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Moscou : Poutine ne fait pas de compromis sur la paix en Ukraine.

Le président russe Vladimir Poutine doit recevoir Steve Witkoff, l’envoyé spécial de la Maison Blanche, ce mardi après-midi. Le plan initial en 28 points des États-Unis prévoyait que les forces ukrainiennes se retirent de Donetsk et Lougansk, et que ces deux régions ainsi que la Crimée soient reconnues comme russes par les États-Unis.


Tous les regards se tournent vers Moscou. Ce mardi après-midi, le président russe Vladimir Poutine recevra Steve Witkoff, l’envoyé spécial de la Maison Blanche. Cette rencontre suscite de grandes attentes après dix jours de diplomatie frénétique pour tenter de sortir de l’impasse de la guerre en Ukraine.

L’initiative a débuté le 20 novembre, lorsque le président des États-Unis, Donald Trump, a proposé un « plan de paix » pour l’Ukraine, s’articulant autour de 28 points rédigés à Washington sans consultation avec les alliés européens de l’Ukraine. Ce document a été immédiatement qualifié d’imacceptable par Kiev, assimilé à une « capitulation ». Néanmoins, il a servi de base à des négociations.

Au fil des rencontres récentes à Genève, Abou Dhabi, et en Floride, le texte a été modifié par l’Ukraine avec l’aide des Européens puis de Washington. Ce ballet diplomatique intense a fait émerger un espoir de paix en Ukraine après presque quatre ans de conflit. Donald Trump a affirmé, depuis son avion présidentiel : « Nous avons de grandes chances d’aboutir », exprimant son impatience de mettre fin à ces combats et de faire avancer sa candidature au Prix Nobel de la paix.

Cependant, les résultats de ces discussions doivent maintenant être présentés à Moscou. La rencontre de ce mardi après-midi pourrait réduire cet optimisme.

Laetitia Spechinsky, docteure en relations internationales à l’UCLouvain et spécialiste de la Russie, souligne que Vladimir Poutine ne montre aucun signe d’ouverture au compromis, ses objectifs étant restés constants.

Elle observe également la presse russe et y décèle des indices d’une semaine difficile avec des tractations en cours. Selon elle, il existe un « silence assourdissant » sur les négociations, souvent le signe d’un moment crucial dans un processus de négociation internationale. Les déclarations parlent de rencontres possibles, mais aucun détail sur les discussions n’est divulgué, ce qui inquiète quant aux intentions réelles des négociateurs.

Dans cet « œil du cyclone », la possibilité que le Kremlin assouplisse ses positions semble improbable pour cette experte. Elle affirme qu’aucun signe ne laisse penser à une volonté de compromis de la part de Moscou. Poutine a confirmé vouloir arriver à une solution, mais sans céder quoi que ce soit à l’Ukraine.

Les lignes rouges de Moscou, selon elle, demeurent inchangées, tant en ce qui concerne les territoires revendiqués que sur la question de l’OTAN et des conséquences après la guerre. La Russie exige plus de territoires ukrainiens qu’elle ne contrôle et refuse que l’Ukraine rejoigne l’OTAN, considérant cela comme un enjeu central de sa politique depuis 25 ans.

La question des réparations pour les territoires ukrainiens touchés par la guerre n’est pas non plus abordée publiquement. À l’inverse, la Russie projette un afflux de capitaux vers les régions occupées, promettant à la presse russe un « avenir extraordinaire » si ces territoires acceptent le contrôle russe sans opposition.

Concernant le plan « remodelé » des Européens, ce dernier reflète les objectifs du plan initial en 28 points des États-Unis, qui stipule que les forces ukrainiennes se retirent de Donetsk et Lougansk, et que celles-ci ainsi que la Crimée soient reconnues comme russes. De plus, il demandait à l’Ukraine d’inscrire dans sa constitution son indécision à rejoindre l’OTAN.

Ce plan a depuis été revu pour ne plus réclamer l’attribution totale des territoires cités à la Russie ni interdire l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Une nouvelle version plus concise a été élaborée, incluant un financement par la Russie pour les dangers causés par la guerre en Ukraine. Cependant, Poutine a récemment évoqué le plan initial comme une base de discussion possible, ignorant ainsi le travail diplomatique des Européens et de l’Ukraine.

Laetitia Spechinsky commente que Vladimir Poutine a adoptée une position favorable à cette approche depuis 2021, considérant les Européens comme peu productifs et soumis aux États-Unis, rendant ainsi le dialogue avec eux inutile. L’Europe peine à faire entendre sa voix dans cette négociation cruciale tout en continuant d’essayer d’influencer le cours des événements, ce qui a créé un type de « double négociation ».

Il apparaît qu’il existe des voies parallèles de négociation. Pendant que l’envoyé américain Witkoff fait route vers Moscou pour rencontrer Poutine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rend à Paris pour discuter avec les Européens. Toutefois, la fusion de ces deux démarches ne semble pas à l’ordre du jour pour le moment.

La question demeure : la Russie peut-elle se permettre de rester inflexible et ainsi risquer de perdre cette opportunité de négociation ? La guerre a un coût humain, financier et politique élevé. La Russie subit également des pertes humaines importantes et est sous l’effet de sanctions américaines sur les hydrocarbures ainsi que de sanctions européennes.

Malgré cela, la Russie a des réserves, lui permettant de soutenir cette guerre. Elle peut continuer à ne pas céder et à faire échouer la négociation présente, possédant encore des ressources à exploiter.

Les réserves russes, bien que proches de l’épuisement, comprennent de l’or, des pierres précieuses, et des hydrocarbures, permettant une prolongation du conflit tant que l’adversaire ne plie pas. Cela représente un véritable danger pour les autres acteurs, en raison de la résilience économique de la Russie. Cependant, une guerre prolongée pourrait entraîner un affaiblissement politique de Vladimir Poutine.

Quant au plan de Trump, il représenterait une aubaine pour Moscou, où un accord en cette fin d’année serait selon Laetitia Spechinsky conditionné au respect des lignes rouges russes. Le plan initial en 28 points permettrait à la Russie de sortir de la guerre sans être sanctionnée.

En conclusion, il semble que le Kremlin ait l’opportunité de conclure un accord qui n’impliquerait aucune conséquence pour ses actions, tout en reprenant une position économique avantageuse avec un possible retour dans le G8 et une levée progressive des sanctions. En revanche, le plan remanié par les Européens et Kiev impose à la Russie de réparer ses agressions, ce qui pourrait influencer Poutine dans le choix de sa base de négociation lors de sa rencontre avec Witkoff.