”Mon rôle, ce n’est pas uniquement de lutter contre la malbouffe, ce sont aussi des choses élémentaires, comme l’hygiène et le respect des horaires”
Dans la discrétion du quotidien, ils font l’école, huilent ses rouages, répondent aux mille et un problèmes logistiques et humains qui s’y présentent. La Libre est partie à la rencontre de préfets, éducateurs, infirmiers… qui épaulent enseignants et élèves. Aujourd’hui : Laurence Lecomte, infirmière au centre PMS de Tamines. Avec ses collègues, elle mettra l’accent, cette année, sur l’importance de la vaccination.
- Publié le 26-08-2025 à 12h15

Troubles mentaux, harcèlement, violences intrafamiliales, déclassement social, rejet de la vaccination… Pousser les portes du centre psycho-médico-social (PMS) de Tamines, situé à l’ombre de l’Athénée royal, c’est prendre de plein fouet certains grands maux de la société.
Laurence Lecomte, infirmière graduée, a travaillé pendant 25 ans dans un centre de transfusion. En 2020, elle décide de réorienter sa carrière et d’intégrer ce centre, qui prend également en charge la promotion de la santé à l’école (PSE). « L’aide et la santé sont des domaines qui m’attiraient, principalement chez les enfants. J’ai été gâtée avec le Covid… »
L’infirmière a en effet rapidement été confrontée aux conséquences de la crise sanitaire. « Quand on a pu réintégrer les écoles », après les confinements, « ça a été l’occasion de voir les enfants et les adolescents. Ils ont vécu de manière différente cette période Covid. J’ai rencontré des jeunes angoissés, stressés, d’autres en colère contre les mesures prises ou repliés sur eux-mêmes. C’était très variable. Mais ils avaient surtout besoin d’être écoutés. »
Ce qu’on essaie de faire, c’est de rendre l’enfant acteur de sa santé, faire en sorte qu’il se prenne en charge.
« Les jeunes ne viennent pas frapper spontanément à la porte. Il a fallu leur tendre la main. J’ai pu les rencontrer par le biais des bilans de santé (les visites médicales). On avait prévu un entretien individuel qui est devenu un espace de parole. Ça a été l’occasion de voir chaque élève. Pour certains, ça allait vite. Pour d’autres, il a fallu prendre le temps. » Avant d’échanger avec eux, Laurence Lecomte avoue qu’elle n’avait « pas perçu à ce point-là » la profondeur de la détresse de certains. « Il a parfois fallu les orienter vers un autre type de suivi. »
Prévention, diagnostic, orientation…
Le centre PMS de Tamines, dans la commune de Sambreville (province de Namur), couvre une quinzaine d’écoles – maternelles, primaires, secondaires et même une haute école. Une bonne dizaine de personnes y travaillent en équipe, dont une logopède, deux infirmières, des psychologues et assistants sociaux… Leurs missions : la prévention, le diagnostic et la guidance, l’orientation scolaire et professionnelle, le soutien à la parentalité, l’éducation à la santé, etc.
« Ce qu’on essaie de faire, c’est de rendre l’enfant acteur de sa santé, faire en sorte qu’il se prenne en charge. Qu’il s’agisse de l’hygiène corporelle et dentaire, de l’alimentation, aller coucher tôt, exprimer ses émotions… Et cela, tout au long de la scolarité », résume Laurence Lecomte.


Les missions et les modalités d’action des centres PMS et PSE sont définies par décrets. L’un des points d’attention porte sur la prévention face à la méningite bactérienne et aux maladies transmissibles, telles que la gale ou la varicelle, ainsi que les poux. « Quand un enfant est concerné par une maladie transmissible dans une classe, on commence par distribuer un courrier pour informer les parents. On explique, on donne des modes d’emploi. Ces maladies impliquent de mettre en place certaines choses au niveau de la communauté [scolaire] pour limiter les risques. Face à des cas de gale, par exemple, l’école va devoir procéder à de la désinfection. Quand il y a des poux, il faut que tout le monde fasse le traitement, et le fasse bien. C’est dans l’intérêt de l’enfant et sa famille, mais aussi de toute la communauté, toute la classe. »
Pas de salle de bains à la maison
La page de la crise sanitaire a beau avoir été tournée, l’infirmière de 59 ans continue à insister sur l’importance des entretiens individuels. « Ils donnent accès à toutes sortes de problématiques, comme la maltraitance, les difficultés psycho-affectives telles que la séparation des parents, etc. Quand j’ai un enfant qui a un problème de vue, par exemple, j’essaie d’abord de savoir s’il en a parlé à papa ou maman, s’il croit qu’il pourra aller voir un ophtalmologue, quel est le frein éventuel, est-ce qu’il y a de l’argent… Quand un enfant à un problème d’hygiène, on gratte pour essayer de savoir pourquoi, ce qui se passe à la maison, savoir s’il est suivi. Ça peut venir de l’absence de salle de bains ou d’eau chaude. Ce sont des cas que j’ai rencontrés. »
guillement La proportion d’élèves non vaccinés devient inquiétante. Tout le corps médical s’accorde pour dire que le Covid a créé une peur de la vaccination.
Les violences intrafamiliales ? « Je ne vais pas dire que c’est notre quotidien, mais c’est régulier. Si on perçoit que l’enfant est en danger, on doit mettre en œuvre des procédures de protection. On lui explique qu’on ne peut pas garder notre secret professionnel. On va interpeller les parents et les services adéquats. Au besoin, on fera appel au Service de l’aide à la jeunesse (SAJ), aux autorités… S’il y a eu des coups, on va faire appel à un médecin pour qu’il les constate. Mais la violence peut venir aussi de négligences. Le curseur est variable. »
Lorsqu’elle est arrivée à Tamines, une région avec un indice socio-économique bas, Mme Lecomte a rencontré « des problématiques, des difficultés » qu’elle sous-estimait. « Il ne s’agit pas uniquement de lutter contre l’obésité et la malbouffe, on s’occupe aussi de choses élémentaires, comme l’hygiène, la régularité à l’école ou le respect des horaires. »
La promotion de la vaccination
Une problématique récurrente, « c’est l’absentéisme ». Il peut s’agir de l’ado en décrochage qui brosse les cours. Mais pas uniquement. « L’absentéisme, c’est aussi l’enfant que les parents n’amènent pas à l’école, ce sont des difficultés familiales, des problèmes de transport, de santé… Le problème vient-il de l’enfant, d’un parent, du couple ? Il faut creuser, tenter de comprendre ce qui se passe à la maison. Les parents sont parfois pris par d’autres priorités, de sorte que le pédagogique passe au second plan. Il n’y a plus de conscience de l’importance de l’école. »
Pour cette année scolaire 2025-2026, le centre PMS portera une attention particulière à la promotion de la vaccination. « La proportion d’enfants non vaccinés devient inquiétante. C’est une catastrophe. Tout le corps médical s’accorde pour dire que le Covid a créé une méfiance, une peur de la vaccination. » De manière générale, dit Laurence Lecomte, la vaccination pour la petite enfance, avant l’entrée à l’école, est bien respectée. C’est après que les choses se gâtent, lorsqu’il s’agit d’effectuer les rappels contre le tétanos, le RRO (rougeole, rubéole, oreillons), le vaccin contre le papillomavirus, etc.
Après cinq années de pratique en tant qu’infirmière scolaire, Mme Lecomte s’est forgé une conviction. « Le secret pour que l’enfant se confie à vous, c’est de lui donner du temps au moment où il vient le chercher. Les jeunes sont dans l’immédiateté. S’ils ont une question, il faut prendre le temps tout de suite de leur répondre. Malheureusement, conclut-elle, notre société ne nous offre pas toujours cette souplesse-là. »


