Napster, le logiciel de téléchargement illégal ayant précédé Spotify
Le 3 mai 1999, « Baby One More Time » est devenu le premier single d’une artiste féminine le plus vendu de tous les temps. En juillet 2001, Napster a dû fermer son site à cause des procédures judiciaires, au grand dam de ses 50 millions d’adeptes.
**Printemps 1999 : le triomphe d’un single avant la chute de l’analogique**
Napster a promis, au tournant du millénaire, un accès gratuit et illimité à toute la musique du monde, marquant ainsi une étape clé dans l’histoire de la musique en ligne. Lors de l’apparition du compact disque en 1982, « la musique avait été numérisée », se remémore Olivier Maeterlinck, responsable des affaires culturelles à la Sabam, société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs. Cette numérisation annonçait déjà le déclin des supports analogiques.
Le 3 mai 1999 est une date marquante : *Baby One More Time* de Britney Spears devient le single d’une artiste féminine le plus vendu de tous les temps. L’album CD qui l’accompagne se vend également très bien, permettant à Sony et à l’industrie musicale de profiter d’un été triomphant. Ce moment représente la dernière grande victoire de l’ère du CD.
Cette même année, Shawn Fanning, un étudiant de 18 ans à l’Université de Boston, commence à télécharger des fichiers MP3 sur son ordinateur. Ce format de musique compressée a été conçu quelques années auparavant par un ingénieur allemand. Cependant, le processus de téléchargement est complexe, nécessitant la connexion avec d’autres utilisateurs via des messageries, ce qui rend le transfert souvent lent. Conscient des difficultés, Shawn Fanning décide de programmer un logiciel facilitant le téléchargement de MP3. Le 1er juin 1999, il lance Napster, qui repose sur le partage de fichiers entre utilisateurs via un système peer-to-peer, une idée qui conquiert rapidement le monde.
Considéré par beaucoup comme la première application virale, Napster permet d’accéder à une abondance de musique facilitée. David Mennessier, médiateur culturel, souligne le changement radical dans les pratiques d’écoute : « On passe de la rareté à l’abondance immédiate, à l’écoute sans effort. » Avant Napster, il fallait « choisir, acheter, posséder, lire un livret », rappelant les difficultés rencontrées pour dénicher des disques depuis les années 60.
Shawn Fanning forme un partenariat avec Sean Parker, un visionnaire du net, qui prévoit l’avènement de la musique sur des plateformes digitales comme Spotify ou Deezer. Parker imagine un « jukebox céleste » offrant un accès illimité à la musique.
**2000 : les ennuis judiciaires et la plainte de Metallica pour « violation massive de droit d’auteur »**
Napster demeure gratuit, ne versant aucun droit aux auteurs. « Du point de vue du consommateur, on peut parler de démocratisation. Mais du point de vue des auteurs, des artistes interprètes et des labels, on parle de dévalorisation », précise Olivier Maeterlinck. Les maisons de disques ne voient pas la situation d’un bon œil et portent plainte contre Napster. Des artistes comme Metallica s’engagent également dans cette bataille. Le batteur, Lars Ulrich, fournit à la justice les informations sur les utilisateurs partageant leur musique.
Cette pression judiciaire conduit Napster à fermer son site en juillet 2001, déplorant ainsi la perte de 50 millions d’utilisateurs. Bien que cette aventure s’arrête brusquement, elle a pourtant révolutionné l’industrie musicale. De nouveaux sites de téléchargement illégaux (Kazaa, LimeWire, E-mule, Mega Upload) tentent de combler le vide, mais rencontrent le même sort.
Avec le succès d’iTunes d’Apple, la révolution musicale se poursuit avec des plateformes comme Spotify et Apple Music proposant des abonnements et des publicités.
**Valorisation des artistes : sous l’ère des streams, mieux vaut être mainstream**
Aujourd’hui, comment créer de la valeur dans l’industrie musicale ? Les auteurs, compositeurs et interprètes peuvent-ils générer des revenus hors des grands noms tels que Taylor Swift ? Olivier Maeterlinck explique la répartition des revenus de streaming : 30 % vont à la plateforme, environ 50 % à l’éditeur et 15 % pour l’auteur, compositeur et éventuellement l’éditeur.
Auparavant, le pourcentage pour les auteurs-compositeurs sur un support physique était de 9,009 %, ce qui est aujourd’hui supérieur à 15 %, toutefois, le volume d’argent généré reste limité, surtout pour les artistes émergents belges.
Les grandes entreprises prospèrent, ainsi que les artistes à succès. Cependant, les artistes de niche et émergents peinent à tirer des revenus décents. Bad Bunny et Taylor Swift, avec 26 milliards d’écoutes sur Spotify, génèrent environ 100 millions de dollars. En revanche, d’autres artistes, y compris belges, sont souvent « complètement invisibilisés ».
David Mennessier avertit que Spotify rend quasiment indispensable sa présence sur la plateforme, malgré ses raisons éthiques de quitter le navire. Des alternatives comme Bandcamp, Deezer ou Qobuz offrent de meilleures rémunérations et mettent l’accent sur l’aspect audiophile.
Spotify opère sous un modèle de prorata : tous les streams sont regroupés, l’argent étant redistribué en fonction des parts de marché, une méthode qui désavantage de nombreux artistes. Olivier Maeterlinck parle d’un effet de dilution sur les revenus, et affirme que « plus il y a d’artistes sur la plateforme, plus il faut partager les revenus ».
Face à cette réalité, les artistes doivent explorer divers moyens pour se faire connaître, allant au-delà de la seule vente de musique. Avec 30 % des musiques sur les plateformes générées par l’IA, le risque pour les revenus et les droits des artistes est réel. Selon Olivier Maeterlinck, certaines plateformes, comme Deezer, prennent des mesures, contrairement à d’autres qui négligent la question.
**Écoutez l’ensemble de ce podcast ci-dessus et d’autres épisodes de *L’Histoire continue* sur Auvio, ainsi que sur La Première, chaque samedi de 9h à 10h.**

