les majorités qui ont été possibles en 2012 à Borgerhout et en 2018 à Zelzate me paraissent impossibles aujourd’hui, conclut Pascal Delwit. Le PTB a grossi, et il y a en Flandre cette idée, que défend Bart De Wever, que le cordon sanitaire devrait s’appliquer envers le PVDA comme envers le Vlaams Belang.«
Pour un déblocage, semblent penser plusieurs négociateurs bruxellois, il faudra probablement attendre la conclusion d’un accord au niveau fédéral…